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Bulgarie : sociologie électorale d'Ataka, nouveau parti dans l'arène politique bulgare (2005)


lundi 4 juillet 2005

Selon les résultats officiels des élections législatives du 25 juin 2005, publiés par la Commission centrale électorale bulgare (1), la coalition Ataka, dirigée par Volen Siderov (2), a obtenu 296.848 voix, soit 8,75 % des suffrages exprimés. Elle obtient 21 sièges sur 240 à l'Assemblée et devient ainsi, en nombre de députés, le quatrième groupe parlementaire (3). Ce mouvement a été immédiatement qualifié d'"extrémiste". L'ampleur de son irruption sur la scène politique bulgare mérite d'être examinée dans sa dimension sociologique. Les premières données disponibles sur son électorat bousculent quelques idées reçues et montrent la complexité d'une dynamique qui vient de se dévoiler au grand jour en Bulgarie. Selon un sondage "sortie des urnes" - et donc avec les réserves scientifiques qu'il faut attribuer à ce type de sondages - on peut toutefois estimer que ce mouvement dispose d'un certain potentiel d'avenir.

Le sondage en question présente une double approche. La première examine le vote global des électeurs s'étant rendus aux urnes selon la nomenclature socio-démographique classique (sexe, âge, niveau d'éducation, etc.). La seconde concerne, parmi les électeurs s'étant prononcés pour Ataka, et selon la même nomenclature, le profil de l'électeur de ce mouvement. Les deux approches sont complémentaires. Elles permettent de croiser les informations et de dégager quelques tendances fortes.

Dans la première approche, sur 100 % des hommes interrogés s'étant rendus aux urnes, 9, 2 % se seraient prononcés pour Ataka. Sur 100 % des femmes interrogées s'étant rendues aux urnes, 6,1 % auraient fait ce choix.

Dans le groupe d'âge des 18-29 ans, 7,1 % des personnes interrogées à la sortie des bureaux de vote indiquent qu'elles ont voté pour Ataka. La proportion pour les autres groupes d'âge est la suivante : 30-39 ans : 8,4 % ; 40-49 ans : 8,1 % ; 50-59 ans : 8,3 % ; au-dessus de 60 ans : 6,2 %.

Concernant le niveau d'études, sur 100 % des personnes interrogées ayant indiqué qu'elles étaient diplômées de l'université, 8,5 % auraient choisi la coalition Ataka. Dans le groupe des personnes ayant déclaré un niveau d'études équivalent au lycée : 8,3 % ; et dans le groupe des personnes ayant indiqué un niveau inférieur à ce dernier : 3,0 %.

Sur le plan ethnique, sur 100 % des personnes interrogées ayant voté et se déclarant "Bulgares", 8,7 % déclarent avoir choisi Ataka.

Au sein des huit catégories sociales répertoriées dans ce sondage, la proportion par ordre décroissant est la suivante. Sur 100 % des étudiants interrogés s'étant rendus aux urnes, 11,2 % déclarent avoir voté pour Ataka ; viennent ensuite les employeurs (8,7 %), les employés (8,5 %), les ouvriers (8,2 %), les cadres (7,9 %), les retraités (6,8 %), les ménagères (5,7 %) et les chômeurs (4, 4 %).

Selon ce sondage, sur 100 % des électeurs interrogés à la sortie des urnes et habitant la capitale, Sofia, 9,5 % indiquent avoir choisi Ataka. Ils sont 8,8 % dans les grandes villes, 9, 8 % dans les petites villes et 3,3 % seulement dans les villages.

Dans la seconde approche, celle qui concerne le profil de l'électeur de la coalition Ataka, l'analyse se fonde sur 100 % des personnes ayant déclaré à la sortie des bureaux de vote avoir voté pour celle-ci. L'électorat est plus masculin (57,7 %) que féminin (42,3 %). Il partage cette caractéristique avec celle du DPS, le Mouvement pour les droits et les libertés (représentant les Bulgares d'origine turque et/ou musulmane). Sur le plan ethnique, l'électeur d'Ataka s'identifie comme "Bulgare" à 99,2 %.

Les électeurs d'Ataka sont très également répartis entre classe d'âge puisque 18,2 % seraient constitués de jeunes entre 18 et 29 ans ; 19,5 % de personnes entre 30 et 39 ans ; 19,2 % de personnes entre 40 et 49 ans ; 21,5 % de personnes entre 50 et 59 ans et 21,6 % de personnes de 60 ans et plus.

Concernant le niveau d'études, 54,2 % de ses électeurs serait issus du lycée ; 38,8 % auraient un niveau universitaire et 7,1 % indiqueraient un niveau secondaire ou inférieur à celui-ci.

