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Vers un dénouement du conflit entre la Géorgie et l'Abkhazie ? Proposition d'un état fédératif géorgien composé de deux membres (juin 2004)
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UN GROUPE D'EXPERTS INDÉPENDANTS LIVRE SES CONCLUSIONS. MIKHEÏL SAAKACHVILI EN REPREND L'ESPRIT.

mercredi 2 juin 2004, par Mirian Méloua

Les relations entre le peuple abkhaze et le peuple géorgien ont toujours été complexes, ethnies différentes, langues différentes, religions différentes. L'Abkhazie (0,2 million d'habitants) veut échapper à l'emprise de la Géorgie (4, 4 millions d'habitants) et préfére la protection de la Russie (150 millions d'habitants). Le développement économique de cette région particulièrement sinistrée pourrait être l'une des clés du retour à une paix durable.

Depuis 1994, la mission d'observation militaire constituée par les Nations Unies, le Monug, est reconduite année après année.

Le Groupe d'amis, s'appuyant sur l'Allemagne, les Etats-Unis, la France, la Grande Bretagne et la Russie, sous l'égide des Nations Unies, tente régulièrement de réunir les anciens belligérants autour d'une solution.

Soukhoumi refuse de participer à ces travaux à Genève en février 2004 : les Abkhazes revendiquent leur droit à l'indépendance et à l'association à la Fédération de Russie. Une résolution des Nations Unies avait confirmé un mois auparavent l'intégrité territoriale de la Géorgie.

Tbilissi, conforté par ce consensus international, estime que le développement économique de la région constituera l'une des clés du retour de l'Abkhazie vers la Géorgie. Mikheil Saakachvili propose de relancer la mise en oeuvre des accords de Sotchi entre Vladimir Poutine et Edouard Chevardnadzé (mars 2003). Il prévoyait la réouverture de la ligne de chemin de fer Sotchi - Soukhoumi - Tbilissi, la réhabilitation du barrage hydroélectrique de l'Ingourie (à la limite des deux territoires), le retour des réfugiés géorgiens dans le district de Gali après sécurisation.

Les derniers développements de la crise abkhaze

21, 22 et 23 avril. Malgré les déclarations politiques à usage interne, Soukhoumi accepte de participer à la conférence multiparties de Genève sur l'amélioration de la sécurité des populations. Le succès n'en est pas spectaculaire.

17 mai, Soukhoumi. Le ministre de la défense de l'Abkhazie, Viachesla Eshba, déclare que les services secrets géorgiens travaillent dans le district de Gali (en Abkhazie, mais avec une population à majorité ethnique géorgienne) afin de fomenter des troubles et que des troupes spéciales géorgiennes se regroupent dans la haute vallée du Kodori (partie de l'Abkhazie sous contrôle de la Géorgie) afin de préparer une offensive.

17 mai, Tbilissi. Igor Ivanov, secrétaire du Conseil National de Sécurité de Russie s'entretient de la résolution du conflit avec Mikheïl Saakachvili, Zourab Jvania et Vano Merabichvili, secrétaire du Conseil National de Sécurité de Géorgie.

18 mai, Soukhoumi. Le premier ministre de l'Abkhazie, Raul Khajimba, rappelle que l'indépendance de son pays est définitivement acquise.

19 mai, Tbilissi. Le président de la Géorgie, Mikheïl Saakachvili, rappelle que le recouvrement de l'intégrité territoriale de son pays s'effectuera par des moyens exclusivement pacifiques.

20 mai, Soukhoumi, conférence multipartie sous l'égide des Nations Unies. Heidi Tagliavini (Nations Unies), Serguei Shamba (Abkhazie. ministre Affaires étrangères), Guiorgui Khaindrava (Géorgie, ministre des Conflits), Uwe Schramm (Allemagne), Alexandre Evteev (CEI), Elizabeth Brocking (Etats-Unis), Christian Michalak (France), Donald Mc Laren (Grande Bretagne), Roy Reeve (OSCE), Vladimir Chkhikvichvili et Michail Bocharnikov (Russie) participent aux travaux.

Deux thèmes sont en particulier étudiés, la sécurité dans le district de Gali et dans la vallée du haut Kodori. La Géorgie estime que la sécurité des populations géorgiennes du district de Gali n'est pas assurée et demande le déploiement de policiers civils de l'ONU. L'Abkhazie estime que des bandes armées harcèlent encore la "frontière" à partir de la vallée du haut Kodori et demande un contrôle international, avec évacuation des troupes géorgiennes présentes en violation des précédents accords.

