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Géorgie : ambiguïté de la diplomatie française (septembre 2010)
http://www.colisee.org/article.php?id_article=3095mercredi 22 septembre 2010, par Mirian Méloua Depuis une vingtaine d'années, la France réaffirme le principe de l'intégrité territoriale de la Géorgie, Abkhazie et Ossétie du Sud comprises. Depuis quelques mois, elle propose un Partenariat stratégique de l'Union européenne avec la Russie. Que devient la question géorgienne pour la diplomatie française ? En août 2008, Paris aurait souhaité que son intermédiation entre Moscou et Tbilissi porte ses fruits. Non seulement l'armée russe n'a pas évacué le territoire géorgien comme convenu, mais elle y construit des bases militaires. De surcroît, Moscou a reconnu l'indépendance des deux provinces séparatistes, comme pour punir Tbilissi d'avoir souhaté adhérer à l'OTAN. Depuis, Paris s'est engagé dans un développement de ses relations avec Moscou, en proposant en particulier la vente de navires porte-héliciptères MISTRAL. Selon l'Etat-Major russe, mi-cynique, mi-contrit, ils auraient permis d'envahir le territoire géorgien en quelques heures. Depuis, Paris a lancé son ambassade et son centre culturel de Tbilissi dans un ballet effréné d'actions bilatérales, comme pour se faire pardonner un "lâchage" éventuel sur le fond. Le président géorgien en France La visite officielle de Mikheil Saakachvili, le 8 juin 2010, quelques heures avant celle de Vladimir Poutine, devait contribuer à rééquilibrer cette impression. Outre les rituels de conférence (l'homme est francophone) et de parcours de musée au pas de charge (par sa taille, l'homme toisait sans complexe Jacques Chirac) et de collation légère dans les jardins de l'Elysée, elle avait pour objectif de réaffirmer que la France ne s'opposerait pas au rapprochement de la Géorgie avec l'Union européenne (1), comme elle l'avait fait pour le rapprochement avec l'OTAN. La visite avait certainement aussi pour objectif de réaffirmer discrètement que si Paris vendait deux porte-hélicoptères à Moscou, ce serait sans transfert de technologies (et sans l'armement associé ?), à l'opposé des revendication formulées quelques heures plus tard par Vladimir Poutine auprès de Nicolas Sarkozy et formulées par l'Etat-Major russe quelques jours plus tard. Les dégâts diplomatiques à l'Est Les dégâts engendrés par l'ambiguité de la diplomatie française vis-à-vis de la Géorgie sont patents. Comment soutenir, d'une part la vocation de l'Union européenne à se diriger vers un Partenariat stratégique avec la Russie et d'autre part un Partenariat oriental approfondi avec la Géorgie, tant que les questions de l'Abkhazie et de l'Ossétie du Sud (et plus globalement les questions des régions limitrophes de la Russie) ne sont pas règlées ? (2) Les pays du Nord et de l'Est de l'Union européenne s'en étaient publiquement émus début 2010 : le retour de l'Ukraine dans l'orbite russe, le réchauffement des relations entre la Pologne et la Russie ont certes apporté quelques bémols. Une Géorgie, laboratoire démocratique d'une future Russie démocratique ? "Construisons un Partenariat stratégique entre l'Union européenne et la Russie : en contrepartie les 3 pays du Sud Caucase seront aidés économiquement et financièrement dans le cadre du Partenariat oriental, Pour l'OTAN, oubliez ! Pour l'intégrité territoriale de la Géorgie, nous continuerons à la soutenir, sans illusion, exemple du Kosovo à la clé !". Avec la peur que Berlin ne lui "vole" l'initiative -ne serait-ce que pour développer ses propres affaires vers l'Est- et avec l'assentiment tacite de Washington qui a dédramatisé ses relations avec Moscou, Paris cultive donc le paradoxe. A moins qu'un pari ne soit fait, celui de l'évolution intérieure de la Russie par capillarité avec l'Union européenne et les pays post-soviétiques qui en auraient pris le chemin, Géorgie en tête. "Géorgie, laboratoire démocratique de l'espace post-soviétique", n'était-ce pas le titre de la conférence de Mikheil Saakachvili à Sciences Po, le 8 juin 2010 ? L'orgueil géorgien ne saurait être mieux flatté. Pour qui connait un tant soit peu l'histoire de la Russie et de la Géorgie de ces deux derniers siècles, cette fable ne saurait être mieux racontée qu'autour d'une table géorgienne, devant un verre de Tsinandali. La diplomatie française aurait pu s'en dispenser. * Notes :
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