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Géorgie/Ossétie du Sud : Washington met Moscou sous pression à l'OSCE (2005)
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LE DÉSACCORD RUSSO-GÉORGIEN PERSISTE

mercredi 7 décembre 2005, par Mirian Méloua

L'implication de Washington dans la résolution du conflit en Ossétie du Sud est certainement plus forte qu'il n'y parait. Région autonome de Géorgie comme par le passé, république autonome au sein d'une Fédération de Géorgie, république indépendante de plein droit ou fusion avec la république soeur du nord au sein de la Fédération de Russie, quelle sera la solution à terme ? La Fédération de Russie aura-t-elle indéfiniment intérêt à soutenir la sécession de l'Ossétie du Sud vis-à-vis de la Géorgie ? Les quelques dizaines de milliers d'Ossètes du Sud ne sont-ils pas l'enjeu d'un combat parfois loin de leurs intérêts ? Les interrogations sont multiples, le sommet de l'OSCE à Ljubljana les 5 et 6 décembre a fait évoluer les positions des uns et des autres.

La Géorgie intensifie ses efforts diplomatiques afin de faire prendre en compte son plan de paix pour l'Ossétie du Sud. Après la proposition aux Nations Unies d'un "Plan en 3 étapes" (démilitarisation, retour à la confiance et amélioration des paramètres sociaux économiques, définition d'un statut politique) par le président Mikhaïl Saakachvili en septembre 2004, après les précisions apportées à l'Assemblée Parlementaire du Conseil de l'Europe en janvier 2005, c'était au tour du premier ministre Zourab Noghaïdéli de détailler le contenu du "Plan d'Action" au conseil permanent de l'OSCE en octobre et à celui du ministre des Affaires étrangères Guéla Béjouachvili au sommet de l'OSCE en décembre.

Moscou, 29 septembre. Valéry Lotchinine, ministre adjoint des Affaires étrangères, et Williams Burns, ambassadeur américain, s'entretiennent des derniers regains de tension dans la république autoproclamée d'Ossétie du Sud et enjoignent les béligérants d'exclure toute solution militaire.

Tbilissi, 20 octobre. Mikhaïl Saakachvili déclare que les Etats-Unis prendront de nouvelles initiatives concernant la paix en Ossétie du Sud lors du sommet des ministres des Affaires étrangères de l'OSCE présidé par le slovène Dimitri Rupel, à Ljubljana, le 6 décembre.

Washington, 21 au 25 octobre. Zourab Noghaïdéli visite les Etats-Unis, la Maison Blanche et le Département d'Etat ; il soumet en particulier les propositions géorgiennes sur l'Ossétie du Sud.

Moscou, 24 et 25 octobre. La Commission quadripartie (Géorgie, Ossétie du Sud, Ossétie du Nord, Russie) se réunit en présence des représentants de l'OSCE et prend connaissance des propositions géorgiennes. Le représentant de la Russie, Valéry Kényaikine, marque publiquement son intérêt, "malgré des débats chauds".

Vienne, 27 octobre. Zourab Noghaïdéli présente au conseil permanent de l'OSCE la proposition de Plan d'Action de la Géorgie.

Elle comporte les objectifs suivants pour 2005 :
-  Mise en place de nouvelles structures de négociation (Géorgie, Ossétie du Sud, Fédération de Russie, OSCE, Union Européenne et Etats-Unis),
-  Exposé du Plan d'Action au sommet des ministres des Affaires étrangères de l'OSCE le 6 décembre à Ljubljana,
-  Acceptation par toutes les parties du principe de retour à l'Etat de droit dans la région,
-  Acceptation par toutes les parties du principe de contacts directs entre ONG ossètes et autorités géorgiennes,
-  Acceptation par toutes les parties du principe du dialogue direct et de réunions biparties entre autorités ossètes et autorités géorgiennes,
-  Réactivation des accords de Baden (juillet 2000), basés sur le principe de relations politiques égales entre les autorités ossètes et les autorités géorgiennes, et sur le respect de l'intégrité territoriale géorgienne.

