Russie : les effets de la canicule estimés à 300 milliards de dollars (2010)
lundi 7 février 2011, par Nicolas Lévilidane
Une température voisine de 40 degrés, 12 millions d'hectares de forêt, de tourbière et de plantation ravagés par de violents incendies, 25 régions en état d'urgence, la capitale envahie par d'épaisses fumées, 300 milliards de dollars de biens et de reforestation à entreprendre, tel est le bilan dressé par le Centre russe pour la préservation de la nature.
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Des moyens de lutte inadaptés
Après la privatisation des forêts russes au profit de l'industrie du bois et du papier et après la réforme du code forestier décidée en 2007, l'entretien est confié aux administrations locales. Les étangs anti-incendies et les systèmes d'alerte de l'époque soviétique disparaissent. Les matériels anti-incendies ne sont pas remplacés ; 70 000 postes de pompier sont supprimés. En 2010, la Russie compte 22 000 pompiers professionnels et 4 bombardiers d'eau à comparer aux 25 000 pompiers français et à leurs 16 bombardiers d'eau.
Une réaction tardive
Si les premiers feux de tourbière se déclarent dès mai 2010, les situations d'urgence sont décrètées début août : 160 000 personnes, dont des soldats, sont mobilisés. Des centaines de milliers d'hectares sont ravagés chaque jour avec la complicité des conditions climatiques qui autorisent une accalmie fin août.
Un bilan controversé
Le bilan officiel des incendies fait état de 54 morts (1), 2 000 bâtiments brûlés et 2 000 personnes sans abri. Le bilan réel est beaucoup plus lourd. Des villages entiers ont été rayés de la carte. Une base aérienne a brûlé. Quatre centres nucléaires ont été menacés, Sarov (armes atomiques), Snejinsk (armes nucléaires), Maïak (retraitement et stockage de déchets nucléaires), Tcheliabinsk (stockage de plutonium) ; des matièes fissiles ont été évacuées dans l'urgence, puis réintégrées ; 4 000 hectares de terre irradiée en 1986 par l'explosion de Tchernobyl ont brûlé dans la région de Briansk et les particules radioactives déposées dans la forêt ont été envoyées en suspension dans l'air avec risque de propagation.
La Russie a révisé ses prévisions de récolte de céréales pour l'année, passant de 90 à 60 millions de tonnes. Craignant de ne pouvoir subvenir à ses propres besoins, elle décide un embargo sur les exportations jusqu'au 31 décembre 2010 : les cours mondiaux de blé accusent une hausse de 60%. Elle voit le prix des denrées alimentaires augmenter sur son marché intérieur, 2% pour le pain et les fruits, 14% pour le sucre et le beurre.
L'estimation du coût de la canicule russe 2010 s'affinera dans les mois à venir, d'autant plus qu'une deuxième vague d'incendies a ravagé le pays en septembre (2). L'ordre de grandeur des chiffres avancés illustre une contrainte que les autorités russes ne peuvent plus ignorer, le dérèglement climatique s'applique également à leur territoire.
Déjà 4ème pays le plus pollueur du monde, la Russie doit trouver une solution au problème des tourbières asséchées et facilement inflammables, potentiellement émettrices d'oxyde de carbone.
Notes :
(1) La canicule a été la cause, pour le seul mois de juillet, de 5 940 décès à Moscou (+ 50%) et de 14 474 décès pour toute la Russie.
(2) Les incendies ont repris le 2 septembre dans les régions de Volgograd et de Togliatti, à un millier de kilomètres de Moscou : 5 morts ont été dénombrés, 1 000 personnes déplacées et 532 bâtiments brûlés.
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