La répartition selon les différentes catégories sociales se diviserait, en pourcentages, en deux groupes d'inégale importance. Le premier groupe comprendrait 24,7 % de travailleurs ; 24,4 % de retraités et 19,9 % d'employés. Le second groupe compterait 9,3 % d'employeurs ; 7,8 % d'étudiants ; 6,8 % de chômeurs et 5,4 % de cadres.

Quant à son implantation dans le pays, l'électeur d'Ataka proviendrait, pour 40,5 %, des villes moyennes ; pour 28, 6 %, des petites villes ; pour 18,3 %, de la capitale, Sofia, et pour 12,7 % des villages.

Autre information intéressante selon ce sondage "sortie des urnes ", les électeurs de ce mouvement assurent avoir voté aux élections législatives de 2001, à 34, 9 % pour le NDSV ; à 13,1 % pour le BSP, et à 11,3 % pour l'ODS. 6, 7 % affirment avoir voté pour un autre parti. 20,3 % déclarent s'être abstenus à l'époque.

Au-delà de ces premiers chiffres disponibles - qui proviennent, il faut le redire, d'un seul sondage "sortie des urnes" - quel est le profil de l'électeur moyen de ce mouvement "extrémiste" ?

C'est majoritairement un homme ; par rapport aux autres partis, il appartient de manière équivalente à l'ensemble des classes d'âge (4). Sur le plan ethnique, il est "Bulgare" à une majorité écrasante. Il dispose plutôt d'un certain niveau d'éducation. Il est majoritairement dans la catégorie des perdants de la transition (retraités et ouvriers) et habite dans les villes moyennes. Il y a quatre ans, il a plutôt voté pour celui qui est apparu devant l'opinion comme un "sauveur", l'ancien tsar Siméon II et son mouvement "attrape tout", le NDSV.

Selon les spécialistes bulgares - y compris ceux du BSP - la coalition Ataka a manifestement rogné sur l'électorat traditionnel des socialistes, les retraités et les ouvriers, qui avaient déjà "rompu les amarres" en 2001 en migrant vers le NDSV. Le retour au bercail en 2005 ne s'est pas produit comme certains l'espéraient. Pire, cet électorat s'est encore plus éloigné du parti en se radicalisant.

Les résultats de ces élections législatives du 25 juin 2005 montrent encore une fois l'extraordinaire volatilité de l'électorat bulgare. Ce nomadisme électoral, comme l'appellent certains spécialistes, est un indice manifeste de l'instabilité profonde et durable du système des partis politiques. Ataka est désormais en embuscade sur la scène politique bulgare et va certainement travailler sa différence auprès de son électorat.

Dans quelques mois, auront lieu plusieurs élections de maires (dans la mesure où ceux-ci viennent de se faire élire députés et ne peuvent pas cumuler ces deux fonctions). Ce sera un premier test quant à la pérennisation de la coalition Ataka dans l'opinion. La prochaine échéance électorale majeure est fixée à l'automne 2006, puisqu'il s'agira pour les Bulgares de choisir alors un président de la République. On pourrait s'attendre à quelques surprises si la classe politique bulgare - dans son ensemble - ne trouvait pas quelques bonnes réponses aux multiples questions qui viennent d'être posées par les électeurs le 25 juin 2005.

François Frison-Roche, CERSA, Université de Paris 2 - CNRS.

Notes
-  (1) Les résultats officiels sont les suivants : Coalition pour la Bulgarie (BSP) : 1.129.196 voix (34,17 %) et 82 sièges ; NDSV, 725.314 voix (22,08 %) et 53 sièges ; DPS, 467.400 voix (14,17 %) et 34 sièges ; Ataka, 296.848 voix (8,75 %) et 21 sièges ; Forces démocratiques unies (ODS) : 280.323 voix et 20 sièges ; Démocrates pour une Bulgarie forte (DSB) : 234.788 voix et 17 sièges ; Union populaire bulgare ( BNS) : 189.268 voix (5, 42 %) et 13 sièges.
-  (2) Cette coalition a été formée en mai 2005 par cinq partis politiques : l'Union des forces patriotiques et des réservistes Zachtita (Protection), le Mouvement national de libération Otetchestvo (Patrie), le parti national-patriotique, le cercle politique Zora (Aube) et Ataka, dirigé par V. Siderov, qui est devenu le leader de cette coalition. Ce dernier est né le 19 avril 1956 dans la ville de Yambol dans le Sud-Est de la Bulgarie. Il a fait ses études secondaires dans un lycée spécialisé en mathématique. Il est ensuite entré au séminaire orthodoxe.
-  (3) Voir notre précédent article Elections législatives du 25 juin 2005 : la Bulgarie serait-elle devenue ingouvernable ?
-  (4) Alors que par exemple le PSB recrute principalement dans la catégorie des 50 ans et plus (64,4 %) et que le NDSV est très bien implanté dans la catégorie des 18-49 ans (63, 8 %).



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