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Géorgie : la vallée du haut Kodori, en Abkhazie, à nouveau sous le contrôle de Tbilissi (juillet 2006)


LE CHEF DE GUERRE LOCAL NE RECONNAISSAIT PLUS L'AUTORITÉ CENTRALE
dimanche 30 juillet 2006, par Mirian Méloua

La vallée du haut Kodori est une enclave au sein du territoire de l'Abkhazie sécessionniste, à population d'ethnie svane, accessible depuis la Svanétie (région de Géorgie) par une route montagneuse en mauvais état. Depuis 1992, une milice paramilitaire en assurait le contrôle, avec le soutien des autorités centrales de Tbilissi.

La milice paramilitaire Monadirébi (Les Chasseurs, en géorgien), commandée par Emzar Kvitsiani, a compté jusqu'à un millier d'hommes. Elle en compte 3 à 400 à mi-2006. Incorporée aux forces armées géorgiennes en 2002, elle en est écartée en 2005 par le nouveau ministre géorgien de la Défense, Irakli Okrouachvili.

Le film des événements

Le 22 juillet 2006, Emzar Kvitsiani annonce à la télévision géorgienne Rustavi-2 qu'il ne reconnait plus l'autorité de Tbilissi.

Le 23 juillet, la Présidente du Parlement géorgien, Nino Bourdjanadzé, originaire de Géorgie occidentale, déclare qu'Emzar Kvitsiani est en négociation avec le ministre de la Défense de l'Abkhazie sécessionniste, Soultan Sosnaliev et le Commandant des "forces de paix" russes en Abkhazie, Sergueï Tchaban. L'intéressé dément quelques heures plus tard,

Le 24 juillet, le Président de la République sécessionniste d'Abkhazie, Sergueï Bagapch, déclare qu'une intervention militaire géorgienne dans le haut Kodori serait une violation de l'accord de cessez-le-feu signé à Moscou en 1994.

Le 25 juillet, une opération est lancée par les ministères géorgiens de l'Intérieur et de la Défense.

Une agence russe annonce le mouvement vers le haut Kodori d'un convoi géorgien composé de 2 véhicules blindés, de 18 4x4 Niva et de 30 camions Kamas. Des sources géorgiennes estiment à 500 hommes le contingent envoyé, avec des hélicoptères à l'appui.

Le porte-parole de la présidence géorgienne déclare qu'il s'agit d'une opération anticriminelle qui n'a rien à voir avec des opérations militaires ou avec la guerre.

Les différentes oppositions politiques s'interrogent à Tbilissi sur l'usage de la force dans le haut Kodori, à l'exception de La Voie de la Géorgie, dont le chef de file est Salomé Zourabichvili qui déclare l'opération positive.

Le 26 juillet, des médias géorgiens rapportent que 4 soldats géorgiens ont été blessés et transportés à l'hôpital de Zougdidi (capitale de la région voisine de Mingrélie), que des combattants venus du Nord Caucase auraient tenté de se joindre à la milice d'Emzar Kvitsiani et qu'un hélicoptère des "forces de paix" russes aurait tenté de la ravitailler.

Une agence de presse russe informe que la milice paramilitaire a cessé sa résistance et s'est dispersée dans la forêt après avoir fait sauter un pont. Elle estime que l'effectif des troupes géorgiennes sur le terrain a été renforcé de 300 hommes.

A Tbilissi, le porte-parole présidentiel déclare que la quasi totalité des villages du haut Kodori, Sakeni, Omarichara le haut et le bas, Guentsvisi et Tchkhalta sont sous contrôle géorgien. Ce dernier village aurait été le lieu d'une forte opposition.

Le ministre d'Etat chargé de l'Intégration européenne, Guiorgui Baramidzé, affirme que les Services de Sécurité géorgiens ont intercepté un message radio d'Emzar Kvitsiani aux "forces de paix" russes demandant un hélicoptère pour son évacuation immédiate.

A Moscou, le ministre russe de la Défense, Sergueï Ivanov, déclare à la presse que les "forces de paix" russes ont pris position entre les troupes géorgiennes déployées dans le haut Kodori et les troupes abkhazes déployées dans le bas Kodori.

Le 27 juillet, le Président Saakachvili précise à la télévision qu'un civil a été tué, un pilote d'hélicoptère et plusieurs soldats géorgiens ont été blessés et accuse Emzar Kvitsiani de s'être rapproché du vice-ministre de la Défense de l'Abkhazie sécessionniste Gari Koupalba, celui qui jouait au football avec les têtes des Géorgiens décapités, durant la guerre de sécession en 1992.

