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Géorgie et France : Michel Khoundadzé (1898-1983), directeur à l'international des établissements Citroën


MISHA KOUNDADZE
lundi 16 janvier 2012, par Mirian Méloua

Michel Khoundadzé est né en Géorgie occidentale, en 1898, dans une famille aristocratique comportant de nombreux intellectuels (1).

 

Des études internationales


En 1915, après le lycée de Tbilissi, il est envoyé à Saint-Pétersbourg pour étudier le droit : sa chambre d'étudiant partage le même balcon que l'appartement de Maxime Gorki, de trente ans son aîné.

De janvier à mai 1918, il s'engage sur le front du Caucase, contre la Turquie, dans la 4ème Batterie du régiment d'artillerie géorgien (2).

Il rejoint ensuite la Faculté de droit de Fribourg et poursuit ses études. En 1922, il gagne Berlin : il effectue des travaux de recherche auprès du sociologue Werner Sombart.

En 1923, il entre à la Faculté de droit de Paris et obtient son doctorat en 1926.

Michel Khoundadzé se marie ensuite avec Peggy Nelson (1906-1979), d'origine anglaise : Ilamaz Dadéchkéliani, secrétaire de la Légation géorgienne à Paris, est leur témoin.

Ils auront deux enfants, Alain (3) et Tamara (4).

 

La carrière professionnelle


En 1927, Michel Khoundadzé entre chez Citroën : ses connaissances des langues l'orientent d'abord vers la direction du personnel dont il prend la responsabilité en 1931.

Il reste fidèle aux Etablissements Citroën tout au long de sa carrière, accompagnant les changements et gérant les vicissitudes, crise mondiale de 1929, grandes grèves du Front populaire, décès du fondateur, prise de contrôle par Michelin, concurrence exacerbée avec Renault, occupation allemande, après-guerre et défi de l'exportation … (5).

La "traction avant" illustre le génie d'André Citroën à savoir s'entourer sur la durée des meilleurs ingénieurs et des meilleures équipes dirigeantes. Selon Jacques Wolgensinger, directeur des Relations publiques Citroën (1979) :

[...La première traction avant fut présentée aux concessionnaires de la marque le 21 mars 1934 et le premier client en prit livraison le 7 mai. C'était vraiment une voiture révolutionnaire, réunissant en un ensemble cohérent une considérable somme d'innovations. Sa carrosserie et son moteur resteront des chefs-d'oeuvre de conception et ont été une source d'inspiration pour de nombreux constructeurs... La "7A" fut le premier modèle d'une lignée qui devait se prolonger jusqu'en 1957...]

Entre 1940 et 1944, après que la famille Citroën se soit réfugiée à Clermont-Ferrand auprès de la famille Michelin, il assure la direction du Quai de Javel dans des conditions particulièrement difficiles.

Au début des années 1950, il prend en charge le département "Grande exportation", c'est-à-dire le secteur international moins l'Europe.

Aux Etats-Unis, il oeuvre avec Charles Buchet et Réné France au sein de la "Citroën Cars Corporation", basée à New-York : il en est vice-président en 1961 et en devient président quelques années plus tard.

En Argentine, il lance une usine de fabrication de 2 CV en 1962 qui produit jusqu'à 20 000 véhicules par année.

En 1976, année de la prise de contrôle des Etablissements Citroën par Peugeot, il se retire.

 

La cause géorgienne


Malgré son engagement dans la vie professionnelle, il n'oublie pas la cause géorgienne et y œuvre à différents niveaux.

Il n'hésite pas à faciliter l'embauche de compatriotes moins favorisés.

[... Dans l'immédiat après-guerre, les perspectives de retour en Géorgie s'éloignent. Les célibataires ont fondé des familles. Des besoins sont à satisfaire. Les Etablissements Citroën manquent de bras pour redémarrer les chaînes de production. Les Géorgiens ne sont pas les plus maladroits, surtout lorsqu'ils ont appris le métier dans les centres de formation des établissements Peugeot à la fin des années 1920 et au début des années 1930 ...]

Tout en ayant pris de la distance avec la politique -vie professionnelle et nouveau contexte obligent-, il n'oublie pas ses convictions de jeunesse. Il encourage la tendance minoritaire au sein du Parti social démocrate géorgien à l'étranger et baptisée "Groupe Irakli Tsérétéli" (4), du nom du redoutable tribun qui s'exprimait à Saint-Pétersbourg de février à octobre 1917 contre Lénine et qui répètera ensuite à l'envie que "l'histoire de la Géorgie ne s'écrira pas contre la Russie".