21 mai, Tbilissi. Le ministre des conflits de la Géorgie, Guiorgui Khaindrava, déclare qu'aucune évolution n'est à attendre de la part de Sokhoumi jusqu'en octobre 2004, date des élections présidentielles en Abkhazie. En effet le président Vladislav Ardzinba termine son second mandat de 5 ans, n'est pas réeligible, les candidatures se multiplient.

21 mai, Tbilissi. Un groupe d'experts indépendants s'était constitué sous l'ère Chevardnadzé, il est composé en particulier de Paata Zakareichvili pour les aspects politiques, de Lasha Tougouchi pour les aspects économiques, de Kote Koublachvili pour les aspects justice, de Vakhtang Khmaladzé et d'autres consultants.

Après information du Conseil National de Sécurité de la Géorgie, il publie les recommandations suivantes :
-  Un état fédéral géorgien à deux membres, l'Abkhazie et la Géorgie, serait créé,
-  Les affaires étrangères, la défense, les douanes et la lutte contre la criminalité seraient assurées par le gouvernement fédéral, les autres fonctions exécutives par le gouvernement abkhaze,
-  Le parlement abkhaze serait à majorité ethnique abkhaze,
-  La maitrise de la langue abkhaze serait nécessaire pour les candidatures à la présidence de l'Abkhazie,
-  Les billets et les pièces en lari (monnaie de l'état fédératif) porteraient le symbole et la langue abkhazes sur l'une des faces.

25 mai, Moscou. Les premiers ministres russes et géorgiens, Mikhail Fradkov et Zourab Jvania, déclarent que la résolution du conflit abkhaze pourrait s'effectuer dans le cadre des relations russo-géorgiennes, sans léser les intérêts abkhazes. Deux points particuliers sont soulignés : le rétablissement de la ligne de chemin de fer entre la Russie et la Géorgie par l'Abkhazie et le retour des populations géorgiennes déplacées depuis dix ans vers le district de Gali.

26 mai, Tbilissi. Mikheïl Saakachvili déclare dans son discours à la nation, le jour de la fête nationale, en langue abkhaze et en langue ossète que " les Abkhazes et les Ossètes doivent prendre en compte les intérêts de la Géorgie pour que la Géorgie prenne en compte leurs intérêts".

Relativement à l'Abkhazie, il reprend l'esprit des recommandations du groupe d'experts indépendants. La construction d'un nouvel oléoduc empruntant l'Abkhazie, du port géorgien de Soupsa vers le port russe de Novorossiyk, est également évoquée. Une communication de la proposition géorgienne à la résolution du conflit serait effectuée au Conseil de Sécurité des Nations Unies, le 31 juillet 2004.

26 mai, Soukhoumi. Le ministre des affaires étrangères de l'Abkhazie, Serguei Shamba, rejette la proposition de Tbilissi, le premier ministre Raul Khajimba rappelle une nouvelle fois que l'indépendance de son pays est définitivement acquise.

31 mai, Soukhoumi. Le Parlement vote une loi exigeant des candidats à la présidence de l'Abkhazie une résidence d'au moins 5 années sur le territoire, écartant d'éventuelles candidatures extérieures.

Convergence des intérêts russes et des intérêts géorgiens ?

Les intérêts russes en Abkhazie sont forts. Au delà de la "riviera" que représentent pour eux les côtes de la Mer Noire, cette région représente une voie naturelle de communication entre Nord et Sud Caucase : voies ferrées, voies routières, oléoduc et gazoduc.

Plus stratégiquement, le développement économique du Caucase par le Sud permettrait à la Fédération de Russie de faire balancer les républiques des Karatchaïs - Tcherkesses et de Kabardino - Balkarie dans le camp de la paix plutôt que dans le camp de la guerre comme les républiques d'Ingouchie et du Daguestan pourraient être tentées de faire, et comme celle de Tchétchénie l'a déjà fait.

Surprenant tournant de l'histoire, les intérêts de la Fédération de Russie et de la Géorgie convergeraient par le biais du développement économique. Prudence, l'avis et le soutien du grand frère américain restent indispensables. C'est peut-être aussi ce dont il était question lors de l'entretien entre Colin Powell et Salomé Zourabichvili, ministre des affaires étrangères de la Géorgie, le 1er juin à Washington.

Mirian Méloua.

Voir aussi Géorgie : les racines de la crise abkhaze (mars 2004)


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