Le ministère géorgien de l'Intérieur propose une prime de 50 000 dollars à toute personne qui fournirait des informations permettant l'arrestation d'Emzar Kvitsiani.

Le 28 juillet, le porte-parole du président géorgien informe d'Emzar Kvitsiani s'est réfugié à Soukhoumi, avec sa famille, d'où il accorde des interviews aux télévisions russes. Le stock d'armes et de munitions découvert dans le haut Kodori est estimé à 30 millions de dollars ; il ne s'expliquerait que par une filière de trafic illicite.

Le 29 juillet, les autorités abkhazes sécessionnistes démentent la présence d'Emzar Kvitsiani sur leur territoire.

A qui profite l'opération ?

L'hypothèse officielle géorgienne de retour à l'Etat de droit du haut-Kodori après la chute d'un chef de guerre local félon souffre de quelques interrogations.

Pourquoi ne pas avoir anticipé la réaction d'Emzar Kvitsiani, alors qu'il était prévisible que l'éviction de sa milice des forces armées géorgiennes mettrait le feu au poudre ? Les conditions nécessaires à l'opération n'étaient peut-être pas réunies. En particulier le clan des faucons, emmené par Irakli Okrouachvili, s'est récemment trouvé renforcé par la destitution de Goga Khaïndrava, ex-ministre d'Etat chargé des conflits.

La réaction de la Russie est restée relativement modérée. Peut-être a-t-elle eu préalablement connaissance du périmètre réel de l'opération géorgienne ? Merab Antadzé, nouveau ministre d'Etat chargé des conflits (et ancien vice-ministre des Affaires étrangères chargé des relations russo-géorgiennes) et Andréï Denisov vice-ministre russe des Affaires étrangères ont largement communiqué durant la crise. C'est une bonne nouvelle en soi pour la paix dans le Sud Caucase.

Par contre les relations abkhazo-géorgiennes se sont déteriorées. Poussant l'avantage acquis, le Président Saakachvili intronise le haut Kodori comme siège du gouvernement "légal" abkhaze, sur une terre abkhaze et non plus à Tbilissi ; ce gouvernement "légal" représente les 2 à 300 000 Géorgiens expulsés par la force d'Abkhazie en 1992. Il y maintient une force de l'ordre. Il y fait livrer 70 tonnes d'aide humanitaire. Il promet la réhabilitation de la route entre le haut Kodori et la haute Svanétie. Les hauts Kodoriens n'en demandaient pas tant. Les Abkhazes sécessionnistes ont vite identifié le Cheval de Troie que le président géorgien leur préparait et refusent désormais de s'asseoir à la table des rendez-vous hebdomadaires !

*

L'hypothèse d'une provocation de la Russie, soutenant en sous-main un chef de guerre maffieux, lui envoyant des renforts discrets, des armes et des munitions à partir du Nord Caucase est évidemment avancée à Tbilissi. Une fois de plus, il s'agirait de déstabiliser la Géorgie et de démontrer le caractère va-t-en-guerre de Mikheil Saakachvili. C'est possible, mais avec quel résultat : la Russie aurait subi un échec supplémentaire ! Difficile à croire.

Il est plus vraisemblable que chef de guerre aidant, et la Géorgie, et la Russie ont cherché à tirer avantage de la situation.

Une opération de force menée par la Géorgie, sur un territoire sous son contrôle, visant à rétablir l'Etat de droit et à réhabiliter une région déshéritée, ne pouvait que recevoir l'assentiment de la communauté internationale. De source géorgienne il est estimé que ce fut le cas le 27 juillet lorsque le Conseil de Sécurité des Nations Unies fut saisi de la question.

Une interposition des "forces de paix" russes entre les troupes géorgiennes et les troupes abkhazes répond exactement à la mission que la Russie s'est assignée dans cette région du monde et y justifie sa présence.

Il reste à Ezmar Kvitsiani à méditer sur le sort d'Aslan Abachidzé, autre chef de guerre éliminé du pouvoir par la Géorgie avec l'assentiment de la Russie. Les dirigeants sécessionnistes abkhazes et ossètes doivent-ils s'inquiéter pour autant ?

Mirian Méloua.

Voir aussi Géorgie : les racines de la crise abkhaze (mars 2004)



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