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L'oléoduc Bakou - Tbilissi - Ceyhan est inauguré (mai 2005)
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AZERBAÏDJAN, GÉORGIE, TURQUIE ET PÉTRODOLLARS

jeudi 26 mai 2005, par Mirian Méloua

Géopolitique, économie et environnement ont failli coûter la vie à l'oléoduc BTC. Décidé en 1994, financé en 2002, inauguré le 25 mai dernier, il entrera en fonctionnement fin 2005. Il remplace l'oléoduc Bakou - Soupsa (datant de 1999, mais de débit trop faible) et le transit ferroviaire Bakou - Batoumi. Il condamne la solution russe entre mer Caspienne et mer Noire par le Caucase Nord.

Lorsqu'en 1994, sous l'impulsion des Etats-Unis, Heydar Aliev (alors président de l'Azerbaïdjan et père du président actuel) signa le coup d'envoi de l'oléoduc reliant la mer Caspienne à la mer Méditerranée, la décision apparaissait plus politique qu'économique : elle constituait avant tout un moyen de pression sur la Russie d'Eltsine.

Lorsque qu'en 2002, toujours sous l'impulsion des États-Unis, Edouard Chevardnadzé signa l'autorisation de passage de l'oléoduc sur le territoire géorgien, non sans avoir négocié quelques compensations financières autorisant plus de 20 % de recettes pour le budget annuel de son pays, il délivra un message aux différentes composantes du pouvoir russe.

Lorsque le 25 mai 2005, Ilham Aliev, Mikhaïl Saakachvili et Ahmed Necdet Sezer (président de la Turquie) ont envoyé symboliquement la première goutte de pétrole brut dans l'oléoduc, les défenseurs de l'environnement et les économistes s'interrogeaient toujours. La présence du secrétaire d'Etat américain à l'énergie, Samuel Bodman, du commissaire européen à l'énergie, Andris Piebalgs, et du président de BP, Lord John Browne, n'y changeait rien.

Était-il raisonnable de prévoir une infrastructure de 1.765 kilomètres (445 en Azerbaïdjan, 245 en Géorgie et 1.075 en Turquie) nécessitant d'être testée en vraie grandeur durant six mois par un flot de 10 millions de barils, se déplaçant à la vitesse de 2 mètres à la seconde ? Huit stations de pompages y pourvoient, et hissent le pétrole brut parfois à des altitudes proches de 2800 mètres ! Deux ministres géorgiens de l'environnement, sous Chévardnadzé et sous Saakachvili, s'y sont brûlé les ailes, en particulier à propos de la traversée, sur 17 kilomètres, de la réserve naturelle de la vallée de Borjomi, riche d'une eau minérale célèbre dans toute la région.

Etait-il rentable que la Banque Mondiale et la Berd (70 %), le consortium pétrolier (30 %) investissent 4 milliards de dollars dans une opération aussi risquée, avec un dépassement final de coût de 33 % ?

La réponse semble venir du président du Kazakhtan, Noursoultan Nazarbaev, présent lui aussi à l'inauguration. Le pétrole kazakh empruntera l'oléoduc BTC à partir de Bakou. Il atteindra la capitale azerbaïdjanaise par voie maritime (ou ferroviaire ?) dans un premier temps, par un oléoduc local ensuite. Le million de barils par jour serait ainsi atteint, et la rentabilité de l'ouvrage avec.

Globalement, le bassin de la mer Caspienne constituerait la 3ème réserve mondiale de pétrole et de gaz, avec un potentiel d'extraction de 5 millions de barils de pétrole par jour, soit environ 5 % de la consommation mondiale d'aujourd'hui.

Depuis 1991, par ses erreurs tactiques et stratégiques, la Russie perd petit à petit le leadership de cette région au profit des États-Unis. Les intérêts à court terme de l'Azerbaïdjan, de la Géorgie, de la Turquie et de certains pays d'Asie centrale semblent ainsi servis. L'interrogation reste pour le service de leurs intérêts à plus long terme.

Voir aussi :

-  Géorgie : l'oléoduc Bakou - Tbilissi - Ceyhan évitera-t-il la vallée de Borjomi ? (2004)

-  Oléoduc Bakou - Tbilissi - Ceyhan : grandes manoeuvres (2004)

Retour à Dossier : l'Union européenne et l'énergie (2009)


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