L'indépendance du Monténégro aura-t-elle un « effet domino » en Europe centrale et orientale ? (2006)
jeudi 25 mai 2006, par Hervé Collet
Le succès du référendum sur l'indépendance du Monténégro donne des ailes aux indépendantistes et autres irrédentistes des territoires à « statut particulier » des Balkans et de l'espace post-soviétique.
Deux groupes régionaux sont particulièrement concernés : les Balkans (Kosovo, Bosnie-Herzégovine, Macédoine) et les provinces sécessionnistes de l'ancienne Union soviétique qui ont formé ce que les journalistes ont coutume d'appeler « la CEI 2 » (Transnistrie, Haut-Karabagh, Abkhazie et Ossétie du sud). Cf. Dans l'ombre de la CEI : la CEI 2. L'indépendance du Monténégro, dont la reconnaissance internationale apparaît acquise après la validation des résultats par l'Union Européenne, relance l'espoir des dirigeants de ces territoires « atypiques » d'accéder à une reconnaissance internationale, pour deux raisons :
Il est encore possible, de nos jours, de reconfigurer la carte des États - réputée intouchable - en Europe continentale
Un pays peut accéder à l'indépendance, bien que « petit ».
C'est pour ces même motifs que l'Union Européenne a freiné des quatre fers pour « autoriser » le référendum monténégrin. Elle a probablement pensé que le seuil de 55 % des votes exprimés qu'elle a imposé aux autorités de Podgorica pour valider le scrutin était inatteignable (il est vrai que ce score était loin d'être acquis au moment où il a été fixé - on tournait plutôt autour de 52-53 %). Ne pouvant plus reculer, la communauté internationale va devoir gérer avec encore plus de difficulté les revendications indépendantistes d'autres territoires d'Europe continentale et peut-être d'autres continents. Elle craint la « balkanisation » de l'Europe centrale et orientale, qui multiplierait le nombre d'États admis à l'ONU et nourrirait tous les séparatismes (y compris en Europe occidentale). Moscou, de son côté, marche sur une ligne de crête : d'une part, les territoires de la « CEI 2 » sont ses protégés et survivent grâce à son soutien économique, mais d'autre part, la Fédération de Russie doit elle-même gérer les revendications séparatistes de certaines de ses républiques constitutives et doit éviter tout risque de contagion. C'est pourquoi, sur ce terrain, elle suit officiellement les positions de l'Union Européenne - qui, en retour, ferme les yeux sur la façon dont Moscou « gère » les volontés indépendantistes de son aire d'influence et (Tchétchénie, Daghestan, notamment).
Les diplomates occidentaux ont déjà prévu des parades : l'indépendance du Monténégro n'est pas une création ex nihilo : ce n'est jamais qu'un rétablissement historique et l'achèvement du processus entamé par la création de nouveaux États à partir de l'ancienne fédération yougoslave. Le Kosovo n'avait pas un statut de république autonome. Les Albanais de Macédoine n'ont pas de territoire « historique », etc. Il n'empêche que les revendications séparatistes se trouvent confortées par le référendum monténégrin, comme le montrent les articles publiés ci-après. Un nouveau défi pour l'Union Européenne et la communauté internationale.
