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Russie : la xénophobie dans l'espace post-soviétique


mardi 24 février 2004

La Russie a été bouleversée d'apprendre que cinq adolescents ivres avaient agressé la famille d'un ressortissant tadjik, tuant une fillette de neuf ans, Khourcheda Soultanova. Un débat vraiment sérieux sur le racisme russe s'est alors engagé dans les milieux politiques.

Selon l'Institut indépendant de communicabilité, les principales victimes de l'intolérance sont aujourd'hui, en Russie, les Azerbaïdjanais, les Arméniens, tous ceux que l'on désigne communément comme étant "de type caucasien". Viennent ensuite les personnes originaires d'Asie centrale et des pays africains. Ces trois groupes partagent la place longtemps occupée par les Juifs sur "l'échelle de la haine". Le bacille de la xénophobie n'est pas mort, il a muté.

Selon le professeur de psychologie Alexandre Asmolov, les observations faites en province dans le cadre du programme fédéral "Formation d'une conscience tolérante et prévention de l'extrémisme dans la société russe" ont révélé que la brutalité, l'agressivité et l'intolérance commençaient à être perçues comme la norme par les adolescents et de nombreux groupes adultes de population.

Le sociologue Lev Goudkov indique dans ses travaux que, dans la Russie moderne, "le complexe des humiliations sociales s'accroît très fortement... et revêt la forme d'injures nationales, d'un sentiment de persécution de la part d'autres groupes ethniques considérés comme des adversaires, des ennemis nationaux. C'est alors que naît le mythe de l'emprise des "basanés", azerbaïdjanais, tsiganes et autres".

L'essor pris par l'immigration et la hantise permanente des attentats favorisent l'expansion de la xénophobie. Ce phénomène désormais caractéristique de la Russie l'est aussi des pays européens ou des Etats-Unis.

Les attentats et les pogroms témoignent d'une même maladie de la société, de l'absence de tolérance. Et c'est avec juste raison que le gouverneur de Saint-Pétersbourg, Valentina Matvienko, a établi un parallèle entre l'assassinat de la fillette tadjike et l'attentat du métro de Moscou.

Au niveau intuitif, la plupart des Russes rejettent tout extrémisme. Le pays n'a pas oublié l'acte de Tatiana Sapounova qui au printemps 2002 avait arraché une affiche antisémite qui s'était révélée piégée et l'avait grièvement blessée. Son courage civique lui avait valu d'être distinguée par le président.

Au demeurant, comme le relève Emil Païne, directeur du Centre chargé d'étudier la xénophobie et l'extrémisme politique au sein de l'Institut de sociologie relevant de l'Académie des sciences, "il serait encore plus difficile de relever des exemples montrant des Tatars ou encore des Yakoutes qui prennent la défense des droits légitimes des Russes dans leur république respective". Nous voyons comment les intérêts de la communauté russe sont bafoués en Lettonie. On peut aussi rappeler comment, au début des années 90, les Russes ont été expulsés de certaines républiques d'Asie centrale après l'effondrement de l'Union Soviétique.

De l'avis du chercheur, les "vexations" se sont ancrées en tant que stéréotypes dans la conscience collective et, malheureusement, aussi dans celle de très nombreux politiques qui s'emploient à les attiser à des fins politiques. C'est la raison pour laquelle aujourd'hui le plus grand danger émane moins de l'extrémisme fanatique de masse (qui n'existe heureusement pas) que de l'extrémisme pragmatique des élites. Il convient de redouter tout particulièrement l'extrémisme masqué aux relents nationalistes qui se dissimule derrière la respectabilité politique et le parlementarisme.

Le président, les ministres fédéraux, les chefs des communautés religieuses ont beau multiplier les appels à la tolérance, dénoncer sans cesse l'incitation à la haine ethnique et religieuse, ils ne sont pas entendus au niveau de la conscience collective. Il est pratiquement impossible de convaincre les Russes que la responsabilité des attentats ne saurait être imputée à des représentants d'une ethnie ou d'une religion donnée. Il est extrêmement difficile de briser les stéréotypes selon lesquels tous les Tchétchènes seraient des terroristes, les Russes des ivrognes et les Juifs des escrocs.

Ainsi que le fait remarquer le professeur Asmolov, "en Europe tout comme en Russie il n'existe pas de politique psychologiquement active visant à réduire à néant les théories antisémites et xénophobes. En règle générale ceux qui tentent de le faire utilisent des méthodes rationnelles peu efficaces tandis que les militants des organisations extrémistes et les médias qui leur sont proches recourent à la méthode de la suggestion".

En Europe tout comme en Russie certaines organisations libérales contribuent à la diffusion d'une culture de la tolérance. Dans le cadre du programme fédéral déjà cité des ateliers psychologiques sur la tolérance sont organisées à l'intention des adolescents, des enseignants et des journalistes. Un programme de compréhension interethnique des adolescents et une fondation d'aide aux immigrés fonctionnent aussi en Russie. Les enseignants bénéficient de séminaires pour l'enseignement de l'Holocauste dans les écoles.

A partir des résultats de trois années d'application du programme fédéral, le gouvernement a rédigé un rapport intitulé "De l'état de la tolérance et de la prévention de l'extrémisme dans la société russe". Au mois de janvier ce document a été adressé au président Vladimir Poutine.

Toutefois, la prévention de l'extrémisme est un processus qui ne doit pas venir exclusivement d'en haut, il doit aussi être soutenu par les couches les plus larges de la population, notamment par les médias.

(Marianna Bélenkaïa/RIA - Novosti)



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