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Tbilissi Caucase : entretien avec la photographe française Estelle Zolotoff


lundi 16 avril 2012

Source : Réponses Photo n°242, propos recueillis par Renaud Marot.

Depuis trois années, Estelle Zolotoff parcourt la Géorgie à la rencontre de ses habitants, depuis les montagnes du Caucase jusqu'à la mer Noire et à Tbilissi. Elle en rapporte, au travers de portraits sensibles, loin des images volées et des poses convenues, un portrait de ce pays un peu "hors du temps" qui semble encore chercher sa voie, vingt ans après la chute de l'empire soviétique...

Renaud Marot : Quel est ton parcours photographique ?

Estelle Zolotoff : J'ai commencé à photographier en mars 2007 et ça a été une expérience fantastique, comme une deuxième naissance. J'aimais la photographie depuis des années, je collectionnais les tirages et les livres photo, j'étais aussi et surtout très cinéphile, mais c'était tout. Et puis un jour, mon compagnon d'alors, qui était photographe, m'a encouragée à utiliser son Ricoh GR1. J'ai pris quelques photos en son absence avec beaucoup de plaisir et j'ai oublié l'appareil. Un an après, il a fait développer le film et m'a apporté un boîtier argentique et un sac de pellicules en me disant que mes premières photos prouvaient que j'étais une photographe. Ça a l'air d'un roman, mais cela s'est passé ainsi et je lui dois beaucoup. J'ai alors commencé à photographier mon quartier, en autodidacte, au gré de mon envie. Puis j'ai voulu faire du portrait, mais je n'osais pas. Je me suis tout de même lancée et inscrite à un stage aux Rencontres d'Arles avec Claudine Doury. J'ai adoré cette expérience qui m'a beaucoup encouragée. Le même été, je me suis acheté un Leica M6 et je suis retournée en Russie où je n'avais pas remis les pieds depuis 1992. Depuis la photographie ne me quitte plus. Je retourne en Géorgie au printemps. Ce sera la troisième année sur le projet Tbilissi Caucase. Le point de départ avec la Géorgie est mon amour des films de Iosseliani. En général le cinéma m'inspire davantage que la photographie. J'y suis allée pour voir, et j'ai entrepris un portrait personnel du pays, vingt ans après la dissolution de l'URSS à partir de mes rencontres. J'ai eu la sensation que le pays était hors du temps et qu'il était encore très empreint de l'ère soviétique. J'ai le sentiment, lorsque je photographie les gens, qu'ils me demandent de les arracher à l'oubli. J'ai un projet de livre avec Images En Manoeuvres qui devrait voir le jour en 2013. Nous recherchons les financements. Je travaille également sur des portraits de famille, un peu dans l'esprit des portraits de commande réalisés par les peintres jusqu'au XXe, à ma manière. C'est un travail sur le lien, sur la ressemblance, la place que chacun choisit d'occuper dans le groupe... C'est passionnant !

Certaines prises de vues sont en extérieur, d'autres, plus intimistes, en intérieur : comment entres-tu en relation avec tes modèles ?

En général, je préfère photo graphier les gens chez eux. Ça a plus de sens, et puis ils sont plus à l'aise et on peut prendre son temps, faire des essais. Je cherche le lieu qui leur correspond, le décor et la lumière qui me touchent. En Géorgie, j'aborde les gens qui m'inspirent dans la rue et je leur explique ce que je fais. J'ai rarement eu des refus. Il y a aussi des gens que j'ai rencontrés chez des amis.

Parfois tes modèles semblent ignorer ta présence : les diriges-tu lors des prises de vue ?

Chaque fois que cela est possible je passe du temps avec eux avant et ils me racontent un peu leur vie. On échange sur pas mal de choses. Lorsque la séance commence, ils sont vraiment là. Je leur dis de ne pas poser et de ne surtout pas chercher à être beaux. D'être eux-mêmes et d'essayer de m'oublier ! Et le reste est un mélange de ce qu'ils apportent et de mes idées, en fonction de ce qu'ils dégagent. Mais il y a toujours à un moment une prise de pouvoir sans équivoque. On ne s'excuse pas de faire un portrait ! Ça peut paraître paradoxal mais c'est être directif en laissant à l'autre toute la place pour être luimême.

Que cherches-tu à dégager dans ton travail de portraitiste ?

J'essaie de traduire quelque chose de vrai qui émane de la personne à son insu. Si elle est consciente de ce qu'elle dégage cela ne m'intéresse pas. D'ailleurs, en général, les gens se trompent là-dessus. J'aime bien quand le modèle se demande ce que je peux bien lui trouver mais me donne carte blanche pour le prendre. Si on a échangé avant sur un sujet fort pour elle, la personne reste dans l'émotion et c'est intéressant car la conversation se poursuit à travers l'objectif. Elle me dit tacitement "vas-y" "tu as le feu vert". J'adore ça. C'est comme une danse à deux.

Quel matériel utilises-tu ?

J'utilise un EOS 5D Mark II, avec un objectif 50 mm et un 35 mm. Pas d'éclairage additionnel. Je privilégie la lumière existante et en général c'est elle qui déclenche mon envie de photographier. Je suis passée en 2010 de l'EOS 5D au Mark II pour la vidéo dont la qualité est excellente car je voulais réaliser un documentaire. Il est en cours. Ce sont des portraits filmés qui se font écho.

Associes-tu ton travail de psychologue et ton activité de photographe ?

Non, mais dans les deux situations je fais avec ce que je suis. C'est notre lot à tous, non ? Je vois plus de points communs entre mes pratiques de la photographie et de la graphologie, car il y a un côté voyeur dans les deux. J'aime bien aller regarder sous la surface et trouver des vérités dont la personne n'est pas vraiment consciente, ou qu'elle n'a pas prévu de montrer. Je ne voudrais pas le faire au détriment de la personne. Simplement je veux que ce soit quelque chose de vrai la concernant. Et idéalement, que ça vive dans l'image, qu'en regardant l'image on entre en contact avec le modèle. La neutralité ne m'intéresse pas en photo et surtout je n'y crois pas !

Pour en savoir plus sur Estelle Zolotoff :

http://www.estellezolotoff.com.



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