Hervé Collet/COLISEE - 25 mai 2006
Kosovo, Bosnie, Macédoine : les répercussions dans les Balkans
Le référendum ne devrait pas laisser indifférents les peuples des Balkans et notamment les habitants du Kosovo, région serbe peuplée en majorité d'Albanais. Selon le calendrier de Martti Ahtisaari, envoyé spécial de l'ONU, le statut du Kosovo devrait être définitivement entériné avant la fin de cette année mais il reste difficile d'imaginer un rétablissement de la souveraineté des autorités de Belgrade sur cette région. « En cas de séparation de la Serbie et du Monténégro, il deviendra très difficile d'expliquer aux Kosovars que les Monténégrins, qui sont beaucoup plus proches des Serbes slaves, parlant la même langue, pratiquant la même religion, dont ils sont en quelque sorte les « cousins, aient à 650 000, le droit de choisir l'indépendance alors que les Albanais, qui ne sont pas slaves, ne parlent pas la même langue et sont beaucoup plus nombreux que les Monténégrins, devraient rester dans un Etat commun avec la Serbie » écrit Jacques Rupnik, directeur de recherche au Centre d'études et de recherches internationales (CERI). « L'indépendance du Kosovo ne dépend pas de l'indépendance du Monténégro » a cependant affirmé l'actuel Premier ministre du Kosovo, Agim Ceku. Après ce référendum, les Serbes de la République serbe de Bosnie-Herzégovine pourraient se sentir autorisés à demander l'organisation d'une consultation populaire pour affirmer leur indépendance (ou leur rattachement à la Serbie) tout comme les Albanais de Macédoine ou encore les habitants de la région serbe de Voïvodine. Le référendum apporte sans aucun doute une nouvelle légitimité aux revendications des autres peuples des Balkans.
Corinne Deloy/Fondation Robert Schuman - 23 mai 2006
Satisfaction des républiques non reconnues dans l'espace post-soviétique
Les républiques non reconnues dans l'espace postsoviétique (NDLR : Transnistrie, Haut-Karabagh, Abkhazie et Ossétie du sud) sont satisfaites du bilan du référendum monténégrin, a annoncé lundi 22 mai lors d'une conférence de presse à Moscou le ministre des Affaires étrangères de la république non reconnue de Transnistrie, Valeri Litskaï.
"Dans une certaine mesure, c'est une fête pour nous aujourd'hui : les Monténégrins ont voté pour leur indépendance", a indiqué le ministre de la république peuplée essentiellement de russophones qui avait proclamé son indépendance envers la Moldavie au lendemain de la chute de l'URSS, en 1992.
Les chefs des Ministres des Affaires Etrangères de toutes les républiques non reconnues sur le territoire de l'ex-URSS éprouvent un même sentiment de satisfaction face aux résultats du référendum monténégrin, a annoncé M. Litskaï, précisant qu'un échange de vues entre eux avait permis de le confirmer.
D'une part, la Transnistrie, qui est une république prorusse, souhaitait une victoire pour les forces proserbes du Monténégro, mais, "s'il est question de l'aspect juridique du processus, nous sommes de tout coeur avec les Monténégrins qui ont réalisé avec esprit de suite leur rêve d'indépendance, en vertu du droit international", a ajouté le ministre transnistrien des AE.
RIA Novosti/Kiev, 22 mai 2006
Après le Monténégro, l'Abkhazie a plus de chances de se faire reconnaître comme un pays indépendant
Si la communauté internationale a permis aux Monténégrins de faire sécession de la Serbie, l'Abkhazie a maintenant plus de chances d'obtenir la reconnaissance de son indépendance, a déclaré lundi à RIA Novosti le politologue abkhaz Sokrat Djindjolia.
Le directeur de la filiale d'Abkhazie du Centre caucasien de développement de la démocratie a estimé qu'il est surtout important que la sécession du Monténégro avec la Serbie se soit déroulée sans effusion de sang. Le politologue abkhaz a donné son avis sur les résultats du référendum de dimanche dernier dans l'ex-république yougoslave qui avait été remporté par les partisans de l'indépendance face à la Serbie.
A son avis, la décision de la population du Monténégro de devenir un pays indépendant prouve une nouvelle fois le fait que l'Abkhazie a elle aussi le droit de devenir un État indépendant et souverain. Le politologue abkhaz a rappelé qu'au cours du référendum de 1999 le peuple d'Abkhazie avait réaffirmé son cap sur l'indépendance envers le Géorgie.
L'Abkhazie, république autonome au sein de la Géorgie à l'époque de l'URSS, avait proclamé son indépendance face à Tbilissi en 1992, au lendemain de la disparition de l'Union Soviétique, en pleine guerre avec l'armée géorgienne.
Ria Novosti/Soukhoumi, 22 mai 2006
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