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Ukraine : le leader de la Révolution orange est sanctionné lors des élections législatives ukrainiennes (mars 2006)


mardi 28 mars 2006

Des élections législatives se sont déroulées le 26 mars en Ukraine. Les Ukrainiens élisaient également leurs maires et leurs députés régionaux et locaux. La multiplicité des scrutins et le nombre important de formations politiques (cinquante-trois et sept mille six cent cinq candidats) qui y participaient ralentissent considérablement le dépouillement des bulletins de vote.

La participation s'est élevée à 70 % selon le responsable de la Commission électorale centrale, Iaroslav Davidovitch. Les sondages à la sortie des urnes et les premiers bulletins dépouillés placent le Parti des régions de Viktor Ianoukovitch en tête, devant le Bloc Timochenko, le parti Notre Ukraine du président Iouchtchenko venant largement derrière. Cf. Ukraine : malgré la poussée de l'opposition pro-russe, les premiers résultats des élections législatives donnent l'avantage aux partisans de la révolution orange, à condition qu'ils s'unissent (mars 2006).

"Le mauvais résultat de Notre Ukraine est un coup dur porté au Président de la République", estime le directeur du Centre des études politiques Penta, Volodymyr Fesenko. Le héros de la révolution orange de novembre-décembre 2004, triomphalement élu à la tête de l'Etat il y a quinze mois, est en effet le grand perdant de ces élections législatives. Cependant, rien n'est encore joué, aucune formation politique n'ayant obtenu de réelle majorité, les partis devront donc parvenir à s'unir pour former une coalition majoritaire leur permettant de gouverner. Au vu des résultats, plusieurs coalitions gouvernementales semblent possibles : une coalition orange unissant Notre Ukraine et le Bloc électoral Batkyvchina ou une coalition orange et bleue unissant les deux ennemis d'hier, Viktor Ioutchenko et Viktor Ianoukovicth. Cette dernière semble toutefois inenvisageable pour les partisans du Président de la République même si les analystes politiques n'écartent aucune solution.

"Deux scénarios sont possibles : soit un échec pour former un gouvernement et une dissolution du Parlement, soit un gouvernement dirigé par Ioulia Timochenko", affirme de son côté Hleb Vichlinski, du cabinet de consulting Cfk-USM. À la veille du scrutin, Oleg Ribatchouk, secrétaire général de la Présidence de la République, assurait que "la coalition envisagée ne pourrait être formée que sur la base de forces démocratiques, résolument pro-européennes et pro-atlantiques". "Demain, nous entamerons des consultations avec les forces politiques qui ont composé la coalition victorieuse lors de la Révolution orange. Nous parlons de réunir le maximum de forces démocratiques au sein d'une coalition. Je crois que la meilleure solution serait celle d'une nouvelle équipe orange", déclarait dimanche Viktor Iouchtchenko, en se rendant à son bureau de vote à Kiev. "Notre Ukraine a accepté le principe selon lequel le parti qui obtiendra le plus de voix, parmi les participants à la coalition, proposera sa candidature au poste de Premier ministre" a affirmé le chef de la campagne électorale de Notre Ukraine, Roman Bessmertny. "Notre Ukraine, est prête à signer un mémorandum sur la création d'une coalition avec le Bloc électoral Batkyvchina" a confirmé son adjoint, Roman Zvarytch. 

La réconciliation de Viktor Iouchtchenko avec Ioulia Timochenko aura cependant un prix. Cette dernière, qui se présente comme l'héritière naturelle des idéaux du régime né de la révolution orange, ne fait pas mystère de sa volonté de retrouver ses fonctions de Premier ministre, un poste dont elle avait été évincée par Viktor Ioutchenko le 8 septembre 2005 et dont elle fait dorénavant la condition de toute alliance. "Pour le bien du peuple, je ne confierai cette tâche à quiconque", a t-elle récemment déclaré. "Tout ce que je sais, c'est qui ne sera pas Premier ministre" avait alors affirmé Viktor Iouchtchenko.

