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Géorgie : instauration de l'état d'urgence (7 novembre 2007)
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ELECTIONS PRÉSIDENTIELLES ANTICIPÉES

jeudi 8 novembre 2007, par Mirian Méloua

Le président Mikheïl Saakachvili (1) a instauré l'état d'urgence le 7 novembre 2007 au soir, pour quinze jours. Cette décision sera soumise à l'approbation du Parlement sous 48 heures conformément à la Constitution géorgienne. Les élections présidentielles sont anticipées au 5 janvier 2008, un référendum portant sur la date des élections parlementaires leur serait adljoint.

Les manifestations

Elles avaient commencé le 28 septembre après l'arrestation de l'ancien ministre de la Défense Irakli Okrouachvili, souvent qualifié de chef de file des "faucons", pour "accusations du chef de l'Etat et de son entourage"(2).

Elles se sont amplifiées le 2 novembre avec la mobilisation, sans violence particulière, de 25 000 à 100 000 personnes (selon les sources) à proximité du Parlement, à l'appel d'un collectif de dix mouvements d'opposition (3). Initialement ils demandaient l'anticipation des élections parlementaires au printemps 2008 et un mode de scrutin leur permettant d'être représenté.

Elles se sont poursuivies jusqu'au 7 novembre (de 5 à 20 000 personnes chaque jour, avec installation de tentes et grévistes de la faim) et ont progressivement demandé la démission du président Mikheïl Saakachvili.

Les forces anti-émeute (canons à eau, gaz lacrymogène, balles en caoutchouc) les ont dispersé brutalement, après que la police se soit fait débordée et que le Parlement soit partiellement envahi. Selon le ministère de la Santé, près de cinq cents personnes auraient demandé une aide médicale et une centaine serait hospitalisée.

La chaîne de télévision privée IMEDI a été fermée, seules les télévisions d'Etat seraient autorisées à émettre.

Implications internationales

Le 7 novembre au soir, le président Saakachvili déclare que "des responsables des services spéciaux russes sont responsables des troubles que connaît le pays". Il décide l'expulsion de trois diplomates de l'ambassade de Russie en Géorgie, Ivan Volykine ministre - conseiller, Piotr Solomatine conseiller et Alexander Kourenkov troisième secrétaire, ainsi que le rappel pour consultation de l'ambassadeur de Géorgie en Russie, Irakli Tchoubinidzé.

Le ministre russe des Affaires étrangères, Serge Lavrov, réplique qu'il s'agit d'une "provocation".

Les Etats-Unis et l'Union Européenne (qui dépêche à Tbilissi son envoyé spécial Peter Semneby) se disent préoccupés par la situation. La France "encourage toutes les parties à engager le dialogue afin de préserver le processus démocratique en cours en Géorgie".

Eléments d'analyse

Si la politique de déstabilisation de la Géorgie engagée par la Russie ne peut exclure une activité permanente des services secrets militaires russes sur le territoire géorgien (4), les manifestations de dix mouvements d'opposition minoritaires -acquis à la politique internationale actuelle de la Géorgie- peuvent difficilement être attribuées à Moscou.

Le financier en a d'alleurs été un oligarque géorgien, ancien partenaire de Boris Berezovsky, vivant à Londres, "recherché" par les autorités russes et propriétaire de la chaîne de télévision IMEDI. Des ambitions politiques en Géorgie lui sont aujourd'hui prêtées.

Si les indicateurs macro-économiques de la Géorgie se sont améliorés en quatre années, l'évolution du pouvoir d'achat individuel est loin de rejoindre les espérances nées lors de la Révolution des Roses. "L'autoritarisme" du président Saakachvili et de son entourage (regroupé autour du ministre de l'Intérieur Vano Merabichvili) ont ajouté au mécontentement populaire.

La proximité des élections présidentielles et législatives avait certainement aiguisé les appétits. L'annonce de l''anticipation des présidentielles au 5 janvier 2008 et d'un référendum sur la date des législatives permet au président Saakachvili de reprendre la main. Il espère ainsi donner une image plus "démocratique" de la situation post- état d'urgence.

De fait, une véritable alternative politique est difficilement concevable aujourd'hui en Géorgie, fusse-t-elle une monarchie constitutionnelle à l'égide des Bagratides. Il est vital pour le peuple géorgien que la démocratisation en cours se poursuive, que des dividendes économiques lui soient redistribués et que la Russie ne s'appuie pas sur le désordre intérieur de la Géorgie pour accentuer son jeu de déstabilisation.

Notes :

(1) Géorgie : Mikheïl Saakachvili, président de la République

(2) Géorgie, France et Géorgie : Irakli Okrouachvili, ancien ministre, incarcéré et libéré sous condition (11 janvier 2013)

(3 Géorgie : plusieurs dizaines de milliers de personnes manifestent contre Mikheïl Saakachvili (novembre 2007)

(4) La volonté des pouvoirs politiques géorgiens, et des différentes oppositions, de voir la Géorgie intégrer l'OTAN est un casus belli pour la Russie. Selon certains observateurs à Tbilissi, la déstabilisation de la Géorgie engagée par les autorités russes (obligation de visas, chasse à l'émigration économique géorgienne, fermeture des frontières, arrêt des transports, arrêt des importations, violations de l'espace aérien, soutien aux séparatistes abkhazes et sud-ossètes, activité des services secrets militaires GRU ... ) s'accentuera à l'approche des élections présidentielles russes afin de rassembler les électeurs derrière un candidat national.


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