Elle conduit à différents axes de travail en 2006 :
-  Négocier sur le fond, dans le cadre des nouvelles structures,
-  Négocier sur le contrôle des frontières, notamment le tunnel de Roki séparant la république d'Ossétie du Nord au sein de la Fédération de Russie et la république autoproclamée d'Ossétie du Sud,
-  Engager la démilitarisation de la région,
-  Engager le retour à l'Etat de droit dans la région,
-  Créer un fond de réhabilitation avec la participation de l'OSCE, de l'Union Européenne, des Etats-unis et de la Fédération de Russie,
-  Créer une zone franche fiscale dans la région,
-  Mettre en place une commission d'enquête sur les crimes commis durant le conflit de 1991 - 1992,
-  Renforcer la culture ossète par la création de manifestations et de jours fériés spécifiques,
-  Conclure un accord sur le statut de l'Ossétie du Sud,
-  Créer une structure pour contrôler la mise en place de l'accord.

Washington, 28 octobre. Le Département d'Etat américain se félicite du plan de paix proposé par la Géorgie afin de résoudre le conflit en Ossétie du Sud. Il se dit prêt "à coopérer avec les Etats membres de l'OSCE pour construire une relation de confiance, encourager le développement économique, asseoir le processus de paix et de prospérité, et aboutir à une situation garantissant l'autonomie des Ossètes du Sud à l'intérieur d'une Géorgie unifiée".

Tbilissi, 28 octobre. Guiorgui Khaïndrava, ministre d'Etat chargé des conflits et représentant la Géorgie à la Commission quadripartie (il occupait déjà cette fonction sous la présidence d'Edouard Chévardnadzé) estime qu'un vent nouveau a soufflé lors de la dernière réunion, malgré la position négative de Tskhinvali et de Moscou sur le changement de structure de négociation.

Tbilissi, 30 octobre. Guéla Béjouachvili déclare que les Etats-Unis et l'Union Européenne soutiennent les efforts de paix de la Géorgie pour l'Ossétie du Sud.

Ljubljana, 16 novembre. Le président de l'OSCE, Dimitri Rupel, ministre slovène des Affaires étrangères, ouvre la réunion de la Commission quadripartie. La nécessité d'une rencontre entre le premier ministre géorgien et le président de l'Ossétie du Sud, Edouard Kokoev, est rejetée par l'Ossétie du Sud et par la Fédération de Russie. La nécessité d'une rencontre entre le président russe, Vladimir Poutine, et le président géorgien, avec la participation des plus hauts représentants de l'Ossétie du Nord et de l'Ossétie du Sud est rejetée par la Géorgie.

Moscou, 2 décembre. Le ministère russe des Affaires étrangères publie une déclaration s'étonnant que le "Plan en 3 étapes" proposé par Mikhaïl Saakachvili en septembre 2004 et le "Plan d'Action" proposé par Zourab Noghaïdéli ne coïncident pas.

Ljubljana, 5 décembre. Sergueï Lavrov, ministre russe des Affaires étrangères, déclare au sommet de l'OSCE que "l'incapacité à engager un dialogue réel avec les représentants des républiques autoproclamées est la raison majeure de la persistance des conflits intéressant l'OSCE". Le ministre russe et le ministre géorgien des Affaires étrangères s'entretiennent en marge du sommet.

Moscou, 5 décembre. Le ministère russe des Affaires étrangères rejette officiellement le Plan d'Action de la Géorgie pour l'Ossétie du Sud. Mikhaïl Kaminine, porte-parole, déclare que le changement de structure de négociation et l'objectif de date à fin 2006 en constituent les faiblesses principales.

Ergneti (Ossétie du Sud), 5 décembre. Viatcheslav Koudziev, adjoint au chef de la police ossète d'Artsévi, est arrêté par la police militaire géorgienne. Irakli Okrouachvili, ministre géorgien de la défense, déclare que "le ressortissant ossète est membre d'un groupe de criminels impliqué dans la contrefaçon de dollars et qu'un autre complice a déjà été arrêté". Il sera condamné à trois mois de détention préventive par un tribunal de Tbilissi.

Ljubljana, 6 décembre. Les 55 membres de l'OSCE votent une résolution générale rappelant l'intégrité territoriale de la Géorgie, la nécessité d'une solution pacifique au conflit en Ossétie du Sud et saluant les propositions de paix initiées par le président géorgien devant les Nations Unies en septembre 2004. Elle souligne le besoin d'accroître l'efficacité des mécanismes de négociation.

