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La FIDH et le referendum en Tchétchénie du 23 mars 2003


mardi 29 avril 2003

Le 23 mars s'est déroulé en Tchétchénie un référendum dont l'objet était l'adoption d'une nouvelle constitution pour la république ainsi que la tenue d'élections parlementaires et présidentielles.

En février 2003, la Fédération internationale des ligues des droits de l'Homme (FIDH) a mandaté en Ingouchie une mission d'enquête en partenariat avec le Centre des droits de l'homme Memorial, et une personne ressource de Médecins du Monde (MDM) se trouvait en mission sur le territoire tchétchène pendant le référendum et a pu de facto constater comment il s'est déroulé. De fait, il s'agit d'un des seuls rares étrangers ayant pu observer de façon non-officielle et indépendante l'activité des bureaux de vote.

Ces deux missions ont pu tout d'abord constater que malgré les discours officiels russes qui font état depuis plusieurs mois d'une « normalisation » de la situation en Tchétchénie, la population civile continue d'être la principale victime d'une guerre qui se poursuit depuis 3 ans et demi, et ce dans une quasi totale impunité pour les auteurs des crimes .

Si les opérations de nettoyage de grande envergure et les bombardements se font moins nombreux, on assiste aujourd'hui en Tchétchénie à une généralisation d'« opérations ciblées » qui se soldent par des arrestations arbitraires, des tortures et des disparitions de plus en plus nombreuses d'hommes arrêtés par des groupes armés agissant de nuit. Des charniers continuent d'être découverts.

Cette seconde campagne russe en Tchétchénie a fait depuis l'automne 1999 environ 50 000 victimes civiles et plus de 150 000 blessés selon les ONG, plusieurs milliers de personnes sont aujourd'hui portées disparues après avoir été arrêtées par les représentants des troupes fédérales, 100 000 personnes sont réfugiées en Ingouchie voisine où elles vivent dans des conditions humanitaires dégradantes, des milliers d'autres sont éparpillées en Russie et dans le monde.

De plus, la Tchétchénie continue d'être un territoire dont l'accès est limité pour les journalistes indépendants et les ONG, le discours officiel russe étant d'un côté de les inviter à se rendre en Tchétchénie en déclarant qu'aucun obstacle ne s'opposera à leur venue, mais en affirmant de l'autre que leur sécurité ne peut être assurée.

Dans cette situation de dangerosité et de huis-clos la liberté d'expression n'est qu'un leurre. Et dans ce climat de guerre, de tensions et de menaces le déroulement d'un référendum constitutionnel est apparu comme une « triste pièce dans un théâtre brûlé ».

En outre, de nombreuses pressions ont été exercées sur la population pour l'inciter à aller voter et aucun débat n'a été engagé sur le référendum en dehors de réunions pré-électorales organisées par les autorités tchétchènes pro-russes et dont le but était plus d'intimider les participants que de les informer.

Par ailleurs, la mission mandatée par MDM au moment du référendum en Tchétchénie a pu se rendre compte de l'ampleur du mensonge qui l'a entouré. Les chiffres officiels ont fait état d'un taux de participation au référendum d'environ 85%, et d'un plébiscite en faveur de cette constitution, qui aurait été adoptée par 96% des voix, alors que le 23 mars 2003, les rues de Grozny étaient désertes, ainsi que les bureaux de vote.

La mission a pu, de plus, être témoin de nombreuses irrégularités. A 10h00 le 23 mars, un bulletin d'information a indiqué sur une chaîne de radio qu'une file d'attente s'était formée devant le bureau de vote situé dans l'école N°7 sur la chaussée Pervomaïskaya. Cependant, arrivée sur les lieux cinq minutes plus tard, la personne ressource de MDM n'a vu devant le bureau que des gardes armés, et à l'intérieur du bureau ne votaient que 4 ou 5 personnes. En outre, un témoin direct faisant partie de la commission électorale d'un bureau de vote du quartier Staropromyslovsky a déclaré à la mission que moins de 300 personnes étaient venues voter dans ce bureau, mais qu'en fin de journée les chiffres officiels indiquaient 2185 votants. Les Tchétchènes accompagnant le chargé de mission MDM ont délibérément voté plusieurs fois dans des bureaux différents, afin de démontrer l'absurdité de l'opération.

Cette opération constitue une humiliation de plus envers la population civile tchétchène, à qui on a démontré que ses voix n'étaient pas nécessaires pour faire adopter massivement une constitution qui consacre le refus des autorités russes d'envisager une solution négociée avec la partie tchétchène représentée par le président démocratiquement élu Aslan Maskhadov.

Malheureusement, il est à craindre que l'adoption de cette constitution ne fera que légitimer l'« opération anti-terroriste » du Kremlin en Tchétchénie, puisque la résistance tchétchène devient définitivement hors-la-loi et présentée comme massivement désapprouvée par les Tchétchènes. Ainsi, les autorités russes se sont munies d'une nouvelle arme pour « éliminer les terroristes » en toute légitimité et en toute impunité, tout en se présentant comme les garants de la paix et de la solution politique, faisant le parallèle avec la guerre en Irak.

La préparation du texte, les conditions de la campagne et celles de la tenue du scrutin ont amplement démontré que cette opération n'était qu'un marché de dupes.

La FIDH et MDM appellent les institutions internationales à exiger des autorités russes qu'elles mettent fin à cette guerre et aux violations des droits de l'homme contre la population civile qui en découlent et à initier de véritables négociations aux fins d'une solution pacifique et politique correspondant aux réelles aspirations du peuple tchétchène.

Source : FIDH (Fédération Internationale des Droits de l'Homme



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