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Le rapport de la Géorgie aux régions à statut particulier : Abkhazie, Adjarie et Ossétie du Sud (juillet 2004)
http://www.colisee.org/article.php?id_article=1338UNE ÉQUATION À TROIS INCONNUES, DONT L'UNE EST DÉJÀ RÉSOLUE vendredi 9 juillet 2004, par Mirian Méloua Lors de son discours à la nation, le 26 mai 2004, le président Mikhaïl Saakachvili déclarait tour à tour en langue ossète et en langue abkhaze : "Les Ossètes et les Abkhazes doivent prendre en compte les intérêts de la Géorgie pour que la Géorgie prenne en compte leurs intérêts". Est-ce à dire qu'il oubliait les Adjars, et réservait un traitement identique aux Ossètes et aux Abkhazes ? Les Adjars appartiennent à l'ethnie géorgienne, sont généralement musulmans et parlent géorgien. En 1918, lors de la paix de Brest-Litovsk, Lénine accorde l'Adjarie à l'Empire ottoman. En 1921, lors de l'avancée des troupes ottomanes en Géorgie, une délégation de la population adjare, conduite par Mehmet Abachidzé, grand-père d'Aslan Abachidzé, demande le maintien de la province dans la République de Géorgie. En 1991, Aslan Abachidzé est "élu" président de la république autonome et entre en sécession économique. Avec l'accord de la Russie et des Etats-Unis, Mikhaïl Saakachvili met fin à cette situation en 2004. Le statut de république autonome est allégé, mais confirmé, malgré les demandes réitérées des ultranationalistes géorgiens. L'évacuation de la base militaire russe de Batoumi se négocie. Cf. également 19. Adjarie Les Ossètes appartiennent à l'ethnie iranienne, ils sont majoritairement chrétiens et pour partie musulmans. En 1922, le pouvoir soviétique constitue une région autonome d'Ossétie du Sud. Elle compte 100 000 habitants dans les années 90. L'Ossétie du Nord, république autonome au sein de la Fédération de Russie, compte 650 000 habitants à la même période. En 1989, la région autonome d'Ossétie du Sud demande son unification avec l'Ossétie du Nord, sans succès. En 1990, elle s'autoproclame indépendante, sans reconnaissance internationale. La République de Géorgie abolit le statut de région autonome et instaure l'état d'urgence à Tskhinvali, la capitale (35 000 habitants). En 1992, les forces armées géorgiennes interviennent : 1000 morts ossètes sont dénombrés et 500 morts géorgiens. Un cessez-le-feu intervient sous l'égide de l'OSCE. Une "force de paix" russe est maintenue sur le territoire. Cf. également 04. Ossétie du Sud Les Abkhazes appartiennent à l'ethnie abkhaze. Ils sont tour à tour chrétiens dans l'Empire byzantin et musulmans dans l'Empire ottoman. Au XVIIéme siècle, ils deviennent sujets du Royaume de Géorgie au sein d'une Principauté d'Abkhazie. A la fin du XIXéme siècle, l'Empire russe s'empare de l'Abkhazie, ses habitants émigrent en masse. A l'issue de l'ère soviétique, la République Autonome d'Abkhazie, intégrée à la République de Géorgie, compte cinq cent mille habitants dont cent mille Abkhazes. En 1992, elle s'autoproclame indépendante, sans reconnaissance internationale. Un conflit armé avec la Géorgie conduit à une dizaine de milliers de morts et à la migration de 250 000 Géorgiens vers l'intérieur de la Géorgie. Des forces tchétchènes et russes auraient appuyé les forces abkhazes. L'ONU est chargée d'observer le cessez-le-feu. La base militaire russe, située près de Soukhoumi, est évacuée. Une "force de paix" russe est maintenue sur le territoire. Cf. également 01. Abkhazie À la fin de l'ère Chévardnadzé, un groupe d'experts indépendants se constitue et prend contact avec les milieux abkhazes, Paata Zakaréïchvili pour la politque, Lasha Tougouchi pour l'économie, Koté Koublachvili pour la justice, Vakhtang Khmaladzé et quelques autres. Il dépose ses recommandations au Conseil National de la Sécurité de Géorgie le 21 mai 2004, Mikhaïl Saakachvili en reprend l'essentiel : Pour l'Abkhazie, la vision d'avenir est institutionnelle, ménageant les intérêts russes, géorgiens et abkhazes. Cette région est une région de villégiature pour les Russes. Mikhaïl Saakachvili disait en confidence à Paris, en mars 2004, qu'il y verrait bien un paradis fiscal attirant les fortunes russes. Le rétablissement du chemin de fer par ce tracé entre la Russie et la Géorgie développerait l'économie locale. L'intégration de la République d'Abkhazie dans un état fédéral s'inscrirait à la fois dans la continuité de l'histoire du peuple abkhaze et dans la recherche d'une perspective. Encore faut-il que cette proposition soit négociée, et au final acceptée ! Le renouvellement politique en cours, élection présidentielle abkhaze en octobre 2004, hypothèque toute avancée. Pour l'Ossétie du Sud, la question est différente. Elle ne fut jamais une république autonome, mais une région autonome. Elle a toujours été intégrée économiquement à la Géorgie. Depuis sa sécession, elle serait devenue une zone de non-droit ; ses dirigeants sont accusés de trafic de farine et de pétrole entre Russie et Géorgie. Le précédent commandant russe des "forces de paix" a été rappelé à Moscou : il est soupçonné d'avoir prélevé son butin au passage, tout comme d'ailleurs les "forces de paix" géorgiennes et ossètes. La Fédération de Russie ne veut pas s'encombrer de l'Ossétie du Sud, au risque de voir certaines de ses régions ou de ses républiques (comme la Tchétchénie) demander le même droit à la séparation. L'absence de contrôle de cette partie de frontière avec la Géorgie pose probléme, trafics d'arme et de drogue ne sont pas exclus. Les intérêts russes sont-ils si éloignés des intérêts géorgiens ? Tbilissi propose une autonomie régionale, un développement économique qui retiendrait les quelques dizaines de milliers d'Ossètes qui n'ont pas émigré vers l'Ossétie du Nord, et un soutien à la culture ossète. La coexistence pacifique entre populations ossètes et populations géorgiennes, luttant ensemble pour leur survie dans une économie exsangue, est pratiquement réalisée. Mikhaïl Saakachvili aurait même proposé quelques postes de ministres à Tbilissi à certains dirigeants ossètes pas trop compromis ! Pour l'Adjarie, le départ d'Aslan Abachidzé a mis fin à l'existence de cette zone de non-droit. Mais comme pour toutes les autres régions de la Géorgie, les infrastructures sont à reconstruire, l'économie est à relancer et les esprits à faire basculer de l'ère post-soviétique au XXIème siècle. Mirian Meloua [ Accueil ] [ Retour à l'article ] [ Haut ] |
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