Au cours de sa visite d’État au Kazakhstan, Ilham Aliyev et Kassym-Jomart Tokayev ont discuté de l’élargissement de la coopération dans la région caspienne et le long du Corridor du Milieu, ainsi que de la mise en œuvre de projets communs. Selon les rapports officiels, les deux dirigeants ont signé un total de 15 nouveaux accords.
Les accords couvrent un large éventail de domaines, de l’énergie et de la propriété intellectuelle aux soins de santé et aux technologies numériques. L’Azerbaïdjan et le Kazakhstan ont signé un document-cadre visant à établir un mécanisme d’investissement conjoint entre SOCAR et le fonds souverain du Kazakhstan « Samruk-Kazyna ». Les accords énergétiques incluent également une coopération sur de nouveaux projets pétroliers et le développement d’énergies « vertes ».
Aliyev a souligné que les deux pays disposent d’un potentiel important en matière d’énergies traditionnelles et renouvelables, rappelant qu’« en novembre dernier, un accord trilatéral avec le Kazakhstan a été signé pour poser un câble électrique le long des fonds marins de la Caspienne ».
Il a également souligné l’importance des accords sur le Corridor du Milieu, la voie de transport transcaspienne. Les deux dirigeants ont souligné son rôle stratégique et sont convenus de mettre en œuvre des projets communs pour augmenter les volumes de fret.
L’un des principaux résultats de la visite a été un plan visant à doubler le commerce bilatéral. Les deux présidents ont annoncé leur intention de porter le chiffre d’affaires commercial à 1 milliard de dollars dans un avenir proche. Des projets conjoints dans la construction navale, la production de transformateurs, la construction et d’autres secteurs devraient soutenir cet objectif.
Aliyev et Tokaïev ont demandé à leurs gouvernements d’élaborer une feuille de route pour la coopération industrielle dans le cadre des projets à venir. Les discussions ont également porté sur l’élargissement de la collaboration dans le domaine des technologies numériques. La délégation azerbaïdjanaise a visité le centre d’intelligence artificielle Alem.ai du Kazakhstan, où des accords stratégiques dans le secteur numérique ont été signés.
Dans l’ensemble, les accords dans les domaines de l’énergie, des transports et de la technologie visent à renforcer le rôle de l’Azerbaïdjan dans le projet du Corridor du Milieu.
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Projets en discussion
L’une des initiatives les plus remarquables est le projet de pose d’un câble électrique sous-marin traversant la mer Caspienne. Dans le cadre de cet accord trilatéral, le Kazakhstan exportera vers l’Europe de l’électricité produite à partir de sources renouvelables.
Un autre sujet clé était la « Route TRIPP » – un couloir reliant le Nakhitchevan aux régions orientales de l’Azerbaïdjan. Le président Aliyev a déclaré que la construction des infrastructures routières et ferroviaires devrait être achevée d’ici le milieu de l’année prochaine, et que l’ensemble du corridor devrait devenir opérationnel d’ici 2028. En passant par Khankendi, l’itinéraire TRIPP devrait augmenter la capacité de fret à 15 millions de tonnes par an.
Pour soutenir ces routes, la Turquie, le Kazakhstan et l’Azerbaïdjan développent une série de projets d’infrastructure. La Turquie a annoncé la construction d’une nouvelle ligne ferroviaire de 224 kilomètres reliant Kars à la frontière du Nakhitchevan. Dans le secteur des transports, les plans incluent l’augmentation des exportations de pétrole kazakh via l’oléoduc Bakou-Tbilissi-Ceyhan, l’extension des sections kazakhes du corridor ferroviaire du milieu, la modernisation des ports de la Caspienne – la Banque européenne pour la reconstruction et le développement allouant 35 millions d’euros au port d’Aktau – et la modernisation des postes frontaliers terrestres et maritimes.
Les deux parties visent également à développer un système de certification unifié pour les navires et les marchandises (y compris une coopération entre AZAL et les compagnies aériennes du Kazakhstan). Dans le secteur de l’énergie, les discussions ont porté sur des projets pétrochimiques communs entre SOCAR et le fonds kazakh Samruk-Kazyna, ainsi que sur des stratégies plus larges en matière d’exportation de gaz.
Perspectives de mise en œuvre
La réalisation de tous ces projets nécessite des ressources financières et techniques importantes. Les contraintes infrastructurelles existantes posent de sérieux défis : la capacité limitée de la flotte, la faiblesse des installations portuaires et la prolongation des procédures frontalières et douanières restent des problèmes urgents. Par exemple, malgré une augmentation notable des volumes de fret le long du Corridor du Milieu en 2023-2024 (de 2,7 à 4,5 millions de tonnes), une expansion ultérieure nécessitera des investissements supplémentaires.
