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Nationalismes : "Le choc des cultures : de l'accueil de l'autre au conflit ethnique" (3/6)


mercredi 30 avril 2003, par Hervé Collet

 

LE CHOC DES CULTURES : DE L'ACCUEIL DE L'AUTRE AU CONFLIT ETHNIQUE


La rencontre interculturelle

Dans la rencontre interindividuelle (ou de petit groupe) entre personnes de culture différente, quatre grandes catégories de situations peuvent se présenter schématiquement :
-   L'intolérance. Je refuse pour moi tout ou partie des traits culturels de mon interlocuteur et je lui dénie le droit de les posséder, de les entretenir et de les développer. Je peux même aller jusqu'à chercher à détruire ou neutraliser les manifestations de ces traits culturels. Cela débouche sur toutes les persécutions, les chasses aux sorcières, les iconoclasmes (1) et autres autodafés (2).
-  La tolérance. Je ne suis pas séduit par tout ou partie des traits culturels de mon interlocuteur, mais je ne vois pas d'inconvénient à ce que ce dernier les possède, les entretienne et même les développe tant qu'ils ne s'opposent pas à l'expression de ma propre culture et à la satisfaction de mes besoins : "Je veux bien que mon enfant dessine, s'il ne m'encombre pas de ses dessins".
-  La reconnaissance. Je trouve intéressant, sympathique ou tout simplement normal que mon interlocuteur pratique tel ou tel trait culturel (habit, langue, rite, etc.). Moi-même, je ne peux pas ou ne veux pas l'adopter, pour des raisons diverses : je tiens à la cohérence de ma propre culture, je n'ai pas le temps ou le courage de m'initier, j'ai peur de la réaction de mon groupe d'appartenance, etc. Mais je reconnais à mon interlocuteur un droit inaliénable à pratiquer sa culture et je ferai mon possible pour qu'il puisse l'exercer.
-  L'appropriation ou assimilation. Je suis séduit par un trait culturel de mon interlocuteur et je le fais mien (j'apprends sa langue, je m'habille à sa mode, etc.). Deux solutions s'offrent à moi : * Je cumule le nouveau trait culturel avec l'ancien, soit en jouant sur les deux registres selon les circonstances (tantôt cuisine au beurre, tantôt cuisine à l'huile, par exemple), soit en amalgamant les deux éléments dans un nouvel ensemble, plus ou moins cohérent (sur le plan des idées, par exemple, cela peut déboucher sur un syncrétisme) * Je nie le trait culturel antérieur, soit en l'abandonnant purement et simplement, soit en le combattant et en détruisant ses manifestations les plus visibles : "Je brûle ce que j'avais adoré". C'est ainsi que les chrétiens convertis étaient invités à briser les idoles du paganisme qu'ils venaient de quitter. On retrouve ici une autre forme d'intolérance.

Causes et facteurs déclencheurs des conflits ethniques

Tout problème de cohabitation ne débouche pas nécessairement sur un conflit interethnique. Dans l'histoire contemporaine, chaque confrontation d'envergure (Haut-Karabagh, Bosnie, Kosovo, Macédoine...) a une étiologie (science des causes) spécifique. On peut repérer les facteurs suivants :

-  Causes premières

À la base des conflits interethniques, on trouve généralement un sentiment de frustration profonde chez l'une ou les deux parties en présence, qui peuvent avoir des causes très diverses. Par exemple :
-  Facteurs économiques : pauvreté ou important décalage de situation financière
-  Facteurs démographiques : crainte d'un renversement de l'équilibre démographique
-  Facteurs culturels : domination culturelle ou conflit de valeurs (notamment dans le domaine religieux)
-  Facteurs territoriaux : irrédentismes ("Vous n'aurez pas l'Alsace et la Lorraine"), qui ont une portée hautement symbolique
-  Facteurs politiques : violation ou inobservance des droits prévus par la Constitution à l'égard des minorités nationales.

-  Facteurs aggravants ou déclencheurs

Dans le monde contemporain, plusieurs éléments peuvent se combiner pour aggraver une situation tendue et déclencher ou alimenter un conflit interethnique :
-  L'ambition d'un homme ou d'une organisation. Beaucoup de conflits ou de guerres naissent de la volonté de puissance d'un groupe d'hommes qui exploitent un mécontentement populaire pour arriver à leurs propres fins. Tout effort de conciliation paraît alors vain, car le véritable but des meneurs est de conserver leur pouvoir.
-  Le jeu des grandes puissances. Un grand nombre de revendications ethniques sont entretenues, avivées ou modérées, par des grandes puissances qui se servent des minorités nationales comme autant de pions dans un grand "jeu d'échecs" géostratégique. La stratégie de Staline consistant à semer ce que l'on a appelé des "bombes à retardement" dans l'ex-Urss (en déplaçant des populations et en traçant des frontières peu fiables) en est un exemple fameux. L'action des services spéciaux de ces grandes puissances peut être parfois déterminante.
-  Le rôle des mafias ou des "groupes de pression" (lobbies). Les "puissances occultes" qui défendent des intérêts économiques plus ou moins légitimes peuvent être amenées à manipuler les groupes minoritaires, en vue de faire aboutir leurs objectifs. L'exemple le plus connu est celui des industries d'armement. Les trafiquants de drogue s'appuient souvent sur certaines ethnies ou certains groupes sociaux, qu'ils encouragent à "résister" et à qui ils fournissent aide financière en échange de leur "coopération".
-  La place de l'idéologie. Les frustrations économiques, politiques ou simplement psychologiques que subit une population peuvent être théorisées et systématisées dans un corpus idéologique, soit né du terrain et donc endogène (cas par exemple de la théologie de la libération en Amérique latine), soit importé d'un courant de pensée plus "classique" (marxisme-léninisme, fondamentalisme religieux, etc). Certains auteurs, par exemple, pensent que c'est le cas pour l'UCK macédonienne lors du conflit qui a agité ce pays il y a quelques années.

Hervé Collet, sociologue, rédacteur en chef du site Internet du COLISEE.

(1) L'iconoclastie consiste à détruire les représentations graphiques d'une civilisation ou d'une forme de pensée.

(2) L'autodafé consiste à brûler des livres "interdits".



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