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La Géorgie en crise (novembre 2001)
http://www.colisee.org/article.php?id_article=116vendredi 11 avril 2003
La Géorgie en criseÀ l'occasion des élections régionales et locales qui se sont tenues le 4 novembre 2001, les observateurs se demandent si la Géorgie pourra résister longtemps aux pressions de la Russie et aux forces centrifuges qui la minent depuis l'indépendance. Un Etat multiethnique menacé dans son intégrité La Géorgie est parmi les régions du monde les plus diversifiées sur le plan ethnique. On y relève près de cinquante langues et cultures différentes. Cette spécificité - en soi source de richesse ethnographique - s'avère être un handicap dans les faits, dans la mesure où, Etat unitaire centralisé, la Géorgie arrive difficilement à faire droit aux revendications régionalistes, voire autonomistes, qui émergent de partout :
La pression russe La Russie exerce sur la Géorgie une pression de plus en plus forte, pour deux raisons principales : En conséquence de quoi la Russie et la Géorgie se livrent une "guéguerre" à peine voilée. La Géorgie menace régulièrement de se retirer de la CEI et de demander son adhésion à l'OTAN. La Russie, de son côté, ne se prive pas d'aider, voire d'exciter, toutes les forces centrifuges qui menacent l'intégrité territoriale de la Géorgie. L'Abkhazie survit en grande partie grâce à l'aide russe, via principalement la ville de Sotchi. L'Ossétie du Sud vit "à la russe", utilisant le rouble comme monnaie. L'Adjarie commerce couramment avec la Russie via son port de Batoumi, sur la mer Noire et la province de Samtskhé-Javakhétie ne saurait survivre sans l'activité économique générée par la base russe présente à Akhalkalaki. Un cas exemplaire d'incompréhension mutuelle : la Javakhétie Au sud de la Géorgie, longeant l'Arménie et la Turquie, existe un territoire peuplé majoritairement d'Arméniens, au nombre d'environ 150.000. Les Arméniens l'appellent Javakh et les Géorgiens, Samtskhé - Javakhétie. Par commodité, nous l'appellerons Javakhétie. Sa capitale historique est Akhalkalaki. Mais le pouvoir central géorgien a préféré lui donner un nouveau centre administratif, Akhaltsikha, où la population est mixte (arméniens et Géorgiens). Les Arméniens habitent cette région "depuis toujours", mise à part une période de déportation en Turquie durant l'empire ottoman. Revenus en 1828 d'Erzurum, ils vivent sur ce territoire " à la mode arménienne " : la langue couramment pratiquée est l'arménien, le culte en honneur est celui de l'Eglise Apostolique arménienne, l'éducation est prodiguée en arménien depuis l'école primaire jusqu'au lycée. Les étudiants vont à l'université d'Erevan (ou de Moscou) et les monnaies en vigueur sont le dram arménien et le rouble russe. En revanche, tous les services publics (police, administration, justice, etc) sont gérés par des fonctionnaires géorgiens. Peu d'Arméniens de Javakhétie pratiquent couramment la langue géorgienne. De leur côté, les administrations ne connaissent pas le géorgien. Par chance, pratiquement tout le monde pratique le russe. Pour éviter tout séparatisme, le pouvoir central géorgien a pris soin de fragmenter la province, en créant une entité administrative plus vaste que le Javakh historique peuplé d'Arméniens. La région de Samtskhé - Javakhétie englobe une population d'environ 250.000 personnes, dont 60 % seulement sont arméniens. Elle est divisée en 6 districts et est dirigée par un super gouverneur géorgien, nommé directement par le président Chevardnadze, dont il est le représentant permanent. De cette façon, le pouvoir politique et administratif échappe totalement à la population arménienne, qui n'a en fait aucune prise sur les décisions administratives les concernant. Tous les ingrédients semblent réunis pour une situation de type "macédonien" : une population homogène sur un plan ethnique, occupant un territoire historiquement et géographiquement délimité, dispose d'une grande autonomie culturelle, mais est presque totalement exclue du pouvoir politique et administratif. Cette configuration a provoqué en Macédoine l'explosion que l'on sait. Ne risque-t-on pas d'assister en Javakhétie à une crise du même ordre ? Le risque existe, car cette situation n'est pas saine, et contrevient aux règles de la Charte du pouvoir local, que la Géorgie a signée en entrant au Conseil de l'Europe. Mais il est pour le moment limité pour trois raisons : Manifestement, le pouvoir central cherche à "géorgianiser" la province. Cette pression irrite et inquiète la population arménienne qui, en retour, ne voit guère l'action de Tbilissi en faveur d'un développement économique de la province. Elle déconcerte les hommes politiques, qui sont pris de court et cherchent une riposte efficace à ce qu'ils considèrent comme une provocation. L'opposition, faible et désunie, ne semble pas en mesure, pour le moment, d'engager des actions d'envergure. Sa réaction a surtout consisté à boycotter les élections locales du 4 novembre. Mais ce manque de réaction de la classe politique "officielle" peut laisser libre cours à des mouvements populaires plus passionnels si rien n'est fait pour désamorcer le malaise latent de la population arménienne locale. En conclusion Ayant perdu l'Abkhazie et confronté au mouvement centrifuge d'un certain nombre de ses régions, Tbilissi pratique une politique essentiellement défensive à l'égard de ses "minorités" ethniques. Les Géorgiens se polarisent sur la notion d'Etat unitaire, alors qu'une solution de type fédéral serait peut-être plus adaptée à une composition démographique aussi diversifiée. En maintenant un système centralisé, la Géorgie court le risque d'exploser. Or, son intégrité territoriale et sa stabilité sont essentielles pour le maintien de la paix dans cette région passablement éprouvée par ailleurs (Tchétchénie, Haut Karabagh). Alors, un petit effort, M. le Président ? Hervé Collet (novembre 2001) [ Accueil ] [ Retour à l'article ] [ Haut ] |
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