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Réforme judiciaire en Géorgie : l'UE missionne une juge française, Sylvie Pantz (juillet 2004)
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DURANT UNE ANNÉE, HUIT JURISTES EUROPÉENS AIDERONT À RÉFORMER LE SYSTÈME JUDICIAIRE GÉORGIEN

lundi 26 juillet 2004, par Mirian Méloua

Le 22 juillet, lors de sa conférence de presse, Mme Sylvie Pantz, ancienne juge d'instruction à Paris, au Tribunal Pénal International de la Haye de 1996 à 1999 et au Kosovo sous l'autorité de l'ONU de 1999 à 2001, déclarait : "Je ne vous apporte pas d'argent, je vous apporte un bien plus précieux, notre expertise, notre expérience et notre savoir faire judiciaire". Les nouveaux pouvoirs politiques expriment la volonté de les voir utiliser. Pouvait-il en être autrement alors qu'ils sont présidés par un ancien avocat formé aux Etats-Unis, Mikhaïl Saakachvili, éphémère ministre de la Justice d'Edouard Chevardnadzé ?

Javier Solana, à peine confirmé dans ses fonctions de Haut Représentant de la Politique de Sécurité et des Affaires Etrangères de l'Union Européenne, envoyait le 22 juillet 2004, à Tbilissi, un message de bienvenue à la mission d'aide judiciaire européenne qui s'installait pour une année.

"L'Union Européenne est pleinement impliquée et supporte la Géorgie dans ses efforts de réforme. La route à prendre est longue et difficile, mais les autorités géorgiennes peuvent compter sur l'Union Européenne pour les aider".

Au delà de la litote diplomatique, il convient de noter que cette mission d'aide judiciaire est la première du genre hors du territoire de l'Union Européenne.

Héritage soviétique ? Héritage des années de guerre civile sous la présidence Gamsakhourdia ? Héritage des années de présidence Chevardnadzé ? Cafouillage des premiers mois de présidence Saakachvili ?

Le 6 juillet 2004, Mikhaïl Saakachvili déclarait aux Organisations Non Gouvernementales géorgiennes que les violations des Droits de l'Homme étaient connues et que les réformes nécessaires seraient engagées afin de les éradiquer graduellement.

Le 9 juillet 2004, la Fédération Internationale des Droits de l'Homme et le Centre d'Information et de Documentation des Droits de l'Homme alertaient la présidence de l'Union Européenne du "climat de peur et de violence" qui règne actuellement en Géorgie, et des abus commis par les forces de police géorgiennes avec "détentions arbitraires et tortures".

La FIDH et le HRIDC considéraient que les plus hautes autorités de l'Etat, le président Saakachvili en particulier, encourageaient ce climat par certaines déclarations télévisées (Roustavi-2 le 12 janvier et le 3 février 2004).

Le 16 juillet 2004, Sylvie Pantz déclarait à Bruxelles que "l'une des ambitions de la mission était de faire diminuer ces abus", ainsi que les cas flagrants de corruption dans la police.

Elle ajoutait que la décrépitude du système pénal géorgien était réelle et que "l'identification des défis urgents était prioritaire afin d'aider les autorités géorgiennes à les résoudre".

La mauvaise gestion et la corruption du système judiciaire seraient également examinés par la mission européenne, et les réformes proposées.

Le 22 juillet 2004, Sylvie Pantz déclarait à Tbilissi que la mission européenne venait en Géorgie pour aider à réformer et à mettre en place un système géorgien, et "non un système européen ou français".

Les experts européens examineront la situation du Ministère de la Justice, du Ministère de l'Intérieur, du Conseil de la Justice, de la Cour Suprême, des Procureurs Généraux et de District à Tbilissi, de la Cour de District de Tbilissi et des Organismes de Défense à Tbilissi.

Fin 2004, une première ébauche de document stratégique devrait être constituée avec recommandations de structure judiciaire, de quantification et qualification des Cours, de quantification, formation et rémunération des juges, ainsi que des procureurs.

Le respect des Droits de l'Homme en Géorgie constitue un autre objectif essentiel recherché par la mission européenne ; elle examinera les cas de violation signalés par les ONG.

Sont concernés par la déclaration du FIDH et du HRIDC,
-  Guiorgui Inasaridzé, arrêté le 20 Décembre 2003 et qui se serait suicidé à la suite de mauvais traitements,
-  Chalva Orvelachvili, arrêté le 28 Janvier 2004 et torturé,
-  Iakob Martiachvili, arrêté le 14 Avril 2004 et torturé,
-  Guia Lobzhanidzé et Valéri Kurtanidzé, arrêté le 22 Avril et torturés,
-  Khvicha Kvirikachvili, arrêté le 22 Mai 2004, torturé, décédé des suites de ses blessures 25 minutes après sa libération,
-  Arsen Khutsichvili, décédé en prison le 31 Mai 2004, après présomption de tortures.

L'Union Européenne a ainsi décidé d'aider la Géorgie afin qu'elle progresse vers un Etat de Droit dans deux domaines difficiles, celui du respect des Droits de l'Homme et celui de l'indépendance du Pouvoir Judiciaire.

Hormis la courte période de 1918 à 1921, aucune démarche similaire ne fut jamais engagée durant l'histoire de la Géorgie.

La réussite, même partielle, de la mission européenne nécessite une évolution des mentalités, d'abord celles des hommes politiques, ensuite celles des médias, enfin celles des acteurs des systèmes judiciaires, policiers et pénaux. La tâche n'est pas aisée, ne serait-ce que parce que l'économie générale de la Géorgie ne permet pas aujourd'hui de les faire vivre par leurs seuls revenus officiels.

La mission dirigée par Mme Sylvie Pantz, est un message d'encouragement de la "vieille Europe" aux Géorgiens qui souhaitent voir leur pays rejoindre un jour les démocraties occidentales. Il n'empêche qu'il faut qu'ils en aient les moyens. Un certain partage des rôles entre Etats-Unis et Union Européenne se dessinerait ainsi dans le Sud Caucase.

Mirian Méloua.


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