En réponse, le Kazakhstan a commencé à reconstruire le port d’Aktau pour augmenter sa capacité à 30 millions de tonnes par an d’ici 2028. La construction de l’extension de 43 kilomètres de la « Route Trump » à travers l’Arménie est estimée à 2,4 milliards de dollars. Le ministre turc des Transports a confirmé le financement du projet, dont l’achèvement est attendu dans quatre à cinq ans. Néanmoins, des risques démographiques, géographiques et diplomatiques persistent, en particulier lorsque la route traverse la région arménienne de Syunik, laissant l’opposition locale, les accords fonciers et les problèmes de sécurité non résolus.
Du côté des investissements, il est prévu que les grands projets soient financés par des mécanismes tels que le fonds d’investissement commun avec le Kazakhstan créé lors du sommet SOCAR. Le gouvernement kazakh négocie également avec les banques de développement dans le cadre du programme « Middle Corridor Development » pour attirer des financements supplémentaires. Cependant, une grande partie de la mise en œuvre dépendra du crédit et du parrainage extérieurs, et les fluctuations économiques mondiales restent un risque pour les délais du projet.
La stabilité politique dans la région est un facteur clé. Toute nouvelle escalade dans le Caucase du Sud pourrait menacer les voies de transport. Toutefois, la suppression par l’Azerbaïdjan des restrictions sur le transport de marchandises vers l’Arménie lors du sommet d’octobre a, notent les observateurs, renforcé la confiance mutuelle, qui devrait soutenir le développement de projets de transit.
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Risques régionaux : la réponse de la Russie et de l’Iran
Le renforcement des liens avec le Kazakhstan renforce la position régionale de l’Azerbaïdjan, suscitant une réaction notable de la part de Moscou. Alors que le président Poutine cherche à restaurer l’influence russe en Asie centrale – comme l’a souligné le sommet de Douchanbé en octobre – le rapprochement de Bakou avec Astana revêt une importance renouvelée pour la Russie. Lors d’une rencontre avec Aliyev, Poutine a reconnu la responsabilité de la Russie dans l’incident aérien d’Aktau en 2024 et a promis une pleine coopération dans l’enquête et le paiement des indemnisations. Même si le projet du Middle Corridor n’a pas été directement discuté, ce geste a contribué à apaiser les tensions bilatérales.
Le ministre russe des Affaires étrangères Sergueï Lavrov et d’autres responsables ont également été actifs dans la diplomatie régionale. À la mi-octobre, la Russie, l’Azerbaïdjan et l’Iran ont convenu de créer un groupe de travail sur le corridor de transport Nord-Sud. Le groupe élaborera des plans pour augmenter les volumes de fret à 15 millions de tonnes, signalant la volonté de Moscou d’inclure l’Azerbaïdjan dans les initiatives régionales de transport.
Les responsables iraniens, en revanche, ont adopté une position plus prudente. Le 21 octobre à Téhéran, le ministre iranien des Affaires étrangères Abbas Araghchi a déclaré à Halaf Halafov, l’envoyé spécial du président azerbaïdjanais, que Téhéran était déterminé à développer les relations bilatérales « dans tous les domaines et à éliminer tous les obstacles ». L’Iran a souligné que la réalisation de la paix dans le Caucase du Sud restait une priorité. Halafov a exprimé la volonté de l’Azerbaïdjan d’approfondir sa coopération avec l’Iran, ce qui est considéré comme un signal positif.
Cependant, les déclarations passées de l’Iran révèlent un scepticisme à l’égard de la nouvelle « Route Trump » du TRIPP. Plusieurs responsables iraniens se sont opposés à l’ouverture du corridor de Zanguezur sous contrôle extérieur, arguant que cela pourrait affaiblir la position de Téhéran et saper l’influence russe. En bref, l’Iran se montre disposé à coopérer mais reste prudent quant aux nouvelles routes de transit.
Résultats
La visite d’Ilham Aliyev au Kazakhstan a mis en évidence l’ambition de l’Azerbaïdjan de devenir un acteur économique plus fort dans la région. Des projets communs dans les domaines de l’énergie, des transports et de la technologie soulignent cette intention. Des initiatives telles que le Corridor du Milieu et la « Route Trump » du TRIPP témoignent de la volonté de Bakou de devenir une plaque tournante de transit clé dans le Caucase du Sud.
Pourtant, ces projets ambitieux ne se mesurent pas au nombre d’accords signés mais à la capacité de les mettre en œuvre. La question centrale reste de savoir si ces projets peuvent être réalisés dans la pratique.
La Russie et l’Iran ne se sont pas opposés à ces évolutions mais continuent de les observer avec prudence. Moscou promeut ses propres projets tout en cherchant à entretenir de bonnes relations avec Bakou, tandis que l’Iran, malgré des déclarations de coopération, reste sceptique quant à certaines initiatives, notamment la voie du TRIPP.
Pour l’instant, l’Azerbaïdjan et le Kazakhstan sont confrontés au défi de transformer ces plans en réalité, en surmontant les barrières financières, infrastructurelles et politiques sans alarmer les États voisins. Dans les années à venir, il apparaîtra clairement si cette visite marque le début d’une nouvelle phase de coopération ou si elle reste simplement dans les mémoires comme une série de séances de photos de haut niveau.
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