Mission européenne à haut risque en Géorgie (novembre 2011)
jeudi 10 novembre 2011, par Julien Arnoult
A la suite de la guerre russo-géorgienne d'août 2008, l'Union européenne a mis sur pied une mission de surveillance dans la république caucasienne. Elle y affirme son rôle dans une région difficile qui est un véritable carrefour ethnique, religieux, mais aussi énergétique entre l'Europe et l'Asie.
En reconduisant le mandat de sa mission de surveillance le 13 septembre 2011, le Conseil européen a réaffirmé vouloir "contribuer à la stabilité de toute la Géorgie et aux alentours". La tâche de l'Union européenne (UE) est toujours ardue puisque l'ancienne république soviétique a perdu le contrôle de l'Abkhazie et de l'Ossétie du Sud en 1992, après l'éclatement de l'URSS. Ces deux régions autonomes, soutenues par la Russie, ont proclamé leur indépendance, mais elles restent, au regard du droit international, parties intégrantes du territoire géorgien.
Le rôle de la mission de surveillance est de faire respecter les six points du plan de paix signé entre les présidents Dmitri Medvedev et Nicolas Sarkozy (la France exerçait alors la présidence de l'UE) le 1er août 2008. Il s'agit de cesser toutes les opérations militaires, de ne pas recourir à la force, de donner libre accès à l'aide humanitaire, d'organiser le retour des troupes géorgiennes dans leurs bases permanentes, de retirer les forces russes des deux régions séparatistes et de négocier le statut des deux nouveaux "Etats" abkhaze et sud-ossète.
Cette mission est également délicate à mettre en oeuvre. En effet, la Russie, membre du Conseil de sécurité de l'ONU, émet des réserves, car elle est impliquée militairement dans le conflit. D'où le caractère "civil" de la mission. Trois ans après la fin des hostilités, les troupes russes sont toujours présentes dans les républiques sécéssionnistes dont le statut dépend du bon vouloir du grand frère slave. Surtout, la mission de surveillance est bloquée dans ses moyens d'action. Bien que son mandat couvre l'ensemble du territoire géorgien reconnu internationalement, elle ne peut pénétrer en Abkhazie et en Ossétie du Sud.
Sur le plan humanitaire, elle se limite à écouter les doléances des réfugiés, suscitant souvent l'incompréhension de ces 500 000 personnes. Si certains sont relogés dans des maisonnettes en dur, d'autres vivent dans un grand dénuement (absence de chauffage et souvent de toilettes), parfois depuis 1991-1992 (date des premiers conflits dans les républiques séparatistes), avec seulement 10 euros par individu et par mois pour vivre.
Le passé communiste n'est pas à négliger et il détermine souvent l'engagement de certains pays de l'UE. Parmi les 310 observateurs que la mission de surveillance compte en août 2011, l'effectif engagé par les pays sortis du giron soviétique est important et reflète leur implication. Si l'Allemagne fournit le plus gros contingent (36), la Roumanie arrive deuxième (29) et la Pologne cinquième (24). Cet engagement fait d'ailleurs écho au programme chargé de la présidence polonaise de l'UE à destination des anciens "pays frères" et montre que l'Europe n'est pas prête à abandonner la Géorgie aux schémas du temps de la guerre froide.
Julien Arnoult (doctorant, Université Panthéon-Assas Paris II) a effectué une mission sur le terrain à l'été 2011.
Texte paru dans le numéro 8 (novembre-décembre 2011) de CARTO, Le Monde en Cartes.
Note : l'effectif des personnes déplacées à l'intérieur du territoire géorgien par les conflits armés des années 1990 et 2000 varie en fonction des sources. Les organisations non gouvernementales internationales l'évaluent souvent entre 250 et 300 000.
Voir aussi
Conférence : "La mission de contrôle de l'Union européenne en Géorgie" (EUMM)
L'échec de l'Union européenne en Géorgie présage-t-il d'autres échecs face à la Russie ? par Nicolas LEVILIDANE (décembre 2008)
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