Accueil Brèves Plan du site Contact Admin


COLISEE Articles
comité pour l’information sur l’Europe de l’Est
   
 
 
[ Imprimer cet article ]


Azerbaïdjan : les populations oubliées de la Guerre du Haut-Karabagh


jeudi 5 juin 2003

 

Azerbaïdjan : les populations oubliées de la Guerre du Haut-Karabagh


Bénéficiant d'un fort potentiel de développement économique du fait de ses richesses pétrolières, l'Azerbaïdjan souffre cependant de grandes disparités sociales aggravées par l'existence d'une importante population de personnes déplacées et dépendantes. Ces populations oubliées sont les victimes du conflit du Haut-Karabagh (1989-1994) qui a amputé l'Azerbaïdjan d'une part importante de son territoire. Souvent livrés à eux-mêmes, ces « déplacés » ont dû faire un remarquable effort pour s'organiser avec le soutien des ONG humanitaires.

Des populations que l'on a voulu oublier

Entre 1992 et 1994, l'Azerbaïdjan a perdu le contrôle de près de 20 % de son territoire conquis par l'Arménie. Près de 800.000 personnes ont dû quitter de force leurs foyers. Aujourd'hui encore, on compte 135.000 personnes déplacées regroupées dans des camps. Habitant des tentes, des bâtiments inachevés ou même des wagons de chemin de fer, ces « déplacés » se sont tant bien que mal organisés en élisant des comités de direction auxquels participent les femmes, très impliquées dans la gestion des affaires communes. Depuis des années, la plupart des tentes ont cédé la place à des baraquements de fortune, faits de torchis et de tôle. Des travaux d'assainissement ont été conduits, l'électricité, des écoles et des dispensaires organisés et entretenus grâce à l'intervention des ONG humanitaires. Toutefois, les conditions sanitaires insuffisantes associées à un climat chaud contribuent à la propagation des maladies.

La Société du Croissant Rouge Azerbaïdjanais (SCRaz) concentre son action dans la région de Sabirabad à 160 Km de Bakou. « Seule ONG présente dans la région, la SCRaz prend en charge sept camps rassemblant plus de 15.000 personnes » indique Rankichiev Aftandil, directeur du centre régional. Lui- même « déplacé », M. Aftandil est originaire du district de Fizuli, où le CICR finance des opérations de déminage. Son collègue, Parviz Hajiyev, représentant la délégation de la Fédération internationale précise : « Le nombre des réfugiés a énormément diminué ici. À l'origine, ces camps accueillaient 350.000 personnes, mais depuis dix ans, beaucoup sont partis pour s'installer ailleurs, notamment dans les faubourgs de la capitale Bakou. »

Plus au sud, au camp de Sa'atli, son « maire », Metlev Mer Aliev, me confie ses problèmes quotidiens : « On manque d'eau, d'électricité, et l'aide alimentaire diminue régulièrement. 0n doit acheter de la nourriture nous-même maintenant, et puis on manque de terres à cultiver. » La liste est longue à égréner pour cet homme réservé, ancien ingénieur civil et père de trois enfants. À trente-deux ans, ses responsabilités semblent peser lourdement sur ses épaules. Il n'en est pas moins fier de ses réalisations : la création d'un club de sport, et surtout la construction d'une maison commune « pour les mariages... »

Le gouvernement azerbaïdjanais n'a pris que très récemment des mesures pour reloger ces populations longtemps délaissées. Parviz Hajiyev donne quelques précisions à ce sujet : « Le gouvernement azerbaïdjanais a décidé d'achever un programme de construction de logement pour ces familles, dans deux ou trois mois, plus de 3.400 maisons auront été construites dans la région, et 1.300 dans les autres provinces. Le gouvernement a en outre décidé de procéder à des dotations de terrains, soit 1 ha par maison et par famille. »

Une situation sociale difficile

Depuis son retour à l'indépendance en 1991, la République d'Azerbaïdjan a dû affronter une décennie d'instabilité. La transition économique vers une économie de marché a eu un impact social dramatique, notamment dans le domaine de la santé, en limitant l'accès aux soins pour une part croissante de la population. Le secteur pétrolier a pourtant fait bénéficier à l'Azerbaïdjan d'une des meilleures croissances au sein du groupe des ex-Républiques d'Union soviétique . En dépit de cela, un récent rapport de la Banque Mondiale a classé l'Azerbaïdjan parmi les pays en voie de développement, relevant que près de 61,5 % de sa population dispose d'un revenu inférieur au seuil de pauvreté.

Le conflit du Nagorno-Karabakh avec l'Arménie (1989-94) a exacerbé ce problème en créant une importante population de réfugiés et de déplacés dépendante de l'aide alimentaire internationale.

Le remarquable dynamisme des femmes

Bakou, ville millionnaire où l'on parle russe, accueille dans ses faubourgs un grand nombre de « déplacés » qui ont fui les camps du Sud. Trouvant parfois à se loger chez des amis ou dans leurs familles, ces populations ont souvent investi des immeubles encore en construction ou des bâtiments publics (école, cités universitaires). Déracinés, tiraillés entre habitat précaire (une famille par chambre en moyenne) et revenus aléatoires, ces hommes et ces femmes survivent et s'organisent. Décidées à améliorer leurs conditions d'existence, les femmes sont particulièrement actives et la FICRCR encourage leur dynamisme en finançant divers programmes sociaux. Visant à aider ces communautés à devenir autonomes financièrement et fondés sur le principe des transferts de savoir- faire intergénérationnels, ces programmes aident des petits groupes de couturières à se lancer dans une production artisanale : les anciennes, les arrière-grand-mères, apprenant à leurs petites filles les méthodes de tissage traditionnelles ou le tricot.

À la « Chaussée de Binagadi », un ancien garage qui abrite l'une de ces petites communautés, des femmes s'activent sur de vieux métiers à tisser. Dans un autre de ces ateliers, situé dans une sorte de HLM vétuste, quatre générations sont présentes : des petites qui rient, leurs mères attentives, leur grand-mère toute en dignité, leur arrière grand-mère enfin qui parvient péniblement à la chambre pour participer à l'assemblée. Absorbées par leur travail et ses questions quotidiennes (qualité du lainage, quantités nécessaires, teintes et couleurs.), ces femmes tentent de tisser un meilleur destin pour leurs enfants.

Guillaume Lecoque (août 2002)



[ Imprimer cet article ] [ Haut ]
 

 
 
  01. Accueil
02. Albanie
03. Arménie
04. Azerbaïdjan
05. Biélorussie
06. Bosnie-Herzégovine
07. Croatie
08. Géorgie
09. Kazakhstan
10. Kirghizstan
11. Macédoine
12. Moldavie
13. Monténégro
14. Ouzbékistan
15. Russie
16. Serbie
17. Tadjikistan
18. Turkménistan
19. Ukraine
20. Etats autoproclamés
21. Union européenne
22. Grandes régions d'Europe et d'Asie
23. Thèmes transversaux
24. Les séminaires et les conférences
25. Les dossiers du COLISEE

Contact
 

 
 
Dans la même rubrique

 



© 2013 COLISEE