Dménisi (Ossétie du Nord), 6 décembre. Vingt civils et quatre policiers géorgiens sont arrêtés par la police ossète (source géorgienne). Quatre policiers géorgiens sont arrêtés par la police ossète pour détention de drogue (source ossète).

Akhalgori (Léningori), 6 décembre. Quatre fonctionnaires ossètes sont arrêtés par la police géorgienne (source géorgienne).

Tskhinvali, 7 décembre. Les quatre policiers géorgiens et les quatre fonctionnaires ossètes sont libérés (source ossète). Les vingt civils et les quatre policiers géorgiens d'une part, les quatre fonctionnaires ossètes d'autre part, sont libérés (source géorgienne).

Tbilissi, 8 décembre. La Géorgie refuse de participer à la réunion de la Commission quadripartie proposée pour le 9 décembre par la Fédération de Russie et l'Ossétie du Sud ; elle souhaite connaître auparavant le sort de quatre Géorgiens enlevés en Ossétie du Sud en juin dernier, annoncés pour morts et dont les corps seraient restitués pour 100.000 dollars. Guiorgui Khaïndrava rencontre néanmoins Valéry Kényaikine, envoyé par Moscou.

L'Organisation pour la Sécurité et la Coopération en Europe réunit les Etats d'Europe, d'Asie Centrale, du Caucase, le Canada et les Etats-Unis. La Fédération de Russie s'y est trouvée en difficulté à plusieurs reprises ces dernières années.

Lors des élections en Géorgie, en Ukraine et au Kirghizstan, elle n'a pu empêcher les observateurs de l'OSCE de dénoncer les fraudes et d'amorcer des changements politiques qui ne lui étaient pas favorables.

Fin 2004, elle a dû mettre son veto au renouvellement du mandat d'observation de l'OSCE à la frontière entre Caucase Nord et Caucase Sud, entre Tchétchénie et Géorgie : elle ne souhaitait pas qu'une instance internationale s'intéresse de trop près à la question tchétchène. Quelques mois auparavant, le bureau de l'OSCE avait d'ailleurs été fermé en Tchétchénie.

Courant 2005, elle a menacé de ne pas verser sa contribution au budget de l'organisation si les intérêts des États de la CEI n'étaient pas mieux pris en compte. Dans la perspective des élections en Biélorussie en 2006, elle a obtenu le droit d'y déléguer 10 % des observateurs afin de contrôler "l'inacceptable autonomie" dont les représentants de l'OSCE font habituellement usage.

Le sommet de Ljubljana a donné lieu à une confrontation ouverte entre Nicholas Burns, secrétaire d'Etat adjoint des États-Unis et Sergueï Lavrov, ministre des Affaires étrangères de la Fédération de Russie : la question de l'Ossétie du Sud n'était pas absente du débat.

Il convient de rappeler que l'OSCE est née en 1975, suite aux accords d'Helsinki relatifs au développement de la démocratie et des droits de l'homme. Cette organisation a toujours constitué une épine dans le pied de Moscou. À l'époque de l'URSS, les dissidents s'en étaient servi comme point d'appui. Aujourd'hui, invoquant la lutte anti-terroriste, la Fédération de Russie cherche à en restreindre le champ d'action.

Même si à Ljubljana, la France a plutôt cherché à ménager les susceptibilités russes, l'implication directe de Washington a permis à la Géorgie de progresser dans ses propositions de règlement du conflit en Ossétie du Sud.

Voir aussi :
-  Ossétie du Sud : 10 jours de tension (2005), 1er octobre 2005.
-  Géorgie : l'Abkhazie et l'Ossétie du Sud préparent une alliance avec la Transnistrie (avril 2005), 11 avril 2005.
-  Géorgie : Mikheïl Saakachvili propose un plan de paix pour l'Ossétie du Sud (2004), 24 septembre 2004.
-  Géorgie : le conflit avec l'Ossétie du Sud envenime les relations russo-géorgiennes (2004) , 26 août 2004.
-  Ossétie du Sud (Géorgie) : le film de deux mois de crise (2004), 19 juillet 2004.


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