Ossétie du Sud : l'odeur des roses de Tbilissi (2004)
FILM DES ÉVÉNEMENTS DES 15 DERNIERS JOURS
vendredi 11 juin 2004, par Mirian Méloua
Le marché d'Ergneti, alimenté par des trafics en tout genre entre le Sud et le Nord du Caucase, échappe à tout contrôle - qu'il soit russe ou géorgien. Selon les observateurs internationaux, la zone de non-droit qui s'est mise en place en Ossétie du Sud depuis douze ans a profité aux privilégiés ossètes, aux responsables russes de la force de paix et aux autorités géorgiennes voisines. Gori, la ville natale de Staline, est distante d'à peine 30 kilomètres.
Le film des événements
23 Mai. Tskhinvali. Les élections parlementaires donne la quasi totalité des 34 sièges au Parti de l'Unité du président "de fait", Edouard Kokoev, et quelques sièges au Parti Communiste ossète. Suite à son boycott, la population d'ethnie géorgienne ne sera pas représentée (4 sièges réservés). L'orientation principale du Parti de l'Unité ossète est la fusion entre l'Ossétie du Sud (100.000 habitants) et l'Ossétie du Nord (650.000 habitants) au sein de la Fédération de Russie.
26 Mai. Tbilissi. Dans le discours célébrant la fête nationale, le président Mikheïl Saakachvili appelle, dans leurs langues, les Abkhazes et les Ossètes "à prendre en compte les intérêts de la Géorgie pour que la Géorgie prenne en compte leurs intérêts" et annonce des initiatives prochaines.
26 Mai. Tskhinvali. Le ministre des affaires étrangères "de fait", Mourad Dzhioyev, rejette les propositions du Président de la Géorgie, et précise que le statut d'indépendance de l'Ossétie du Sud est définitivement acquis.
31 Mai. Zone de conflit. Trois cents hommes des troupes d'élite sont déployés sous la conduite du ministre de l'intérieur de la Géorgie, Guiorgui Baramidzé, autour des points de passage vers la région en sécession, en particulier à Tkviavi à 10 kilomètre de Tskhinvali. La Géorgie prête l'intention au commandant des forces de paix russes, le général Sviatoslav Nabdozorov, de démanteler les contrôles aux points de passage.
31 Mai. Tbilissi et Moscou. Entretien téléphonique entre Mikheïl Saakachvili et Vladimir Poutine. La garantie du maintien des contrôles aux points de passage est négociée, ainsi que le retrait immédiat des troupes d'élite géorgiennes.
31 Mai. Tbilissi. Le président Mikheïl Saakachvili propose le rétablissement de la ligne de chemin de fer entre Tskhinvali et Tbilissi (par Gori) sous une semaine, le paiement des pensions aux populations ossètes dès le mois de juin, la mise en place de services hospitaliers d'urgence (ambulances), une aide immédiate aux agriculteurs (distribution d'engrais), des émissions radiophoniques et télévisées en langue ossète, et une instruction judiciaire sur les massacres ossètes de 1992 (Kekhvi).
31 Mai. Tbilissi. La capitale et sa région subissent une coupure générale de l'électricité, attribuée à l'arrêt de l'approvisionnement russe.
1er Juin. Tbilissi. Le secrétaire du Conseil National de la Sécurité de Géorgie, Vano Mérabichvili, déclare que "dans le cadre des accords initiaux, jamais remplis jusqu'à présent, les forces de paix géorgiennes passent de 100 à 500 hommes et se voient équipées de véhicules blindés".
2 Juin. Tskhinvali. Une conférence quadripartie se tient avec l'OSCE (Russie, Ossétie du Sud et Géorgie).
2 Juin. Moscou. La Douma "condamne les autorités géorgiennes pour l'envoi de troupes dans la zone du conflit".
3 juin. Tskhinvali. Le premier ministre géorgien, Zourab Jvania, et le responsable des chemins de fer, David Onoprichvili, rencontrent les responsables ossètes : 6 kilomètres de voie resteraient à restaurer entre Tskhinvali et Gori, l'Union Européenne fournirait 400.000 euros. Un accord est confirmé.
3 juin. Gori (à 30 kilomètres de Tskhinvali). La télévision géorgienne montre des dizaines de chars de combat et des centaines de soldats "regagnant leurs casernes après la parade militaire de la fête nationale géorgienne du 26 mai". Le président "de fait" d'Ossétie du Sud, Edouard Kokoev, proteste.
