Azerbaïdjan : les « Corleone » selon le journal Le Monde
mercredi 2 janvier 2013
Le 14 décembre 2010, le journal Le Monde publiait à la signature de Piotr Smolar un article sur les Etats d'Asie centrale : court extrait concernant l'Azerbaïdjan.
L'Asie centrale : ses ressources naturelles, ses régimes autoritaires, ses aéroports essentiels pour le transit vers l'Afghanistan. Pas évident, pour les Etats-Unis de défendre ses intérêts nationaux dans cette zone sensible, arrière-cour traditionnelle de la Russie.
Azerbaïdjan : les « Corleone »
L'Azerbaïdjan est un interlocuteur crucial pour les Etats-Unis. Allié « de longue date dans la guerre contre le terrorisme », « partenaire fermement laïc et pro-américain dans une région assaillie par l'islam radical », selon un télégramme de 2008 de l'ambassade à Bakou, l'Azerbaïdjan n'en reste pas moins marqué par des travers classiques dans la région : répression, corruption, confiscation des richesses.
Il faut connaître le film Le Parrain pour apprécier le télégramme rédigé par l'ambassade de Bakou, le 18 septembre 2009. La métaphore commence dès le titre -« Le président Ilham Aliev : Michael (Corleone) à l'extérieur, Sonny à l'intérieur ». Autrement dit, les frères de la saga mafieuse, aux caractères si opposés, représenteraient les deux visages du chef d'Etat azéri. Sur la scène internationale, celui-ci fait preuve de « pragmatisme » et de « retenue ». Son côté « Michael ». Le président Aliev entretient une « image cosmopolite » auprès des Occidentaux, avec « ses costumes sur mesure et son anglais parfait ».
En revanche, chez lui, sa politique « est devenue autoritaire » , Ilham Aliev a pris la suite de son père, décédé en 2003, à la tête de l'Etat. A présent, explique l'ambassade, lui et ses proches « recherchent le prévisible et la stabilité pour préserver et protéger leurs fortunes publiques et privées ». Au moindre « défi à son autorité ou affront à la dignité de sa famille, lui et son cercle intime sont aptes à réagir, au détriment du développement démocratique du pays et du mouvement vers des alliances occidentales ».
Chez les Corleone, un homme joue un rôle crucial : le conseiller spécial, qui gère tout. Celui du président Aliev est le chef de son administration, Ramiz Mehdiev. « Nous voyons les empreintes digitales de Mehdiev sur les arrestations de journalistes, l'étouffement de l'opposition, la fermeture des mosquées », résume l'ambassade.
Les diplomates se sont aussi intéressés aux clans qui contrôlaient les ressources du pays, à commencer par celui des Pachaïev, auquel appartient l'épouse du président, Mehriban. Elue au Parlement, elle préside le Fonds Heydar-Aliev, dont les ressources ont une origine obscure. Un membre de l'opposition a confié à l'ambassade que les donations servaient de « carte gratuite de sortie de prison » pour les officiels. S'ils « montrent qu'ils donnent régulièrement, les officiels les plus élevés les autoriseront à conduire leurs affaires et d'autres activités locales sans interférences ». Le clan Pachaïev possède la Pasha Holding, très puissante dans le secteur bancaire, la construction et les assurances.
Autre cas étudié : le clan du ministre des situations d'urgence, Kamaladdin Heydarov, qui contrôle un empire allant de la production de jus de fruit à l'immobilier, en passant par la chimie, le textile et les pianos. Ancien président du comité des douanes de l'Etat, « une institution notoirement corrompue », note l'ambassade, il a bâti sa fortune en occupant cette fonction. Aujourd'hui, son ministère passe pour être l'un de ceux générant les plus grands revenus. Il serait aussi intervenu comme protecteur de grands accords commerciaux, tombés à l'eau car les entreprises étrangères auraient « refusé de payer à Heydarov le prix de son parrainage ».
Source : Le Monde hors-série. Les rapports secrets du Département d'Etat américain. Le meilleur de Wikileaks.
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