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Kirghizstan : état insurrectionnel, un gouvernement provisoire formé (avril 2010)


vendredi 9 avril 2010, par Nicolas Lévilidane

 

Le film des évènements


Mardi 6 avril 2010

3 000 personnes prennent le contrôle du bureau du gouverneur de Talas (ville de province, fief de l'opposition) et le retiennent en otage quelques heures. La mort du ministre de l'Intérieur, Moldomoussa Kongantiev, dans les affrontements est annoncée : l'information est démentie par les autorités kirghizes.

Mercredi 7 avril 2010

Selon l'agence de presse AFP, l'opposition manifeste pour la démission du président Kourmanbek Bakiev (1), dans différentes villes du pays, à Bichkek (la capitale), à Naryn, à Talas et à Tokmok.

A Bichkek, 100 000 personnes sont massées sur la place principale. Au moins 17 d'entre elles sont tuées dans les affrontements avec la police. L'opposant Temir Sariev est libéré (2). La télévision nationale est prise d'assaut, ainsi que le Parlement. Le rez-de-chaussée du siège du procureur général est en feu.

Dans l'après-midi, le procureur général, Nourlan Toursounkoulov, annonce l'interpellation de leaders de l'opposition, dont Omourbek Tekebaïev (ancien président du Parlement) et Almazbek Atambaïev (ancien Premier ministre).

Dans la soirée, les locaux présidentiels sont investis par les manifestants, et pillés, après que le président Bakiev ait quitté la capitale. Des magasins de la capitale sont également pillés.

Selon l'agence de presse Reuters, et sur la foi des médecins d'hôpitaux, des dizaines de cadavres, tués par balle, jonchent la capitale ; le nombre de blessés s'éleverait à 150.

Selon l'agence de presse russe Interfax, l'état d'urgence est proclamé par le Premier ministre Daniar Oussenov.

Jeudi 8 avril 2010

Les agences de presse, reprenant les propos du ministère kirghize de la Santé, annoncent dans la matinée 68 morts et 527 blessés. En début d'après-midi, il est porté à 75 morts et un millier de blessés.

Le président Bakiev aurait trouvé refuge dans le Sud du pays, à Djalal-Abad. Il tenterait de rassembler ses partisans dans une province qui lui est favorable.

Un gouvernement provisoire est formé par Rosa Otounbaïeva, ex-ministre des Affaires étrangères, à Bichkek. Daniar Oussenov lui remet sa démission après négociations, en particulier avec Temir Sariev.

Rosa Otounbaïeva déclare lors d'une conférence de presse que

-  cette structure politique s'acquitte désormais des devoirs présidentiels et gouvernementaux, pour une durée de six mois,

-  l'assemblée parlementaire est dissoute,

-  une nouvelle Constitution sera soumise à référendum,

-  des élections législatives "libres et justes" seront ensuite organisées.

Elle demande à la population de rester calme, "de ne pas céder à la provocation, ni de détruire ou piller les biens des citoyens ordinaires".

Le Premier ministre russe, Vladimir Poutine, dans un entretien téléphonique avec elle, propose l'aide de la Russie.

Vendredi 9 avril 2010

Le bilan des évènements est revu à la hausse, à 76 morts et 1 520 blessés. La journée est une journée de deuil dans la capitale Bichkek.

Le gouvernement délègue Almazbek Atambaïev, ancien Premier ministre et l'un des leaders de l'opposition, à Moscou afin de demander une aide économique à la Russie.

Il poursuit par ailleurs le frère du président. Janych Bakiev, chef de la garde présidentielle, en fuite, qui aurait donné l'ordre de tirer sur les manifestants.

Le président Kourmanbek Bakiev déclare dans une interview à l'agence de presse AFP "qu'il n'a pas donné cet ordre".

Il ajoute que son objectif principal est d'éviter une guerre civile et qu'il est prêt à négocier avec l'opposition. Il estime que la Russie et les Etats-Unis n'ont joué aucun rôle dans les évènements.  

Un profond mécontentement populaire


Après les espoirs soulevés par "la révolution des tulipes" en mars 2005, l'opposition accuse aujourd'hui le président Bakiev de dérive autoritaire, de népotisme, de corruption et de fraude électorale.

L'augmentation récente des taxes sur l'électricité et le téléphone, ainsi que les affrontements claniques traditionnels, ont tendu l'atmosphère politique kirghize depuis plusieurs mois.

Le Kirghizistan est l'un des Etats les plus pauvres d''Asie centrale, vivant essentiellement de l'agriculture et des produits dérivés (3).  

Le Kirghizistan, un enjeu géopoltique


La Russie possède plusieurs bases militaires au Kirghizistan (4).

Les Etats-Unis y loue la base aérienne de Manas, base arrière des opérations aériennes en Afghanistan : le gouvernement provisoire de Rosa Otounbaïeva s'est d'ailleurs empressé de déclarer que cette base restera à la disposition des Etats-Unis et de l'OTAN.

Il y a quelques mois encore, la France y faisait stationner ses avions de combat opérant en Afghanistan, ainsi que la logistique nécessaire.

Bien que ne produisant pas d'hydrocarbures, le Kirghizistan intéresse la Chine comme tous les Etats d'Asie centrale ayant appartenu à l'ex-URSS : la proximité de sa province Ouest, le Xingjiang, musulmane comme ces Etats, pourrait être un facteur de déstabilisation du territoire chinois (5).  

Notes



-  (1) Kourmanbek Bakiev a pris le pouvoir en mars 2005 suite à des manifestations de rue, "la révolution des tulipes", renversant l'ex-président Akaev. Voir Kirghizstan : après la victoire de son camp aux législatives, le président Akaev fait face à des manifestations populaires inspirées par les "révolutions de velours".

-  (2) L'opposant Temir Sariev déclare le 7 avril à une radio indépendante "qu'un accord avec les autorités serait possible, à condition de cesser de faire tirer sur les citoyens et de libérer les chefs de l'opposition arrêtés".

-  (3) Le Produit Intérieur Brut du Kirghizistan par habitant est de l'ordre de 350 dollars.

-  (4) Le président de la Fédération de Russie, Dmitri Medvedev, déclare le 8 avril "Le Kirghizstan a été et reste un partenaire stratégique de la Russie, et nous observons donc la situation dans cette république avec une attention particulière".

-  (5) Le Kirghizstan fait partie de l'Organisation de coopération de Shanghaï réunissant la Chine et la Russie, mais aussi le Kazakhstan, l'Ouzbékistan et le Tadjikistan. Voir Réunion à Bichkek du Groupe de Shanghaï (OCS) : mobilisation générale contre le terrorisme (2004).

Voir aussi Fiche technique Kirghizstan (septembre 2008)



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