Kirghizstan : Rosa Otounbaïeva, chef du gouvernement provisoire (avril 2010)
ROZA OTUNBAIEVA
mardi 13 avril 2010, par Nicolas Lévilidane
Rosa Otounbaïeva est née en 1960 à Och, au Sud du Kirghizstan.
Une carrière soviétique
Elle commence sa carrière au Parti communiste et dans la diplomatie soviétique, en Malaisie notamment .
Elle dirige la délégation de l'URSS à l'UNESCO, avant de rejoindre le ministère des Affaires étrangères à Moscou.
Une carrière kirghize
Après l'effondrement de l'URSS et la proclamation de l'indépendance du Kirghizstan, elle retourne dans son pays d'origine : elle est nommée tour à tour
ministre des Affaires étrangères,
vice-premier ministre des Affaires sociales,
ambassadeur à Washington,
à nouveau ministre des Affaires étrangères (1994),
ambassadeur à Londres (1997).
Une étape aux Nations Unies
Ensuite, elle rejoint les Nations Unies pour y travailler sur des missions de paix. et est en particulier envoyée en Géorgie durant deux années et demie.
Le retour au Kirghizstan
Elle retourne au Kighizstan en 2004 et crée le mouvement d'opposition "Ata-Jurt".
En mars 2005, elle participe activement à la "Révolution des tulipes", sur les modèles de "La Révolution de velours" de Kiev et de "La Révolution des Roses" à Tbilissi : elle concourt au renversement du président Askar Akaiev, qui se réfugie en Russie.
Le nouveau président élu, Kourmanbek Bakiev, la nomme ministre des Affaires étrangères pour la 4ème fois (1).
Mais rapidement, elle rejoint l'opposition, reprochant au nouveau président le despotisme, le népotisme, la corruption et la fraude électorale.
Le 7 avril 2010, à la suite d'une insurrection populaire ayant conduit à 76 morts et 1 520 blessés, le président Bakiev prend la fuite dans le Sud du Kirghizstan et les différents chefs de l'opposition la nomme chef d'un gouvernement provisoire, pour une durée de 6 mois (2).
Une mission délicate pour Rosa Otounbaieva
Elle affiche rapidement les objectifs intérieurs de son gouvernement provisoire :
rétablir la confiance dans le pays,
prendre les mesures d'urgence sur le plan économique afin de soulager la situation précaire de plus de 50% de la population kirghize,
élaborer une nouvelle Constitution de type parlementaire afin d'éviter les dérives despotiques, et la soumettre à référendum,
organiser des élections législatives conformes aux standards internationaux.
Mais elle se garde de changer quoi que soit aux engagements internationaux de son pays.
Le Premier ministre russe Vladimir Poutine et la secrétaire d'Etat américaine Hillary Clinton prennent contact avec elle dans les premières heures et reconnaissent ainsi de facto son gouvernement.
Pour le Premier ministre russe, il s'agit certainement de signifier la disgrâce du président Kourmanbek Bakiev qui avait eu tort d'accueillir une base américaine sur son territoire : il propose une aide humanitaire au peuple kirghize et accepte de recevoir en urgence "le numéro deux" du gouvernement provisoire, Almazbek Atambaïev, afin d'étudier une aide plus large -financière et économique-.
Pour la secrétaire d'Etat américaine, il s'agit de s'assurer que la mise à disposition de la base militaire de Manas, base arrière de toutes les opérations de l'OTAN en Afghanistan, reste d'actualité, : Rosa Otounbaïeva s'empresse de confirmer publiquement.
*
Sa nomination à la tête du gouvernement provisoire kirghize donne une visibilité internationale à ce dernier.
Elle rassure la diplomatie russe par son passé professionnel au sein du ministère soviétique des Affaires étrangères, elle rassure la diplomatie américaine par son passé professionnel au sein des Nations Unies et par son attachement déclaré aux valeurs des droits de l'homme.
Pourtant Rosa Otounbaïeva n'échappera pas, comme ses prédécesseurs, à une navigation entre "l'amitié russe" omniprésente par l'intermédiaire de bases militaires et d'intérêts économiques russes au Kirghizstan, "l'amité américaine" symbolisée par la location de la base militaire de Manas rapportant des millions de dollars chaque année et l'aspiration d'une population à se tourner définitivement vers une ouverture mondiale, sans oublier "l'amitié chinoise" qui veille le long des frontières.
"Etranger proche" de la Russie et de la Chine, territoire stratégique pour les Etats-Unis, le Kirghizstan possède toutes les caractéristiques "des pays à souveraineté limitée" dont Moscou tient à s'entourer selon la doctrine du duo Dmitri Medvedev / Vladimir Poutine : leur succès de nature différente en Géorgie et en Ukraine, invasion pour la première et soutien d'un président ami pour la seconde ne peut laisser les nouveaux dirigeants kirghizes indifférents.
S'il peut être imaginé que Washington s'en désintéressera dès le désengagement effectif en Afghanistan, Pékin ne devrait pas cette fois laisser faire.
La mission de Rosa Otounbaeïva n'en est que plus délicate.
Notes :
(1) Composition du gouvernement intérimaire de la République kirghize (avril 2005)
(2) Kirghizstan : état insurrectionnel, un gouvernement provisoire formé (avril 2010)
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