L'UE aux portes de la Russie au 1er mai 2004
mardi 3 février 2004
L'UE AUX PORTES DE LA RUSSIE : UN VOISINAGE QUI INQUIETE MOSCOU
L'Union européenne et la Russie partageront quelque 2.000 km de frontières dans un peu plus de 100 jours, avec l'élargissement de l'UE à l'Est au 1er mai, un voisinage direct qui suscite des inquiétudes à Moscou.
Avec l'adhésion de la Pologne et des Pays baltes (Lituanie, Estonie, Lettonie), la Russie, qui n'avait jusqu'ici pour seule frontière avec l'UE que celle avec la Finlande au nord, sera aux portes orientales de l'Union. Un bouleversement à forte valeur symbolique pour l'ancien "Grand frère" soviétique, que le passage officiel de nombre de ses ex-pays satellites à "l'Ouest" est loin de laisser indifférent.
D'autant plus qu'il intervient dans une "période de turbulences", souligne un observateur européen à Moscou, évoquant un dialogue mis à mal par une démocratie russe qui "fait marche arrière". "L'UE souhaiterait voir une approche plus constructive des Russes sur les nombreux dossiers ouverts".
Parmi ces dossiers, la question de l'enclave russe de Kaliningrad, coincée entre la Pologne et la Lituanie, reste douloureuse. Son million d'habitants a déjà besoin d'un visa pour traverser la Lituanie et la Pologne, de même que les autres Russes voulant se rendre dans l'enclave. Et le problème du trafic des marchandises entre Kaliningrad et le reste du territoire russe, en suspens, "demeure brûlant", a estimé Maxime Medvedkov, vice-ministre russe du Développement économique.
Quant à la suppression réciproque des visas entre l'UE et la Russie, cheval de bataille russe, elle est renvoyée à plus tard par Bruxelles, ce qui a inspiré au président Vladimir Poutine l'image d'"un nouveau mur de Schengen" en mai dernier, lors du sommet Russie-UE de Saint-Pétersbourg.
Les craintes russes à l'approche du 1er mai sont essentiellement d'ordre économique, alors que l'UE est le premier partenaire commercial de Moscou.
"L'économie russe risque de perdre 150 millions de dollars par an" avec cet élargissement, assure ainsi M. Medvedkov. Il dit notamment craindre l'élargissement des mesures européennes antidumping aux nouveaux entrants qui accordent pour l'instant à la Russie des conditions privilégiées, des hausses des droits de douane sur certaines exportations russes, ou encore des conditions plus contraignantes pour ses livraisons de combustible nucléaire.
Constantin Vardakis, porte-parole de la délégation de la Commission européenne à Moscou, confirme "avoir eu vent des inquiétudes russes", dont celles de perdre des marchés dans certains secteurs, comme l'acier ou le nucléaire. Il se veut rassurant et insiste sur l'impact globalement positif de cet élargissement pour Moscou, qui "aura à sa porte son premier marché, de 450 millions de consommateurs".
Mais l'approche du jour J du 1er mai n'est pas pour détendre les relations entre Moscou et Bruxelles, déjà singulièrement refroidies après le dernier sommet Russie-UE, à Rome en novembre dernier, estiment des analystes russes.
Le plaidoyer du chef du gouvernement italien Silvio Berlusconi en faveur d'une adhésion de la Russie à l'UE avait été fraîchement accueilli par de nombreux Etats membres, et ses sorties pro-Kremlin sur la Tchétchénie et l'affaire du groupe pétrolier russe Ioukos avaient été désavouées par la Commission européenne.
"La dérive actuelle vers un Etat autoritaire en Russie nous éloigne de l'Europe", estime le politologue Andreï Piontkovski, du Centre d'études stratégiques. "Après le 1er mai, le refroidissement et l'irritation s'aggraveront", pronostique-t-il.
Source : AFP - 16 Janvier 2004 - Transmis par la Coordination France - Lituanie
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