Vladimir Poutine sur le chemin des records soviétiques en termes de durée de pouvoir (octobre 2011)
vendredi 14 octobre 2011, par Nicolas Lévilidane
Le 24 septembre 2011, Vladimir Poutine annonce qu'un arrangement avait été conclu avec Dmitri Medvedev en 2008 :
après le deuxième et dernier mandat consécutif de V. Poutine à la présidence de la Fédération de Russie, D. Medvedev devenait pour quatre années président et V. Poutine Premier ministre avec des pouvoirs élargis,
en 2012 , V.Poutine reviendrait à la présidence avec la possibilité de remplir à nouveau deux mandats consécutifs (portés chacun à 6 années) et D. Medvedev deviendrait Premier ministre.
Au total Vladimir Poutine est ainsi en position d'exercer le pouvoir de 2000 à 2024 (1), soit plus longtemps que Leonid Brejnev (18 années), se rapprochant du record absolu de Joseph Staline (30 années).
"Le clan Poutine"
La classe politique russe s'est rangée à la pratique du pouvoir de Vladimir Poutine. Ceux qui n'ont pas manifesté suffisamment de zéle, comme le maire de Moscou Iouri Loujkov (2),, les gouverneurs de province ou le ministre des finances Alexis Koudrine ont été limogés.
Les rares opposants politiques, dits "libéraux", n'ont pu faire enregistrer administrativement leur parti et participer -de manière récurrente- aux différentes élections.
Les oligarques russes, enrichis lors des privatisations des années quatre-vingt dix, ont bien compris le risque que présentait "le clan Poutine" et se sont exilés à l'étranger (3). Ceux qui s'y sont opposés ont eu les reins cassés et sont emprisonnés (Mikhaïl Khodorovski) .
Une opinion publique sous contrôle
La population de la Fédération de Russie s'est fragmentée en différents segments et vit diversement l'appropriation du pouvoir par "le clan Poutine".
Les tenants du pouvoir, privilégiés ou aspirants aux privilèges, membres du parti "Russie unie", bénéficiant ou aspirant à bénéficier de la corruption, animent les congrès et les campagnes électorales.
Les émigrés à l'étranger et les candidats à l'émigration, généralement porteurs de savoir, dont le nombre augmente année après année, recherchent d'abord un meilleur sort et des destins individuels.
La population d'ethnie slave, subissant "la verticale du pouvoir" et "les hommes à épaulettes" depuis douze années, peu concernée par le jeu politique, informée unilatéralement, dont le nombre diminue année après année (-10% d'ici 2025) suite à un grave problème démographique (4), cherche le plus souvent à survivre économiquement et reste particulièrement sensible aux arguments panslavistes.
Les immigrés, généralement musulmans, de l'intérieur (républiques autonomes de la Fédération de Russie comme celles du Nord Caucase) ou de l'extérieur (ex-républiques d'URSS comme celles d'Asie centrale ou d'Azerbaïdjan), auxquels s'ajoutent les immigrés arméniens et géorgiens, tous employés aux tâches de labeur (parfois clandestinement), dont le nombre augmente année après année, se situent loin des préoccupations politiques sauf pour une faible minorité.
Qu'elles soient présidentielles ou législatives, les élections réservent peu de surprise . "Les candidats officiels" déclarés bénéficient du support de tous les médias et ont toutes les chances de gagner, même si une place est laissée aux représentants du parti communiste russe et aux représentants du parti ultra-nationaliste russe au sein de la Douma.
Un pouvoir assis sur les exportations
Tant que les exportations de matières premières nourriront son budget (80% des revenus proviennent du gaz et du pétrole), la Fédération de Russie pourra maintenir son économie à flot, quitte à consacrer plus à la modernisation de son armée (5) qu'à celle de ses infrastrutures (6) et au déficit de son système social (7).
"L'illusion medvedevienne"
L'idée d'un jeune président russe moderniste et ouvert, Dmitri Medvedev, qu'il fallait aider à prendre le pas sur un Premier ministre conservateur et peu enclin à l'ouverture, Vladimir Poutine, avancée par les chancelleries occidentales (en particulier par la France) a fait long feu.
"Le clan Poutine" est au pouvoir depuis douze années et il entend bien y rester encore douze années supplémentaires : son veto au Conseil de sécurité des Nations unies à toute condamnation de la dictature syrienne protège certainement un pays client de ses exportations d'armes, mais surtout envoie un signal fort : "Que les Nations unies ne se mêlent pas des affaires intérieures des pays membres, en particulier celles de la Fédération de Russie !".
"Le printemps russe" n'est pas pour demain.
Notes .
(1) Vladimir Poutine aura 72 ans en 2024, c'est à dire l'âge actuel de son ami Silvio Berlusconi.
(2) Iouri Loujkov, ancien maire de Moscou, limogé après 18 ans de règne (septembre 2010)
(3) 31 milliards de dollars de capitaux russes ont quitté la Fédération de Russie au 1er semestre 2011, préférant s'investir à l'étranger au détriment de l'économie russe.
(4) Russie : perte de 24 millions d'habitants d'ici 2050
(5) La modernisation de l'armée russe devrait coûter 65 milliards de dollars d'ici 2014. Voir L'armée russe, une difficile modernisation (mars 2009).
(6) Les catastrophes aériennes et fluviales se sont multipliées en 2011. Les incendies del'été 2011 auraient fait trois fois plus de dégâts que ceux de l'été 2010. Voir Russie : course au profit, corruption et obsolescence technique dans les transports (2011) et Russie : les effets de la canicule estimés à 300 milliards de dollars (2010).
(7) Le déficit du système de retraite se creuse et atteint 31 milliards de dollars.
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