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L'évolution de la communauté russe à partir de la Seconde guerre mondiale (avril 2003)


mercredi 30 avril 2003

Si la communauté russe de Paris des années 1920-1940 est le lieu d'expression des courants les plus divers (en particulier dans le domaine politique avec le groupe des Cadets, des Socialistes Révolutionnaires, des Monarchistes, et parmi eux les partisans du grand duc Nicolas et du grand duc Cyrille (pour ne citer que les clivages les plus anciens et les plus évidents), elle forme un seul front face au régime soviétique.

Cette cohésion se trouve mise à mal avec l'invasion de l'URSS par Hitler, qui précipite l'Union Soviétique dans le camp des puissances occidentales en lutte contre l'Allemagne nazie, et fait de l'Armée Rouge une armée de libération aux yeux de nombreux émigrés. Cette nouvelle image du pays des soviets est encore servie par un changement de langage de la part des autorités soviétiques.

Celles-ci cessent de puiser au fonds des idéologies marxiste et léniniste pour invoquer les héros de la Russie éternelle et ménager l'Eglise orthodoxe, soudainement sollicitée pour orchestrer le renouveau nationaliste grand-russe. Une part importante de l'émigration se laisse convaincre et renoue avec le régime soviétique.

La communauté se trouve scindée entre les irréductibles opposants et les nouveaux partisans, qui commencent à envisager leur retour au pays. Lorsque le Soviet Suprême annonce, par un décret du 14 juin 1946, la possibilité pour tous les émigrés des années 20 d'acquérir la citoyenneté soviétique, le cinquième de l'émigration de France choisissent cette solution, semble-t-il, aggravant encore les divisions de la communauté. Ces bouleversements sont à l'origine d'une nouvelle attitude des Russes restés fidèles à leur premier engagement. Comme l'écrit Catherine Gousseff, si "durant tout l'entre-deux-guerre, les émigrés, en ayant été assimilés à "des ennemis du peuple", avaient été exclus de leur pays" , désormais "c'étaient eux-mêmes qui s'excluaient de leur patrie et choisissaient par là de vivre en émigration. (...) L'après-guerre marque en ce sens une étape importante dans l'histoire de l'émigration russe, celle où, abandonnant toute ambition à l'égard de son pays d'origine, elle s'oriente presque exclusivement vers la protection de son patrimoine". En outre, de nombreux départs vers les Etats-Unis affaiblissent encore la communauté parisienne, au profit de New York notamment, qui apparait alors comme le nouveau pôle de l'émigration russe. Cette tendance s'accentue dans les années 70, avec l'installation massive en Amérique de la dissidence soviétique.

Il faut souligner que le petit nombre des dissidents qui choisissent d'émigrer en France s'intégre peu aux structures mises en place par la première génération. Si la deuxième vague a pu se fondre au sein de la première, et jouer un rôle important dans la vie politique, culturelle et religieuse de la communauté, une incompréhension mutuelle, la crainte des infiltrations et une distinction vivement ressentie aujourd'hui encore entre "Russes" et "Soviétiques", condamnent tout échange et maintiennent les uns et les autres dans des sphères séparées. On peut se demander si la communauté russe ne s'est alors privée de l'apport d'un sang neuf qui aurait pu contribuer au renouvellement des structures existantes.

Nous n'avons pas recensé d'associations héritées de l'émigration de l'après Seconde Guerre Mondiale (à l'origine, en revanche, du journal "La Pensée Russe" , qui demeure un monument de la presse de l'émigration russe), les dissidents s'étant peu engagé dans la vie associative. On peut cependant mentionner la création en 1986 de l'Association des Artistes de Russie à Paris, dont l'objectif est de promouvoir, par l'organisation d'expositions, de concerts ou de conférences, les travaux d'artistes dont la plupart appartiennent à l'émigration de la fin des années 70.

A ces bouleversements qui, selon l'expression de Catherine Gousseff, ont contribué à figer la communauté russe de Paris comme "un ilôt historique en voie d'assimilation" s'ajoute un dernier traumatisme avec la chute du communisme : elle qui s'était structurée toute entière autour de son opposition au régime soviétique se trouve brutalement privée de son fondement historique avec la disparition de l'ennemi juré.

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