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Une invasion virtuelle russe sème la panique en Géorgie (2010)
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PAR RÉGIS GENTÉ

vendredi 19 mars 2010

Journal Le Figaro / rubrique International / lundi 15 mars 2010

Un vrai faux journal télévisé consacré à une attaque de la Russie a provoqué la confusion et la colère à Tbilissi.

CAUCASE. A la différence des Martiens, les Russes sont bien connus en Géorgie, Trop même, estime-t-on dans cette ex-République soviétique. Cela explique sans doute pourquoi le remake de La Guerre des mondes d'Orson Welles a si bien fonctionné samedi soir dans le pays. En 1938, le réalisateur avait semé la panique à New York en lisant à la radio une adaptation du roman d'H.G. Wells sur le débarquement des Martiens ! Samedi, à Tbilssi, la chaîne de télévision Imedi a réédité le scénario avec un un faux JT relatant une nouvelle invasion des forces russes, après celle trop réelle d'août 2008. Présenté par un David Pujadas local, le faux Kronika illustre la situation qui pourrait suivre les vraies élections locales du 30 mai, dont les résultats seraient contestés par l'opposition conduite par Nino Bourdjanadzé et Zourab Noghaideli, deux politiciens qui se sont réellement rendus à Moscou ces dernières semaines pour y rencontrer Vladimir Poutine. Moscou profite alors de manifestations à Tbilissi pour intervenir militairement. Le présentateur affirme que les chars russes s'apprêtent à entrer dans la capitale. Le faux JT se termine en apothéose avec l'annonce de l'assassinat du président Saakachvili.

Au fil des minutes, les opérateurs de téléphonie mobile ont été débordés et les services d'urgence des hôpitaux appelés de toutes parts pour des malaises cardiques. Juste avant 21 heures et le grand journal du soir, le réalisateur de la première chaïne faisait à son tour un malaise, obligeant les responsables de cette télévision publique à annuler le Jt et à le remplacer par d'insipides documentaires ... La réalité rattrapait la fiction.

L'opposition est aussitôt montée au créneau, outragée d'avoir été dépeinte en traître rejoignant les troupes russes. Elle réunissait des partisans pour protester devant le siège d'Imédi. Des citoyens ordinaires se joignaient à elle . "Nos médias sont contrôlés par le pouvoir, ils reprennent sa rhétorique qui nous entretient dans l'obsession de l'ennemi pour servir ses intérêts. Cette émission scandaleuse est le produit de cela", a expliqué le dramaturge Lasha Boughadzé.

Sentiment d'isolement

Dimanche, Mikheïl Saakachvili a insisté sur la plausibilité du scénario : "La chose la plus désagréable à propos du reportage d'hier, et je veux que chacun le réalise bien, c'est que ce reportage est au plus près de la réalité et au plus près de ce qui pourrait arriver, ou de ce que l'ennemi de la Géorgie a à l'esprit".

La panique de samedi soir ne se serait probablement pas produite si ces dernières semaines n'avaient pas été marquées par d'inquiétants articles dans la presse russe et des provocations verbales. En outre, le contexte est des plus sombres pour une Géorgie qui se sent de plus en plus isolée. Notamment après la visite de Dmitri Medvedev à Paris, début mars, où Nicolas Sarkozy l'a dépeint en homme attaché "à la défense des droits de l'homme", ce qui déconcerte un pays qui a dû reloger 26 000 victimes du nettoyage ethnique orchestré par Moscou.

Voir aussi "Halte à la guerre virtuelle ! Le président Saakachvili effraye les citoyens pour se poser en sauveur" par Salomé ZOURABICHVILI (mars 2010)


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