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Adjarie : les raisons de la chute d'Abachidzé (2004)


SAAKACHVILI GAGNE LA DERNIÈRE MANCHE CONTRE ABACHIDZÉ, TROP PETIT JOUEUR POUR LUI.
vendredi 7 mai 2004, par Mirian Méloua

Mikheïl Saakachvili tient parole. Il avait affirmé devant les diasporas géorgiennes en Allemagne, aux Etats-Unis et en France, que son objectif fondamental était l'intégrité territoriale de la Géorgie. En novembre 2003, il débusque le renard du Caucase, Edouard Chevardnadzé. En mai 2004, il chasse le lion de Batoumi, Aslan Abachidzé, toujours sans effusion de sang. Le "flamboyant" Misha souhaiterait rester dans l'histoire comme le rebâtisseur de la Géorgie moderne.

Le dénouement de la crise adjare a été monté de toutes pièces par Tbilissi : trahisons, manifestations dites spontanées, manoeuvres militaires et politiques, appui américain et coup de pouce russe, tels sont les ingrédients qui ont permis à Saakachvili de mettre fin au règne du clan Abachidzé sur l'Adjarie, règne établi depuis le VIIème siècle.

Le film des événements

Trahisons

Les trahisons successives se multiplient. Le général commandant la 25éme brigade géorgienne basée à Batoumi passe dans le camp Abachidzé en avril. Certains de ses officiers regagnent discrètement Tbilissi. Le chef des forces de police centrale basées à Batoumi rejoint également Abachidzé. L'établissement d'un état de droit en Adjarie mettrait peut-être en difficulté ces responsables envoyés par Tbilissi. Argent gris, argent noir, toutes les hypothèses sont permises. Le 2 mai, le général russe Iouri Netkatchev "à la retraite", fait sauter les ponts de Tcholoki et de Kakouti, miner le terminal pétrolier et bloquer la voie ferrée. Celle achemine le pétrole du Kazakhstan et du Turkménistan par Bakou et Tbilissi, contre les intérêts russes. Le complexe militaro-industriel russe livre l'un de ses derniers combats dans le Caucase.

En sens inverse le ministre de l'intérieur d'Adjarie négocie avec le pouvoir central et passe dans son camp, ainsi que le responsable de la sécurité. Le ministre de la sécurité de Géorgie, Zourab Adéïchvili, était injoignable depuis plusieurs jours, en mission spéciale.

Manifestations spontanées

Les manifestations étudiantes à Batoumi sont clairsemées et réprimées le 2 mai. Le mouvement d'opposition "Notre Adjarie" réunit quelques centaines d'Adjars le lendemain. Le 5 mai, les forces de police régionales fraternisent et 15.000 manifestants sont observés. La révolution des roses s'est étendue démocratiquement de l'arrogante Tbilissi à la sulfureuse Batoumi.

Manoeuvres militaires et politiques

Le 5 mai le premier ministre de Géorgie, Zourab Jvania, s'avance en Adjarie avec son ministre de l'Intérieur en tenue de combat, Guia Baramidzé. Ils "franchissent le Rubicon", malgré les ponts sautés. Ils viennent de Poti, à 30 kilomètres de là. Des manoeuvres militaires géorgiennes baptisées "Dioscouria 2004" s'y sont terminées quelques jours plus tôt, avec 2000 hommes, 49 chars, 15 bateaux et 8 hélicoptères. La semaine précédente l'Ukraine a fort opportunément rendu quatre hélicoptères bloqués à Kiev depuis 1999 pour une dette de 3 millions de dollars. Ils permettent aux troupes d'élite géorgienne, formée par les Américains, de s'infiltrer en Adjarie. Le moral des militaires géorgiens est fort, leur budget sera augmenté de 38 % en 2004.

Diplomatie

Le Conseil de l'Europe, par son secrétaire général Walter Schwimmer, soulève les protestations de Tbilissi en attribuant la responsabilité de la crise au manque de dialogue avec Batoumi. L'Union Européenne ne prend pas le temps de réagir. Les Etats-Unis soutiennent sans condition apparente. Vladimir Poutine délègue Igor Ivanov, secrétaire du Conseil de Sécurité russe et ancien ministre des affaires étrangères. Il a la particularité d'être kartvélophone, sa mère est géorgienne. Il fut en novembre dernier l'un des fossoyeurs politiques d'Edouard Chevardnadzé : il sera cette fois celui d'Aslan Abachidzé et le ramènera dans son avion en Russie (1).

Pour quelle contrepartie Mikheïl Saakachvili a-t-il obtenu l'appui de Vladimir Poutine ? Les hypothèses évoquées sont nombreuses, et anciennes : une conversation entre Poutine et Bush la semaine dernière, une participation des intérêts russes à l'oléoduc Bakou-Tbilissi-Ceyhan, une opération d'envergure des gardes frontières russes et géorgiens aux confins de la Tchétchénie ? Dès la crise adjare terminée, la ministre des Affaires étrangères de Géorgie, Salomé Zourabichvili, est partie pour Moscou.

L'appui de la Russie sera également nécessaire à Mikheïl Saakachvili pour ses prochaines étapes, les questions ossète et abkhaze. Les Géorgiens le croient en tout cas. Les Ossètes du Sud verraient avec inquiétude un accord fermant réellement les frontières entre le Sud et le Nord du Caucase. Les Abkhazes, en année électorale, redoutent une trop grande proximité entre la Géorgie et la Russie.

Le Caucase reste une région d'influence russe, c'est certainement ce que les présidents Aliev, Kotcharyan et Saakachvili se sont dit - en langue russe - lors de leur déjeuner amical qui s'est tenu à Varsovie, fin avril.

Note (1) Géorgie : les grandes fortunes en 2006



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