Blaga Dimitrova, poète et intellectuelle bulgare (1921-2003)
vendredi 6 juin 2003
Blaga Dimitrova, poète et intellectuelle bulgare
L'un des plus féconds et des plus célèbres écrivains bulgares, Blaga Dimitrova, est morte vendredi 2 mai dans un hôpital de Sofia. Elle était âgée de 81 ans.
Auteur de plus de trente recueils de poésie (dont en traduction française, Qui veille sur la cigogne aveugle, 1990, et La mer interdite, 1994), de sept romans, de quatre pièces de théâtre, de nombreux essais, de traductions, Blaga Dimitrova participait, de plus, activement à la vie publique de son pays. Après la chute du communisme, en 1992, elle fut même élue vice-présidente de la Bulgarie ; mais, déçue, elle devait démissionner de ce poste un an plus tard.
Le destin de Blaga Dimitrova, née à Sofia en 1921, épouse les courbes de l'histoire de son pays et de toute l'Europe de l'Est. Etudiante pendant la guerre, elle se reconnaît dans l'antifascisme. En 1944, la Bulgarie bascule dans l'orbite soviétique. Dimitrova, qui a poursuivi ses études à Moscou, chante dans ses poèmes la résistance et la construction du socialisme. Elle s'engage ans le combat contre la guerre du Vietnam (L'enfant qui venait du Vietnam paraît en français au Seuil en 1973).
Cependant, de plus en plus étrangère à la rhétorique officielle, Blaga Dimitrova devient la cible d'attaques dans la presse bulgare et finit par être une des rares dissidentes du pays.
Alors que ses livres sont censurés et interdits, sa popularité grandit : les lecteurs font l'apprentissage de la liberté dans ses poèmes. Dans les années 1980, elle participe à la fondation du Club pour la démocratie, premier lieu de contestation ouverte.
Après la chute du mur de Berlin, Dimitrova se trouve (brièvement) propulsée sur le devant de la scène politique, avant de revenir à l'écriture : enfin libérée, non seulement des illusions de jeunesse ou de la censure, mais aussi de l'obligation de défendre une cause. Elle écrit, entre autres, nombre de brefs essais, analyses aiguës de la condition des hommes (et des femmes) modernes. Mais un nouveau danger se profile pour la culture en Bulgarie : le règne exclusif du profit, le goût du sensationnel, la confusion des valeurs.
« Mais le monde sans poésie est-il possible ? » se demandait Blaga Dimitrova dans un de ses derniers textes. « De nouveau croît l'aspiration à quelque chose d'essentiel qui manque, sans lequel nous nous perdons nous-mêmes »
Tzvetan Todorov , dans Le Monde 10 mai 2003
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