A la fin des années quarante, il est l'un des facilitateurs du départ de Paris d'Irakli Tsérétéli : le vieux leader social démocrate peut ainsi travailler avec les milieux universitaires américains sur l'histoire des révolutions de Saint-Pétersbourg et de celle de la Ière République de Géorgie.

En 1959, il prend en charge le rapatriement de sa sépulture des Etats-Unis au "carré géorgien" du cimetière de Leuville-sur-Orge.

En 1988, Michel Khoundadzé publie, à titre posthume : « La révolution de février 1917. La sociale démocratie contre le bolchevisme. Tsérételi face à Lenine » (1988, Paris, Editions Anthropos).

 

L'homme


Michel Khoundadzé meurt en 1983, et repose aux côtés de sa femme Peggy à Leuville-sur-Orge.

Homme de management, fidèle aux Etablissements Citroën, maîtrisant cinq langues (géorgien, russe, allemand, français et anglais), pianiste et violoniste, il marque ses interlocuteurs par son imprégnation des grandes cultures européennes et de la culture du nouveau monde. Il garde aussi son jardin secret, "la culture géorgienne, qui éclaire son visage lorsqu'il en parle en comité restreint" (6).

 

Notes


(1) Silovan Khoundadzé (1860-1928), cousin germain de Michel Khoundadzé, fut l'un des promoteurs de la littérature moderne géorgienne. En 1917, il participe à la fondation de l'Université d'Etat de Tbilissi. En 1919, il devient directeur du lycée de Koutaïssi, en Iméréthie, sa région d'origine.

(2) Selon le document militaire établi par le Colonel Victor Zhakaïa, président de l'Association des Anciens combattants résidant en France.

(3) Alain Khoundadzé sera un temps directeur des ventes pour les Etablissements Citroën.

(4) Tamara Khoundadzé, pianiste, épouse Nicolas Sombart, fils de Werner Sombart, en 1954. Ils auront plusieurs enfants, Diane (peintre d'icônes), Alexandre (danseur de ballet), Elizabeth (pianiste) et Michaël. En 1992, elle joue dans un film d'Othar Iosséliani -cinéaste géorgien émigré en France dans les années 1980-, "La Chasse aux Papillons".

(5) Ministre des Postes, puis de l'Intérieur du gouvernement provisoire de Saint-Pétersbourg entre février et octobre 1917, ministre plénipotentiare du gouvernement géorgien de 1918 à 1921, Irakli Tsérétéli (1881-1959) est le second de Nicolas Cheidzé à la Conférence de la Paix de Paris. Ils proposent -seul le chef de l'exécutif géorgien en est informé- à Lloyd George et à Georges Clémenceau un protectorat britannique ou français sur la Géorgie. Tbilissi délèguerait les Affaires étrangères et la défense à la puissance de tutelle, le gouvernement limiterait son domaine aux affaires intérieures. La proposition n'est pas retenue, l'alliance contractée en 1918 par la Ière République de Géorgie avec l'Allemagne de Guillaume II jouant en sa défaveur. Anglophile et francophile, Irakli Tsérétéli anime une tendance au sein du Parti social démocrate : elle préconise sur le plan tactique le refus de tout compromis avec l'Allemagne nazie pour la restauration de l'indépendance de la Géorgie, sur le plan stratégique le maintien des contacts avec les organisations démocrates russes en exil, "l'anti-bolchevisme n'étant pas synonyme d'anti-Russie". Après avoir émigré en France dans les années 1920, il émigre aux Etats-Unis à la fin des années 1940. L'une des dernières prises de position publiques de cette tendance est parue le 22 février 1962 dans "Le Populaire de Paris", organe central du Parti socialiste français SFIO.

(6) Souvenir personnel de l'auteur -adolescent- questionné sur sa connaissance de la langue géorgienne par Michel Khoundadzé. "Misha" comme le surnomme ses compatriotes, fréquente la communauté géorgienne dans la mesure de ses disponibilités : la présidence de l'Association géorgienne en France lui paraît impossible à remplir par manque de temps.

 

Sources


-  Archives familiales,

-  Archives personnelles de Martiané Mguéladzé (1898-1979), légataire universel d'Irakli Tsérétéli,

-  documents Citroën,

-  Multiples Websites.

Remerciements à Tamara Sombart pour l'aide apportée.



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