Victor Homériki (1910-1994), ancien président de l'Association géorgienne en France
VICTOR KHOMERIKI, DIT VITSIA KHOMERIKI
jeudi 24 décembre 2009
Victor Homériki est né à Tbilissi le 9 juin 1910, d'Ana Nikalaïchvili et de Noé Homériki (1), futur ministre de l'Agriculture dans les gouvernements de la Ière République de Géorgie (2).
L'exil
Après l'invasion de la Géorgie par l'armée de la Russie soviétique en février 1921, il émigre avec son père d'abord à Constantinople, ensuite en France (3).
En 1923, son père retourne clandestinement en Géorgie afin de coordonner politiquement l'insurrection nationale géorgienne contre l'occupation soviétique. Il est arrêté par la police politique bolchévique, "la Tchéka", et exécuté le 1er septembre 1924. Sa mère, restée en Géorgie, se suicide.
Une jeunesse, des études en France
Orphelin à 14 ans, le jeune Victor est élevé au sein de la communauté géorgienne en France avec l'image de ce père martyr.
Il reprend ses études dans une institution de Montlhéry, à proximité de Leuville-sur-Orge, en compagnie d'autres enfants d'exilés géorgiens dont Véronique Cheidzé -Tchkheidzé-, fille du président de l'Assemblée constituante.
Il les poursuit ensuite au lycée Lakanal de Sceaux et se révèle particulièrement doué pour les langues : il parle le géorgien, le français, l'anglais, l'allemand, le russe, le turc et le grec.
En 1929, il obtient son baccalauréat et prépare l'Ecole des Hautes études commerciales au Collège Sainte-Barbe.
En 1933, il épouse une jeune Française, Colette, avec qui il aura trois filles, Nina, Annick et Nelly.
La carrière professionnelle
De 1936 à 1940, il est enregistré au registre du commerce comme fabriquant de fromage et de pâte grasse.
Après la IIème guerre mondiale, il conduit une carrière commerciale chez un constructeur automobile américain.
La présidence de l'Association géorgienne en France
De février 1975 à avril 1981, il est président de l'Association géorgienne en France.
Outre les commémorations des dates historiques géorgiennes, 26 mai 1918 (restauration de l'indépendance), février 1921 (hommage aux victimes de l'invasion par les armées de la Russie soviétique), août 1924 (hommage aux victimes de l'insurrection nationale), il doit gérer la question épineuse de l'érection d'un monument aux morts particulier au sein du "carré géorgien" du cimetière communal de Leuville-sur-Orge.
Ce monument aux morts, porteur d'emblèmes souhaités par une partie de la communauté géorgienne en France, heurte les autres sensibilités : il est finalement abandonné en accord avec Mme Maryvonne Montant, maire de la commune.
Victor Homériki prend en charge les Géorgiens hospitalisés, souvent appartenant à une génération d'exilés plus anciens, ainsi que les problèmes de succession rendus complexes par la différence entre le droit français et le droit soviétique auquel se réfèrent les héritiers restés sur le territoire géorgien.
Il entreprend d'approfondir les contacts avec les communautés géorgiennes de Turquie et d'Allemagne.
Il conclut le retour à Tbilissi des archives du gouvernement de la Ière République de Géorgie, engagé par Noé Tsintsadzé (dernier président du Conseil national géorgien) après qu'elles aient été microfilmées, avec une copie gardée en France et une copie envoyée aux Etats-Unis.
Il sera le dernier président de l'association né en Géorgie.
L'homme
Homme d'un grand entregent, d'une finesse et d'une classe "à l'ancienne", il a laissé un fort souvenir aux personnes qui l'ont connu.
Chanteur à la voix haute, il enregistre au début des années 1950 avec Maria Mériko, actrice française d'origine géorgienne comme lui et à la voix basse, un disque 78 tours "O Margarita tchemo lamazo" reprenant une mélodie géorgienne.
"En 1957, dans les coulisses de l'Alhambra, alors que des ballets géorgiens venaient de se produire pour la première fois en France, soulevant l'enthousiasme des membres de la communauté géorgienne en exil, Victor Homériki offrait un bouquet de fleurs à Nino Ramichvili -grande dame du renouveau des danses traditionnelles et néanmoins députée du Soviet de Géorgie- après un discours des plus émouvants soulignant que les liens avec la Mère Patrie étaient plus forts que tout."
"Une trentaine d'années plus tard, dans les coulisses du Palais des Sports à Paris, offrant à nouveau un bouquet de fleurs à la même Nino Ramichvili, veuve d'Ilia Soukhichvili, il tient un discours encore plus émouvant au crépuscule de sa vie."
Durant les années qui ne permettaient le franchissement du "rideau de fer" qu'à titre exceptionnel et durant les quelques années d'indépendance retrouvée de la Géorgie qu'il connut, Victor Homériki accueillait la venue d'un Géorgien en France comme une fête, se précipitant pour le piloter dans Paris et pour lui faire connaître la communauté géorgienne en exil. Son quartier général était le restaurant "La Toison d'Or" des frères Antadzé, à Paris dans le XVéme arrondissement (4).
Il décède à Paris, le 15 mai 1994.
Attaché à la France qui l'avait accueilli et vu grandir, attaché à son pays natal, il repose en terre géorgienne à Didoubé, à la demande du gouvernement géorgien de l'époque. Ce dernier souhaitait rendre hommage à l'orphelin exilé en France à 14 ans et à l'adulte qu'il était devenu, et qui avait soutenu toute sa vie la cause géorgienne (5).
M.M.
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Sources : famille Homériki et archives familiales.
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Notes :
(1) Géorgie, France et Géorgie : Noé Homériki (1883-1924), révolutionnaire et ministre de l'Agriculture
(2) La Ière République de Géorgie (1918-1921)
(3) La Ière République de Géorgie en exil en France
(4) Les restaurants géorgiens en France
(5) Sa fille Nina déclare en décembre 2009 : "Je voudrais ajouter que mon père vivait en premier pour son pays ; tout le reste venait après. Pour lui, un Géorgien était forcément quelqu'un de bien. Dès que l'un d'entre eux arrivait en France, il se précipitait pour le piloter et s'occuper de lui. Je pense que c'est, en partie, pour cela qu'à sa mort le gouvernement géorgien nous a proposé de rapatrier son corps en Géorgie. Il est enterré à Didoubé et je suis persuadée que c'est ce qu'il aurait souhaité".
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