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Instabilité au Kirghizstan : menace sur les médias et la société civile (février 2006)


dimanche 5 février 2006, par Camille Magnard/Mathilde Goanec

Le ministère de la Justice accroît la pression sur les ONG, accusées d'être à la merci de l'occident. Selon Reporters sans frontières, les médias subissent eux-aussi des pressions diverses.

La société civile et les médias kirghizes subissent des pressions répétées en ce début d'année. Les ONG sont dans le collimateur du gouvernement qui, par la voix de Marat Kaïpov, ministre de la justice, a annoncé la semaine dernière une vaste opération de vérification des ONG financées par l'étranger. Cette enquête devrait être confiée aux très controversés services de sécurité SNB, héritiers du KGB. Inquiètes de cette mesure, elles ont adressé une lettre cosignée au président kirghiz Kourmanbek Bakiev, considérant que "la décision du ministre de la Justice Marat Kaïpov est avant tout destinée à détruire les ONG gênantes".

Cette tentative de "mise au pas" passe mal chez ces organisations, dont la plupart avaient pris une part importante, en mars 2005, au renversement de l'ancien président Akaïev, cette "révolution des tulipes" qui a amené au pouvoir Kourmanbek Bakiev. Derrière cette mesure, les ONG voient un alignement de leur gouvernement sur la ligne dure de Moscou, où Vladimir Poutine a fait voter une telle loi. Devant entrer en vigueur en avril prochain, elle prévoit un contrôle strict de l'État sur les activités des organisations non gouvernementales en Russie. Cette mesure a été vivement critiquée par les pays occidentaux et les organisations de défense des droits de l'Homme. "Je pense qu'il s'agit d'une copie de la décision du président russe qui a, dans les faits, initié le contrôle des ONG en Russie", a déclaré à l'AFP Edil Baïssalov, qui dirige la Coalition pour la démocratie et la société civile, l'une des ONG les plus respectées du pays. "Une campagne d'information est menée contre nous, dont le but est démontrer que la société civile est une marionnette de l'Occident".

Un refrain que la société civile connaît bien, pour l'avoir entendu lors des révolutions de velours, en Géorgie ou en Ukraine. Les justifications ministérielles ont également un goût de déjà vu, lorgnant cette fois ci sur la rhétorique employée par le président ouzbek, Islam Karimov, pour mettre au pas l'opposition politique : le ministre kirghiz de la Justice a justifié sa décision par l'existence de "menaces sur la sécurité nationale du Kirghizistan", citant notamment le terrorisme islamiste.

Ces informations confirment le climat délétère qui s'installe un peu plus chaque jour au Kirghizstan, le pouvoir s'avérant incapable de rétablir une réelle stabilité démocratique. Signe du malaise, la pression accrue qui s'instaure sur les médias. Reporters sans frontières a, fin janvier, appelé les autorités kirghizes à protéger les journalistes contre les intimidations dont ils sont victimes. Le communiqué émis par l'association de défense de la presse est sans équivoque : "Locaux pris d'assaut par des groupes mafieux inconnus, tentatives de rachat par des sociétés privées fictives, changement brutal de direction, tentative d'incendie déjouée contre la rédaction d'un grand quotidien, les journalistes kirghizes sont en alerte". En effet, le plus grand quotidien du pays, Vetchernyï Bichkek, a échappé à un incendie dans la nuit de dimanche à lundi. La direction du journal a accusé un chef mafieux d'être le commanditaire de cet acte criminel.

Plusieurs obstacles entravent toujours le travail des journalistes. En premier lieu, l'État conserve toujours la majorité des actions dans la plupart des groupes de presse, ce qui risque de confiner les journaux dans une information d'État. RSF signale également que des groupes mafieux maintiennent la pression sur les médias. Enfin, toujours selon l'organisation internationale, les journalistes kirghizes appréhendent "une reprise en main (des médias) par les proches de l'ancien président en exil, Askar Akaïev".

Car rien n'est réglé au Kirghizstan, et le pouvoir peine à changer de main. La famille de l'ancien président Akaïev reste très influente, malgré la levée d'impunité votée par le parlement kirghize en avril dernier. Les Akaïev, père, fils, filles et gendres, sont protégés par la Russie, qui héberge notamment l'ancien chef d'Etat, aujourd'hui reconverti en enseignant à l'Université. Les meurtres commandités se multiplient, les luttes intestines n'en finissent pas et les services de sécurité eux-mêmes sont mis en cause. Le Parlement kirghiz a adopté jeudi une résolution recommandant au président Kourmanbek Bakiev de renvoyer le chef des services de sécurité, Tachtémir Aïtbaïev, suite au meurtre début janvier d'un champion kirghiz de lutte gréco-romaine, Raatbek Sanatbaïev. Ce dernier était candidat à la présidence du Comité olympique kirghiz. Le Comité international olympique a même menacé le pays d'exclusion en raison des tractations douteuses sur cette élection, jetant un peu plus le doute sur les capacités démocratiques du pays. En réaction, les députés ont mis en cause le chef des services de sécurité, estimant que M. Aïtbaïev cherchait à gêner l'enquête sur cet assassinat. Interrogé par l'AFP, l'accusé a estimé qu'il s'agissait d'une manoeuvre de la part du Premier ministre kirghiz Felix Koulov, et l'accuse de corruption. Libéré lors de la "révolution des tulipes", Felix Koulov avait été emprisonné pour son opposition à l'ancien régime, à l'issue d'une enquête menée par M. Aïtbaïev.

Camille Magnard/Mathilde Goanec/Colisée.

En complément, lire l'article de Célia Chauffour :
-  http://www.caucaz.com/home/breve_co...



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