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Géorgie : plate forme de renseignement militaire pour les services secrets (octobre 2006)


jeudi 19 octobre 2006, par Mirian Méloua

Les services russes de renseignement ont été présents en Géorgie durant plus d'un siècle, aux ordres du "centre", tour à tour tsariste et soviétique. Après la chute de l'URSS, et lors de l'adhésion de la Géorgie à la CEI, leur évacuation "officielle" fut prononcée. Pourtant les renseignements militaires (GRU) y sont restés, tout comme les quatre bases militaires russes d'Akhalkalaki, de Batoumi, de Goudaouta (près de Soukhoumi en Abkhazie) et de Vaziani (près de Tbilissi).

Lors de la guerre abkhazo - géorgienne de 1993 /1994, l'infiltration de l'État-major militaire géorgien par le GRU fut communément admise, les mouvements des troupes géorgiennes étant immédiatement localisés et connus des forces adverses regroupant des bataillons abkhazes, arméniens (résidant en Abkhazie) et russes. Cette infiltration aurait perduré, en particulier lors de la préparation des plans de reconquête (1).

La Géorgie présente un autre intérêt pour les renseignements militaires russes, une meilleure connaissance des plans d'adhésion d'un pays d'Europe de l'Est à l'OTAN et celle de la préparation "à l'occidentale" d'une armée sous l'impulsion d'instructeurs militaires américains.

La Révolution des Roses change la donne

Parallélement à l'implication grandissante de l'OTAN à Tbilissi, le président Bush renouvelle l'offre de financement (initialement effectuée en 1997) d'un Regional Airspace Initiative en Géorgie : il s'agit en fait d'un réseau de radars destiné à la surveillance aérienne et à l'interception des liaisons radio couvrant le Caucase Sud ... et le Caucase Nord ! Plusieurs de ses maillons seraient déjà en place et expliqueraient les réactions instantanées des pouvoirs publics géorgiens lors des intrusions, accidentelles ou volontaires, d'aéronefs russes.

Sous la pression internationale, le président Poutine finit par tenir l'engagement de Boris Eltsine et commence l'évacuation des bases militaires russes de Géorgie ; elles le seront définitivement en 2008, privant les services russes de renseignements militaires d'une partie fondamentale de leur logistique.

Enfin le président Saakachvili renouvelle l'Etat-Major de l'armée géorgienne, changeant le ministre de la défense à deux reprises. Il fait accélérer la professionnalisation des troupes : trois contingents géorgiens sont en charge d'opérations au Kosovo, en Irak et en Afghanistan. L'armée géorgienne compte 30 000 hommes. Les budgets consacrés attirent les foudres du Conseil de l'Europe, estimant qu'ils ont la part trop belle dans le budget national. Accessoirement les services de renseignements géorgiens, et les activités de contre-espionnage, sont restructurés.

Pourtant l'adhésion de la Géorgie à l'OTAN, même si elle a le soutien des membres de l'Europe de l'Est et des Etats-Unis, ne va pas sans problème : l'existence de conflits sur son territoire (Abkhazie et Ossétie du Sud) l'en empêche théoriquement.

La Russie aurait donc intérêt à les entretenir.

Une décolonisation râtée, qui n'avoue pas son nom.

Si l'extrême droite russe, renforcée de nostalgiques de l'ordre soviétique, milite pour un nationalisme exacerbé et ne se prive pas de "chasser" le Caucasien, si les milieux militaires russes n'ont pas pardonné au Géorgien Chévardnadzé (alors ministre soviétique des Affaires étrangères) le retrait précipité de l'Armée rouge d'Europe de l'Est, le Kremlin voit d'un très mauvais oeil la Géorgie ouvrir l'évacuation du pétrole et du gaz de la mer Caspienne en contournant la Russie.

L'opinion publique russe, régulièrement entretenue par les médias de la désafection des Géorgiens pour le "grand frère russe", voit avec une certaine indifférence les mesures de rétorsion successives qui leur sont appliquées :
-  maintien du visa d'entrée en Russie (seule nationalité de la CEI dans ce cas),
-  coupures en plein hiver d'électricité et de gaz livrés à la Géorgie,
-  embargo sur les importations d'eaux minérales et de vins géorgiens,
-  fermeture des postes frontières entre la Russie et la Géorgie (à l'exception des points de passage vers l'Abkhazie et l'Ossétie du Sud sécessionnistes, où la population dispose aujourd'hui de passeports russes),
-  embargo unilatéral de la Russie sur les transports aériens, maritimes et ferroviaires avec la Géorgie,
-  interruption unilatérale de la Russie des relations postales et financières avec la Géorgie,
-  expulsion de Russie des immigrés économiques clandestins géorgiens.

L'arrestation des officiers de renseignements militaires russes à Tbilissi, liés selon les autorités géorgiennes à l'action souterraine d'un ancien responsable de la sécurité d'Edouard Chévardnadzé (à l'origine d'un attentat râté contre l'ancien président et refugié à Moscou depuis une dizaine d'années) ne l'a pas véritablement surpris, sauf en termes de "manquement au grand frère".

L'opinion publique russe n'accepterait pas le qualificatif de "colonisateurs", l'opinion publique géorgienne encore moins de "colonisés". Pourtant les relations russo - géorgiennes en porte les stigmates : les résolutions incantatoires des Nations Unies, et celles de l'Union Européenne, n'y changent rien.

Tbilissi, plate-forme du renseignement militaire ?

Placée sur le chemin géographique de la mer Caspienne et de ses hydrocarbures, voire sur celui de l'Asie centrale, chemins évitant la Russie et l'Iran, la Géorgie reste un enjeu pour les services de renseignements militaires de toutes nationalités.

Tbilissi, redevenue une métropole internationale à forts mouvements diplomatiques, militaires, économiques et humanitaires (la Chine n'est-elle pas récemment entrée en relations ?) ne peut qu'intéresser sur le plan du renseignement. Il serait illusoire de croire qu'un petit pays de 4 millions d'habitants puisse se passer de "l'amitié" d'un grand pays ami pour contrôler la situation. Il serait naïf de croire que les services russes de renseignements militaires s'en tiennent éloignés.

Note : (1) source Andreï Soldatov, Ejednevny journal, publication moscovite.

Voir aussi :

-  30.09.2006 L'arrestation à Tbilissi de militaires russes accusés d'espionnage cristallise la crise politique entre la Russie et la Géorgie (septembre 2006),

-  04.02.2006 La Géorgie se retire militairement de la CEI dans un contexte de tension avec la Russie et de rapprochement avec l'Occident (février 2006),

-  28.07.2005 Géorgie : attentats, la Russie dément l'implication de ses services secrets (juillet 2005).



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