L'ouzbékistan frappé par une vague d'attentats
mercredi 28 avril 2004, par Guillaume Lecoque
Après une série d'attentats meurtriers, le pouvoir ouzbèke traque les terroristes aussi bien que l'opposition.
Depuis le dimanche 28 mars, des attentats-suicides dans la capitale, Tashkent, des attaques à l'arme automatique et des opérations de police menées contre les auteurs supposés de ces actions, ont provoqué la mort d'une quarantaine de personnes - dont une trentaine de terroristes présumés.
La plupart des attaques (certaines perpétrées pour la première fois par des femmes) ont visé les forces policières, et les autorités ont mis en cause les islamistes radicaux, ajoutant que les attaques avaient sans doute été coordonnées de l'étranger.
En réaction, la plus peuplée des républiques de l'Asie centrale ex-soviétique (26 millions d'habitants) a fermé ses frontières avec le Tadjikistan, d'où les autorités craignent l'infiltration de groupes extrémistes, et le Kirghizstan. Les portes des écoles et des universités devraient aussi rester closes pour un temps encore indéterminé.
A la tête d'un régime autoritaire régulièrement mis à l'index par les mouvements de défense des droits de l'homme, le président Islam Karimov compte parmi les alliés les plus fidèles de Washington en Asie centrale. L'Ouzbékistan a notamment mis une base aérienne stratégique à la disposition des forces américaines qui entretiennent un contingent de mille hommes sur place. Les défenseurs des libertés craignent que le pouvoir ouzbek n'en profite pour procéder à des arrestations massives dans les milieux de l'opposition islamique. Les autorités accusent le parti islamiste du Hizb-U-Tahrir (le Parti de libération islamique), interdit en Ouzbékistan et au Tadjikistan voisin, d'être impliqué dans les attentats. Ce que ce parti a démenti dans un communiqué émis depuis Londres. Le Hizb-U-Tahrir prône l'instauration d'un "califat" en Asie centrale et ignore la voie démocratique, mais se déclare en même temps non violent.
De ce fait, les soupçons se tournent également vers une autre organisation à l'idéologie similaire, mais pratiquant résolument la lutte armée, le Mouvement islamique d'Ouzbékistan (MIO), dont les principales forces, après avoir combattu au Tadjikistan lors de la guerre civile des années 1990, s'étaient retrouvées en Afghanistan aux côtés des talibans. Déjà accusé d'être à l'origine des attentats de 1999, qui avaient fait seize morts à Tachkent, le MIO a refait parler de lui avec l'annonce récente par le Pakistan qu'un des chefs de ce mouvement, Tahir Iouldachev, se trouvait parmi le groupe de militants affiliés à Al-Qaida que l'armée pakistanaise a tenté d'éliminer dans la zone tribale du Waziristan (ouest du Pakistan, zone frontalière de l'Afghanistan).
L'Ouzbékistan a demandé au Pakistan la livraison des combattants d'origine ouzbèque. Toutefois les extraditions vers Tachkent restent problématiques, car cet Etat est réputé pour sa pratique de la torture. Récemment une sexagénaire ouzbèque, Fatima Moukhadirova, a été condamnée à six ans de prison pour avoir protesté publiquement contre la mort de son fils, un présumé islamiste, décédé des suites des tortures pratiquées dans la terrible prison de Jaslyk.
La séxagénaire a finalement été libérée grâce à la mobilisation des organisations de défense des droits de l'homme, dont la Ligue Internationale des Droits de l'Homme (ILHR), et Human Rights Watch, alors que Donald Rumsfeld, le secrétaire américain à la défense, était en visite dans la région.
GL.
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