2ème anniversaire de la guerre entre la Russie et la Géorgie (août 2010)
jeudi 16 septembre 2010
Deux années après le déclenchement de la guerre éclair entre la Russie et la Géorgie, le 8 août 2008, l'évolution sur le terrain conduit à une situation de séparation de plus en plus marquée entre l'Abkhazie et l'Ossétie du Sud d'une part, la Géorgie de l'autre. Côté régions séparatistes, les troupes russes se sont installées et ont obtenu l'agrément des autorités de construire des bases militaires : les observateurs civils de l'Union européenne n'y ont pas accès. Côté Géorgie, les 250 observateurs civils "observent" ; leur mission a été reconduite jusqu'en septembre 2011. Sur la forme, ils constituent la première force internationale à "reconnaître" implicitement ces nouvelles frontières. Sur le fond, ils "garantissent" qu'aucune des parties n'emploiera à nouveau la force militaire.
Les personnes déplacées
Ni les 222 000 Géorgiens déplacés d'Abkhazie et d'Ossétie du Sud par les conflits des années 1990,ni les 26 000 Géorgiens déplacés par le conflit de 2008 n'entrevoient aujourd'hui un espoir de retour. Après les secours d'urgence reçus, des ONG internationales ont pris le relais, mais leur sort reste précaire. Les quelques milliers de Géorgiens vivant encore en Abkhazie, dans le district de Gali, voient leur situation rendue de plus en plus difficile par la fermeture de la frontière ; refusant de prendre un passeport abkhaze de peur de perdre leur nationalité géorgienne, ils n'ont pu participer aux élections présidentielles de fin 2009. Leur situation se marginalise.
Les aspects de politique interne
En Russie, la question géorgienne est considérée comme "normalisée". Si les attaques personnelles contre le président géorgien Mikheil Saakachvili continuent, les partis de la majorité présidentielle ont pris langue avec des partis géorgiens d'opposition (l'ancienne présidente du Parlement et un Premier ministre en particulier). On attribue parfois à ces contacts la libération d'adolescents sud ossètes capturés en Géorgie et d'adolescents géorgiens capturés en Ossétie du Sud.
En Géorgie, les dernières élections locales ont démontré que ces opposants représentaient peu de poids. Le sentiment national défavorable à la Russie, entretenu par deux siècles de tentatives de russification, reste majoritaire. L'élite géorgienne -majorité présidentielle et grande part de l'opposition- se tourne encore un peu plus vers l'Union européenne. La destruction de symboles de l'époque soviétique, le déplacement d'une statue géante de Staline, l'institution d'une journée à la mémoire des victimes de l'entrée de l'Armée rouge à Tbilissi en 1921 ainsi que d'une journée à la mémoire des victimes des régimes totalitaires (date anniversaire du pacte germano-soviétique de 1939, accord Ribbentrop - Molotov) illustrent la volonté géorgienne de faire table rase de l'héritage soviétique et irritent parfois les milieux moscovites.
Le sentiment national défavorable à la Russie, entretenu par deux siècles de tentatives de russification, reste majoritaire. L'élite géorgienne -majorité présidentielle et grande part de l'opposition- se tourne encore un peu plus vers l'Union européenne. Un jeune universitaire géorgien, formé dans l'enseignement secondaire et supérieur français, a été nommé vice-ministre des Affaires étrangères en juin 2010, afin d'engager les négociations avec Bruxelles sur le contenu du Partenariat oriental (association économique et libre circulation des personnes). L'apprentissage de la langue anglaise a été déclaré obligatoire dans les écoles primaires géorgiennes le 15 septembre 2010, même si les professeurs sont encore loin d'être opérationnels. La langue russe sera vite oubliée.
Les aspects militaires
Les armes se sont tues. La Géorgie a diminué drastiquement son budget défense, mais elle entretient une partie de son armée aux normes professionnelles de l'OTAN. Un millier de ses vingt-cinq mille hommes est présent en Afghanistan, comme leurs aînés étaient présents en Irak. Ses moyens en blindés et en aéronefs restent ceux d'un pays de 4 millions d'habitants.
La Russie avance discrètement ses pions militaires sur l'échiquier du Sud Caucase.
L'Ossétie du Nord, l'une des républiques du Nord Caucase les plus fidèles à Moscou, abrite à Vladikavkaz le commandement des forces russes dans le Caucase, hors forces spéciales déployées en Tchétchénie : il a été réformé, suite aux leçons de la guerre d'août 2008.
L'Ukraine a prolongé en avril le bail de la base navale russe de Sébastopol jusqu'en 2042 :la trentaine de bâtiments affectés, dont deux croiseurs, a pour mission de contrôler une partie de la mer Noire.
L'Abkhazie disposait déjà d'une base militaire soviétique -jamais évacuée-, à Goudaouta, elle disposera désormais d'une deuxième base militaire russe, et devrait accueillir 3 000 hommes de troupe. Elle est dotée du système russe de missiles sol-air S-300 d'une portée de 140 kilomètres : la confirmation officielle en a été apportée en août 2010. L'accord pour la construction d'une base navale à Otchamtchira a été donné en 2009 par les autorités abkhazes. Le déploiement de garde-côtes et de garde-frontières russes aux limites du territoire abkhaze est terminé.
L'Ossétie du Sud voit la construction d'une base militaire russe ; 2 000 hommes de troupe sont présents ainsi qu'un système de défense antiaérien DCA de type "Bouk" : le système S-300 est certainement inadapté au transit par le tunnel de Roki -seule voie de communication avec la Russie- et au relief de la région. Le déploiement de garde-frontières russes est également terminé.
L'Arménie a prolongé en août 2010 le bail de la base militaire de Goumri jusqu'en 2044 : 3 000 hommes de troupe y sont installés . un système russe de missiles sol-air S-300 est en cours d'implantation ; la zone d'opérabilité de la base est étendue au-delà du territoire arménien. Des gardes russes sont déployés aux frontières arméniennes.
Malgré l'absence de confirmation officielle, les experts militaires occidentaux estiment que l'Azerbaïdjan a acquit le système russe de missiles sol-air, pour environ 500 millions de dollars.
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Il n'en reste pas moins vrai que les populations abkhazes et sud ossètes, aussi bien que la population géorgienne, auraient préféré voir se développer les investissements nécessaires au développement de la région plutôt qu'à celui des arsenaux militaires.
M.M.
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Voir aussi tensions préalables, forces militaires en présence, déroulement des opérations, cessez-le-feu, conséquences de court terme pour les populations concernées et conséquences politiques :
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