4 Juin. Tkviavi. Un accord est obtenu entre Guiorgui Khaïndrava, ministre des conflits de la Géorgie, et Boris Chochiev, ministre "de fait" des affaires spéciales d'Ossétie du Sud pour la mise en place de contrôles triparties (ossète, russe et géorgien) aux points de passage.
4 Juin. Tskhinvali. Le ministre de l'agriculture de la Géorgie, David Chervachidzé, à la tête de camions, tente une distribution d'engrais aux populations ossètes : il est repoussé après avoir rempli sa mission dans deux villages.
4 Juin. Tbilissi. Le président de la Banque Nationale de Géorgie, Irakli Managadzé, annonce l'étude de la réintégration de l'Ossétie du Sud dans le territoire bancaire géorgien : l'agence de la banque géorgienne Sakhalkho Banki (Banque Populaire) dans le village ossète de Tamartcheni servira d'exemple.
4 juin. Moscou. L'ambassadeur de Géorgie, Konstantiné Kémoularia, déclare ; "De hauts responsables des forces de paix russes en Ossétie du Sud sont impliquées dans des trafics de drogue et de voitures volées ... et nuisent aux intérêts de la Russie ... quelles sont les raisons exactes du rappel à Moscou du général Sviatoslav Nabzdorov ? ...".
5 Juin. Tskhinvali. Le Parlement ossète lance un appel à la Douma russe pour la reconnaissance de l'Ossétie du Sud par la Fédération de Russie.
6 Juin. Tskhinvali. Le président de l'Ossétie du Nord (Fédération de Russie), Alexander Dzaokhov se rend en visite chez son voisin du sud.
6 juin. Soukhoumi. Le Premier ministre "de fait" de la République autonome d'Abkhazie en sécession, Raul Khadjimba, propose l'envoi de forces militaires abkhazes en Ossétie du Sud en cas d'attaque géorgienne.
6 Juin. Moscou. Le président de la Douma, Boris Grizlov, déclare que des hommes de loi russes étudient la demande de reconnaissance de l'Ossétie du Sud par la Fédération de Russie.
7 Juin. Tbilissi. La radio d'Etat géorgienne émet en langue ossète deux heures par jour. Le programme d'information en langue ossète est confirmé à la télévision d'Etat.
8 Juin Tskhinvali. Les ministres de la santé géorgien et ossète, Lado Chiapachvili et Jemal Jigayev, s'entretiennent sur l'aide médicale et la distribution de médicaments par le gouvernement géorgien (700 personnes concernées).
8 Juin. Moscou et Tbilissi. Les ministres des affaires étrangères russe et géorgien, Serguei Lavrov et Salomé Zourabichvili, saluent l'accord local intervenu le 2 Juin à Tskhinvali entre Ossètes et Géorgiens pour le rétablissement du chemin de fer et le paiement des pensions.
9 Juin. Moscou. Le Sénat russe appelle à la résolution pacifique du conflit, et estime que telles sont les intentions des autorités géorgiennes.
L'odeur des roses de Tbilissi ne suffira pas
Tout comme en Adjarie, les bruits de botte ont alterné avec les bouquets de roses. Tout comme en Adjarie, l'initiative en revient à Mikheïl Saakachvili. Tout comme en Adjarie, la solution passe par Moscou. Les zones de non-droit, frontalières entre le Nord Caucase et le Sud Caucase nuisent aux intérêts à terme de la Fédération de Russie et de la Géorgie. Alors pourquoi Moscou s' opposerai-il vraiment à une normalisation ?
Par la mise à jour des trafics et des corruptions qui enrichissent quelques-uns (tant Ossètes, Russes que Géorgiens) au détriment de la grande majorité, Mikheïl Saakachvili essaie de démontrer que les intérêts de la population ossète ne seraient pas sacrifiés. Par des mesures sociales, il cherche l'adhésion de mentalités à peine sorties de l'époque soviétique et qui voient peut-être dans l'unité avec la Fédération de Russie un retour à l'assistanat. Par des mesures d'encouragement à la culture ossète et à l''instruction judiciaire de massacres commis en 1992, il cherche à illustrer la fin d'un nationalisme géorgien qui excluait les minorités.
Parviendra-t-il à convaincre une population ossète, sous le seuil de pauvreté pour la très grande majorité, et trouvera-t-il une monnaie d'échange avec la Russie ? L'odeur des roses de Tbilissi ne suffira pas.
Mirian Méloua.
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