Géorgie : le Musée des Beaux-Arts de Tbilissi
25 SIÈCLES DE RICHESSES ARTISTIQUES
vendredi 10 février 2006, par Mirian Méloua
En 1860, époque de la Russie blanche, Tiflis accueille le Musée Caucasien. En 1920, dans l'euphorie de l'indépendance retrouvée, la Ière République de Géorgie le transforme en Galerie Nationale des Beaux-Arts. En 1945, après l'accord entre la France et l'URSS, le professeur Ekvtimé Takhaïchvili y restitue le trésor national géorgien. Aujourd'hui plus de 60 000 objets sont réunis au Musée des Beaux-Arts de Tbilissi.
Malgré son histoire mouvementée et la tentation des différents prédateurs, la Géorgie a réussi à sauvegarder la plus grande partie de son patrimoine artistique.
Au XXème siècle, la Russie blanche et la Russie soviétique souhaitent exporter certains objets d'arts géorgiens vers les musées de Saint Pétersbourg (qui deviendra Petrograd et Leningrad) et de Moscou : la résistance nationale géorgienne, sous toutes ses formes, les en dissuade.
La Ière République de Géorgie exilée en France, à court de finances, aurait pu vendre quelques unes de ces richesses emportées dans ses bagages, afin de subvenir à des temps devenus difficiles : le ministre des finances Konstantiné Kandélaki et le président du gouvernement Noé Jordania se gardent bien de sacrifier quoi que ce soit. C'est en tout cas la légende, corroborée par le pouvoir soviétique lors du retour du trésor national à Tbilissi en 1945, même si ensuite des voix se sont élevées pour affirmer le contraire.
La France de De Gaulle, qui avait besoin de l'URSS de Staline dans l'immédiat après-guerre, aurait pu céder à la demande de rapatriement à Moscou : pourtant une clause solennelle a été acceptée par de Gaulle et par Staline : "Le retour des manuscrits, des pièces de toreutique et d'orfèvrerie, des émaux et des tableaux géorgiens s'effectuera avec l'engagement d'un retour à Tbilissi, et uniquement à Tbilissi".
Le maître d'ouvrage de cette épopée, départ du trésor national géorgien en 1921 devant l'invasion de l'Armée rouge et retour en 1945, en est le professeur Ekvtimé Takhaïchvili, vice-Président de l'Assemblée Constituante géorgienne de février 1919 à mars 1921 (1).
Les pièces pré-chrétiennes
Parmi les pièces les plus anciennes, doivent être citées un taureau de bronze (10,5 sur 8,2 centimètres) du VIème siècle avant JC, un collier d'or et de cornaline (17 sur 3 centimètres) du Vème siècle avant JC, un diadème (19 sur 2,5 centimètres) en or avec pendeloques (13,5 sur 2,5 centimètres) et une bague avec boucles d'oreille du IVème siècle avant JC.
Les pièces médiévales
Les objets de culte de l'ère chrétienne constituent un second groupe d'objets remarquables, icônes, croix d'autel et de procession, coupes, ostensoirs en or et en argent, relevés d'émaux.
Les icônes géorgiennes les plus anciennes datent du IXème siècle (Vierge de Tsilkani). Les bleus et les ocres sont souvent employés. Les peintures sont souvent enchâssées d'or et d'argent, selon les techniques du repoussé. Les émaux sont souvent travaillés selon les techniques du cloisonné.
Le triptyque de Kakhouli (148 sur 202 centimètres) est centré sur une effigie de la Vierge datant du Xème siècle, exécutée selon les techniques de l'émail cloisonné et décorée de plus de 300 pierres précieuses, dont les plus anciennes datent du VIIIème siècle.
La croix pectorale en or de la reine Thamar, ornée de rubis, d'émeraudes et de perles, est l'unique objet conservé après sa mort (1213) .
Les multiples représentations de Saint-Georges sont plus récentes : du XVème au XIXème siècles.
La peinture
Le musée possède également des collections de peintures géorgiennes, russes et orientales.
Hormis les scènes de la vie quotidienne du naïf Niko Pirosmani (1862-1918), régulièrement exposées hors Géorgie, on y trouve les portraits réalisés par Lado Goudiachvili (1896-1980), les paysages urbains d'Eléné Akhvlédiani (1901-1976) et les oeuvres de bien d'autres artistes géorgiens.
L'Ecole de Tiflis, initialement formée à Petrograd, s'en affranchit rapidement. En 1917, Lado Goudiachvili accompagne le professeur Ekvtimé Takhaïchvili lors de l' expédition de repérage des anciennes églises géorgiennes dans la partie nord de l'empire ottoman. Dans les années vingt, il mûrit son art et sa technique à Montparnasse avant de revenir en Géorgie. Eléné Akhvlédiani et David Kakabadzé (1889-1952) font de même. Félix Varlamichvili (1903-1986) et Véra Pagava (1907-1988) restent définitivement en France (2).
Jacob Nikoladzé (1876-1980) et Nicolas Kandélaki (1889-1970) peuvent être considérés comme les fondateurs d'une école géorgienne de sculpture contemporaine. L'époque soviétique leur permet de la développer et d'entraîner une nouvelle génération sur cette voie.
Les pièces d'architecture
Le Musée des Beaux-Arts conserve également des éléments d'architecture ancienne, fragments issus de temples, d'églises, de cathédrales ou de monastères, originaux ou moulages.
Photographies, maquettes et plans permettent de donner une vision globale de ces monuments : cathédrales de Sion à Bolnissi (493), églises de Djvari (604), d'Ochki (960) et de Bagrat (1103), cathédrales de Svétitskhovéli (1029) et d'Alaverdi (1050), monastère de Guélati (1130).
Mosaïques et fesques viennent en compléter l'image.
Les vêtements
On y trouve enfin différentes collections de tissus, de vêtements et d'ornements, étoles de lin avec fils d'or, d'argent et de soie (XIVème siècle), parements liturgiques en toile et en soie avec fils d'or et d'argent (XVIIème siècle), nappes de lin et coiffes de laine (XIXème siècle).
Adresse
Musée des Beaux-Arts de Tbilissi (appelé aussi Musée des Arts)
1 rue Goudiachvili (près de la place de la Liberté),
Tél. 00 995 32 98 82 46 (3).
Mirian Méloua.
Notes
(1) Voir aussi Géorgie, France et URSS : Ekvtimé Takhaïchvili (1863-1953), savant et homme politique .
(2) Voir aussi Les artistes géorgiens à Paris au temps des "Années Folles".
(3) Les contraintes financières ne permettent malheureusement pas l'exposition permanente des dizaines de milliers de pièces artistiques. Il est prudent de prendre contact préalablement à tout projet de visite, afin de bénéficier d'un guide francophone et de lever les restrictions d'accès à certaines salles.
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