Interrogée récemment sur Viktor Iouchtchenko et la possibilité pour elle de s'allier avec le Président de la République, Ioulia Timochenko a répondu : "J'ai de l'estime pour ses qualités humaines et politiques. Je ne le considère pas comme un ennemi. Mes relations avec lui sont bonnes et je lui fais confiance. Mais j'estime qu'en tant que Président de la République, il se doit de prendre une position claire et force est de constater qu'il se laisse influencer par son entourage. Or, presque tous ses conseillers ne visent qu'à obtenir un siège parlementaire sans se soucier des intérêts vitaux de l'Ukraine. Je suis prête à m'allier au Président que nous avons porté au pouvoir. Mais je ne suis pas disposée à soutenir son entourage". "Si le Président de la République refuse une telle nomination, il devra alors accepter Viktor Ianoukovitch comme Premier ministre" menace t-elle.

Unis, Notre Ukraine et le Bloc électoral Batkyvchina obtiendraient deux cent cinquante-cinq sièges au Parlement - soit la majorité absolue des 450 sièges de la Verkhovna Rada - contre 195 à une alliance Parti des régions-Parti communiste. 

Les difficultés socio-économiques et les divisions internes aux formations ayant soutenu la révolution orange auront finalement pesé lourd sur le Président de la République et permis aux forces de l'opposition emmenées par Viktor Ianoukovitch de s'imposer quinze mois après la révolution orange. L'ancien Premier ministre, proche de la Russie, a su exploiter tout au long de la campagne électorale les mauvais résultats économiques de l'équipe de la révolution orange. "Ils n'ont pas cessé de créer des crises que le peuple ukrainien s'efforce de surmonter. Peut-on gouverner un pays de la sorte, en trompant une partie de la population et en mettant l'autre à genoux ?", s'est-il interrogé en rappelant sans cesser de rappeler la forte croissance dont bénéficiait l'Ukraine lorsqu'il était Premier ministre.

"Notre victoire va ouvrir une nouvelle page dans l'histoire de l'Ukraine. Nous sommes prêts à travailler avec toutes les forces politiques élues au Parlement, pour le bien de notre pays, car il n'y a pas de compromis que nous ne sommes prêts à faire pour le calme, la stabilité et la renaissance de la puissance économique de l'Ukraine", a déclaré Viktor Ianoukovitch dès l'annonce des premiers résultats. En dépit de sa victoire, celui-ci se retrouve toutefois dans une situation quasiment identique à celle de Viktor Iouchtchenko, devant absolument s'allier avec d'autres formations pour retrouver le pouvoir.

La modification de la modification de la Constitution, qui a pris effet le 1er janvier dernier, a considérablement accru les pouvoirs du Parlement au détriment de ceux du Président de la République. Le Premier ministre, ainsi que la plupart des membres du gouvernement, à l'exception toutefois des ministres des Affaires étrangères et de la Défense, secteurs qui demeurent le domaine réservé du Président de la République, sont désignés par le Parlement. 

Enfin, ces élections législatives, surveillées par plus de 2 100 observateurs internationaux, sont les premières élections libres qu'a connu l'Ukraine depuis son accession à l'indépendance le 24 août 1991. Le Président de la République s'est d'ailleurs félicité des « premières élections honnêtes et démocratiques » ayant eu lieu dans le pays. "C'est un jour très important pour l'histoire de l'Ukraine. Le pouvoir a fait l'impossible pour que ce vote soit juste et pour la première fois, la majorité absolue des électeurs savent que les résultats reflètent véritablement leurs votes" a déclaré Viktor Iouchtchenko. L'Organisation pour la sécurité et la coopération en Europe (OSCE) s'est également félicité du déroulement du scrutin. "Les élections du 26 mars ne peuvent être décrites que comme libres et justes. Elles ont consolidé la percée dans l'organisation d'un processus électoral démocratique, lancée par la Révolution orange de 2004. L'Ukraine s'est établie solidement dans la famille des nations démocratiques" a déclaré le président de l'Assemblée parlementaire de l'organisation européenne, Alcee Hastings. 

Des discussions, qui ont débuté lundi 27 mars au siège de la Présidence de la République, devrait donc sortir la coalition capable de gouverner un pays qui, après avoir conquis sa liberté, a plus que jamais besoin de stabilité. Le Président de la République peut, dans les trente jours suivant les élections législatives, dissoudre le Conseil suprême si aucun accord n'a été trouvé entre les différentes formations.

 

Corinne Deloy/Fondation Robert Schuman - 27 mars 2006



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