L'Hommage européen de Macerata au scénographe tchèque Josef Svoboda
vendredi 1er août 2003
L'Académie des Beaux-Arts, l'Associazione Arena Sferisterio et la Ville de Macerata (Italie) ont rendu,du 11 au 18 juillet 2003, un hommage au scénographe international le plus important de la seconde moitié du vingtième siècle qui fut, entre autres, le fondateur de la Laterna magika de Prague que le monde entier découvrit à l'Exposition universelle de Bruxelles en 1958. (J'ai recensé 676 scénographies signées par Josef Svoboda (1920-2002) pour la chronologie qui sera prochainement publiée, par L'Age d'Homme, à Lausanne, dans la réédition de la monographie que lui a consacrée Denis Bablet)
L'Hommage européen de Macerata au scénographe tchèque Josef Svoboda
Josef Svoboda, par son travail exceptionnel, a su donner en 1992 une impulsion sans précédent au Sferisterio de Macerata, des arènes pouvant accueillir 2500 spectateurs. Tout en préservant la tradition italienne de l'opéra, il a introduit avec maestria de nouveaux matériaux. Il a conçu une scénographie pour La Traviata de Verdi dont l'élément fondamental est un miroir de 12 m de haut sur 22 m de large, un miroir qui au début du spectacle repose sur le sol et que des machinistes invisibles inclinent progressivement de 45 à 85 degrés. Un miroir dans lequel se démultiplie l'action sur scène et se reflète le décor posé sur le sol, un décor fait par une succession de toiles peintes qui sont de véritables collages (le rideau d'un théâtre, l'intérieur splendide d'une demeure, une villa à la campagne, une salle de casino…), des collages réalisés à partir de cartes postales achetées à Paris chez les bouquinistes. Un miroir qui, au finale, mêle et confond chanteurs et spectateurs car il intègre une partie du public, celui des loges des arènes sur la scène ; une idée qui suscite une très vive émotion.
Au Laboratoire de Recherches sur les Arts du Spectacle, nous suivons depuis longtemps le travail de Josef Svoboda et de l'équipe de la Laterna magika. Je l'avais interviewé en 1996, 1997 et 1998 à Prague. Lors de ces entretiens, il évoquait avec passion ce qu'il était parvenu à faire à Macerata, me disant qu'il avait maîtrisé les problèmes liés à une grande salle en plein air, en s'inspirant des règles optiques et physiques les plus simples. Mon rêve était de voir cette Traviata à Macerata ; il s'est réalisé cette année, sans la présence de Svoboda qui nous a quittés l'an dernier. Certes, le maître-scénographe a emporté avec lui maints de ses secrets, comme ce camélia qui à l'ouverture du spectacle s'épanouissait électroniquement pour atteindre 3m de diamètre. Mais le metteur en scène Henning Brockhaus (formé par Giorgio Strehler), par sa direction d'acteurs exceptionnelle, a su palier les manques dus à la disparition de Svoboda : en étalant l'action de part et d'autre du plateau, en orchestrant avec maestria le tableau gigantesque du casino (composé d'une centaine d'artistes, avec une chorégraphie de Juan de Torres) ; surtout en emphatisant les actions démultipliées par le miroir et en focalisant davantage les autres, une focalisation qui nous amène à pointer notre regard sur une simple flûte de champagne déposée par Violetta à ses pieds. Il faut souligner aussi la prestation originale et émouvante des chanteurs (Eva Mei, Violetta ; Giuseppe Sabbatini, Alfredo Germont ; Stefano Antonucci, Giorgio Germont, le père…).
Josef Svoboda a conçu d'autres scénographies pour ce lieu de Macerata Opera : pour le ballet La Sonnambula de Bellini (1992), Rigoletto de Verdi et Lucia di Lammermoor de Donizetti (1993), Attila de Verdi (1996).
L'hommage rendu cette année, intitulé Nel segno di Josef Svoboda, (en présence de sa fille, la costumière Sarka Svobodova-Hejnova, et de ses deux petits-enfants), par Macerata, était surtout précédé d'une MasterClass européenne, organisée par la directrice (Anna Verducci) et des professeurs (Giorgio Marangoni et Massimo Puliani) de l'Académie des Beaux-Arts, dirigée par le scénographe hongrois Csaba Antal qui a fait une partie de ses études à Prague avec Svoboda. Les 37 participants (professeurs, diplômés ou futurs diplômés de disciplines théâtrales, surtout scénographiques), venus d'Italie, de France, de Hongrie, de Russie et de République tchèque, ont bénéficié de conférences sur le travail et la personnalité de Josef Svoboda, ont réalisé du 11 au 17 juillet une belle composition multimédia de l'opéra Intolleranza 1960 de Luigi Nono, scénographié par Josef Svoboda pour la Biennale de Venise en 1961 et à Boston (USA) en 1965 avec le concours du MIT (Massachusets Intitute of Technology).
Nel segno di Josef Svoboda, auquel j'ai été invitée (en tant que spécialiste du théâtre tchèque) avec Christine Richier (spécialiste de la lumière, enseignante à l'ENSATT, qui a réalisé avec Marco Motta un film magnifique sur Josef Svoboda) pour la France, a reçu le soutien de l'Union des Théâtres de l'Europe, avec la présence active de son directeur Elie Malka.
Macerata envisage d'organiser chaque année une MasterClass européenne, voire internationale, sur Josef Svoboda.
Je tiens à remercier Bruno Carletti, directeur administratif de l'Associazione Arena Sferisterio, et toute son équipe dynamique pour leur accueil chaleureux qui nous a permis de mieux comprendre et étudier le travail de Josef Svoboda à Macerata.
Texte original de Danièle Monmarte, Vice-Présidente du COLISEE
Mise à jour le 1er septembre 2003
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