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"Pour permettre une plus grande Europe : plaidoyer pour un statut de membre associé à l'Union Européenne" par Volodymyr POSSELSKY


vendredi 16 mai 2003

La levée du Rideau de fer a rapidement soulevé la question des frontières orientales d'une "Grande Europe" unifiée.

Au 1er mai 2004, huit anciens pays du "camp socialiste" (Hongrie, Pologne, République Tchèque, Slovaquie, pays baltes et Slovénie) doivent rejoindre l'Union européenne. Trois ans plus tard, l'UE est censée s'ouvrir à deux autres Pays d'Europe Centrale et Orientale (PECO) : la Bulgarie et la Roumanie. L'Europe communautaire est également vouée, tôt ou tard, à englober les Balkans occidentaux. Or, la question des limites de l'espace européen intégré pose, à moyen et à long terme, le problème de la destinée géopolitique de la Turquie et des nouveaux pays européens issus de l'ex-Union soviétique. Où, donc, finit l'Europe ? Sans prétendre trouver une réponse à cette question si épineuse, le texte publié ci-après tente de poser des jalons pour réunir politiquement l'ensemble du Vieux continent.

Le Conseil européen de Copenhague (les 12-13 décembre 2002) a proclamé solennellement un élargissement "historique" de l'Union européenne en direction des huit pays d'Europe centrale et orientale. En même temps, l'Union a réaffirmé sa volonté d'accueillir en 2007 la Bulgarie et la Roumanie et a décidé d'évaluer en décembre 2004 les avancées de la Turquie en vue d'une ouverture éventuelle des négociations d'adhésion avec ce pays. Il est également reconnu que les pays balkaniques, signataires des accords de stabilisation et d'association avec l'UE, sont promis à l'entrée dans l'Union à condition de remplir pleinement les critères d'adhésion. Ainsi, l'Europe communautaire se conçoit comme un projet d'unification de trois aires géohistoriques européennes : l'Occident européen, l'Europe centrale et le Sud-Est balkanique. En revanche, à part les pays baltes, les nouveaux Etats européens de l'ancien espace russe et soviétique et la Russie elle-même sont projetés à l'extérieur de l'Europe unie. Soucieux de préserver la cohérence interne de la construction européenne, les dirigeants de grands pays fondateurs de l'Union ne veulent pas s'engager au-delà des élargissements déjà promis. Selon une approche actuellement prédominante, la Grande Europe doit s'organiser en deux cercles concentriques. Le premier cercle comprend les quinze Etats membres actuels et les dix pays qui viennent d'achever leurs négociations d'adhésion. Il faudra y ajouter les pays dont la vocation à entrer dans l'Union a été reconnue : la Bulgarie, la Roumanie, les Balkans occidentaux et, probablement, la Turquie. Le deuxième cercle sera constitué d'un "anneau de pays amis", de voisins immédiats de l'Europe élargie, avec lesquels l'Europe instaurera des "partenariats de voisinage stratégique, politique et économique". Ces relations privilégiées seront proposées à la Russie, à d'autres Etats européens de l'ex-URSS ainsi qu'aux pays du Maghreb. Enfin, le troisième cercle extérieur réunira les pays associés, avec lesquels l'Union développera des coopérations spécifiques : en Afrique, comme en Amérique latine ou en Asie. Evidement, la mise en oeuvre d'une telle stratégie de voisinage met dans une situation défavorable l'Ukraine et la Moldavie (dans une moindre mesure, les pays du Caucase) en les plaçant, en dépit de leurs revendications, au même niveau que le Maroc, la Tunisie et leur ancienne métropole, la Russie.

A part les considérations d'ordre interne et tactique (la cohérence du projet européen, la nécessité de se concentrer sur la "digestion" de trois ou quatre vagues d'élargissements envisagées), l'extension européenne à une seule Ukraine poserait deux défis majeurs. En premier lieu, étant donné les caractéristiques démographiques et socio-économiques du pays, l'entrée de l'Ukraine dans l'UE pourrait s'avérer "au-dessus des moyens du budget communautaire". Elle exigerait un transfert massif des flux financiers en faveur de l'Ukraine et une nouvelle révision douloureuse de certaines politiques communautaires (en premier lieu, de la Politique agricole commune). Deuxièmement, aussi longtemps que l'Etat ukrainien sera en position de faiblesse et de dépendance politique et économique par rapport à la Russie, l'adhésion du pays à l'UE sera hypothéqué par les démarches de son grand voisin (par exemple, le refus probable de la Fédération de Russie d'appliquer les normes de l'espace de Schengen au régime de sa frontière avec l'Ukraine).

A notre avis, la solution idéale pour l'Europe communautaire et les pays périphériques comme l'Ukraine consisterait à créer un statut spécial de membre associé de l'Union. A la différence des accords d1association actuels, fondés sur l1article 310 du Traité C.E. et des "partenariats de voisinages" éventuels, le statut de membre associé se caractériserait par une vraie adhésion des pays européens à l1Union sur la base du respect de l1acquis communautaire allégé. Plus précisément, l1adhésion à l1UE en tant que membre associé devrait reposer sur les seuls critères politiques : "institutions stables garantissant la démocratie, la primauté du droit, les droits de l1homme, le respect des minorités et leur protection". Les pays-membres associés pourraient s1associer à la réalisation de la Politique Etrangère et de Sécurité commune (PESC) et intégrer progressivement l1Espace économique européen et l1espace Schengen. Sur le plan institutionnel ils siégeraient dans les institutions européennes sans droit de vote. Ces Etats européens bénéficieraient d1une aide communautaire substantielle visant à favoriser l1incorporation de l1acquis communautaire et la consolidation de la démocratie.

Malheureusement, ni l'Europe unie ni les nouveaux pays européens issus de l'ex-URSS ne se sentent prêts, pour le moment, à réaliser le rapprochement réciproque décisif. Finalement, cette situation repose sur une réalité objective : l'Europe en tant que l'union des "Etats européens qui partagent les mêmes valeurs, et qui s'engagent à les promouvoir en commun", cette Europe finit, aujourd'hui, bel et bien à la frontière orientale de la Pologne.

Volodymyr Posselsky, Doctorant à l'Institut d'Etudes Politiques de Paris, rattaché au Centre d'Etudes et de Recherches Internationales (CERI, France), membre du comité de rédaction de la Lettre du COLISEE.



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