Relations entre l’Azerbaïdjan et l’UE
Lors d’une réunion à Bakou, le président italien a déclaré que l’Italie soutenait pleinement la coopération de l’Azerbaïdjan avec l’Union européenne et considérait Bakou comme un partenaire fiable. Le Premier ministre hongrois Viktor Orbán a quant à lui qualifié l’Azerbaïdjan de « réserve d’or » de l’UE.
Ces déclarations interviennent alors que l’Azerbaïdjan a été suspendu de l’Assemblée parlementaire du Conseil de l’Europe. Le soutien ouvert de l’Italie et de la Hongrie montre que l’Azerbaïdjan n’est pas isolé au niveau européen. Au contraire, en raison d’intérêts énergétiques et géopolitiques, les liens du pays avec l’Europe continuent de se développer.
Les observateurs affirment que ce soutien pourrait jeter les bases d’un éventuel retour de l’Azerbaïdjan au sein de l’APCE, dans la mesure où les principaux États de l’UE ne sont pas intéressés par une coupure totale et considèrent plutôt l’Azerbaïdjan comme un partenaire stratégique.
Exclusion du PACE
Depuis janvier 2024, l’APCE refuse de reconnaître les pouvoirs de la délégation azerbaïdjanaise. L’Assemblée a noté qu’en 20 ans d’adhésion, l’Azerbaïdjan n’avait « pas rempli ses obligations fondamentales », citant de « sérieuses inquiétudes » quant à la conduite d’élections démocratiques et à l’indépendance de son pouvoir législatif et judiciaire.
L’APCE a également rappelé les résolutions antérieures condamnant le blocus du couloir de Lachin pendant la crise du Haut-Karabakh et l’opération militaire de septembre 2023, a souligné les questions relatives aux droits de l’homme et a souligné le faible niveau de coopération de l’Azerbaïdjan avec l’Assemblée.
En réponse, les autorités azerbaïdjanaises ont accusé l’APCE d’appliquer « deux poids, deux mesures », qualifiant la décision de « biaisée » et accusant l’Assemblée d’« azerbaïdjanophobie et d’islamophobie », annonçant le retrait du pays de l’organisation.
Bakou a souligné que, suite au rétablissement de l’intégrité territoriale de l’Azerbaïdjan, de telles déclarations de l’APCE sont « inutiles et révèlent deux poids, deux mesures ».
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Message de l’Italie à Bakou : l’Azerbaïdjan pourrait-il revenir au sein de l’APCE ?
Lors d’une réunion à Bakou, le président azerbaïdjanais Ilham Aliyev et le président italien Sergio Mattarella ont fait des déclarations communes à la presse. Mattarella a souligné que « l’Italie soutient pleinement le partenariat stratégique avec l’Azerbaïdjan » et a noté que la coopération va au-delà de la sphère économique.
Il a déclaré que la collaboration devrait s’étendre aux domaines de l’énergie, des transports, de l’éducation et de la culture.
Le dirigeant italien a souligné le rôle de l’Azerbaïdjan dans le projet de pipeline transadriatique (TAP) et a souligné que l’Italie est un important importateur de pétrole azerbaïdjanais. Il a également souligné que l’Italie prendrait des mesures concrètes pour approfondir ses relations avec l’Union européenne :
« L’Azerbaïdjan est un partenaire très respecté, et l’UE le reconnaît. Notre coopération couvrira de nouveaux domaines et servira le bien-être de nos peuples. C’est précisément la raison pour laquelle je suis venu à Bakou. »
Remarques du Premier ministre hongrois

Le Premier ministre hongrois Viktor Orbán a déclaré que l’Europe était confrontée à de sérieux défis en matière de sécurité énergétique, alors que l’Azerbaïdjan disposait à la fois de riches ressources naturelles et d’un leadership stable et fort.
La description par Orbán de l’Azerbaïdjan comme d’une « réserve dorée » est plus qu’un compliment ; il reflète la réalité européenne. L’UE cherche à réduire sa dépendance à l’égard du gaz russe et à diversifier ses fournisseurs, l’Azerbaïdjan apparaissant comme une alternative clé.
La Hongrie a renforcé sa coopération avec Bakou dans le secteur gazier ces dernières années, le considérant comme essentiel pour la sécurité nationale. En soulignant le « leadership stable » de l’Azerbaïdjan, Orbán présente son modèle politique comme un partenaire pratique pour l’Europe, contrastant avec les critiques adressées à Bakou au sein de l’APCE et du Parlement européen sur les questions de droits de l’homme.
Les déclarations d’Orbán et du président italien Sergio Mattarella révèlent des divisions au sein de l’UE : certaines institutions se concentrent sur la démocratie et les droits de l’homme, tandis que d’autres donnent la priorité aux préoccupations énergétiques et sécuritaires. La position de la Hongrie reflète clairement cette dernière position, limitant l’isolement de l’Azerbaïdjan en Europe.
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Loin du PACE, mais proche de l’Europe ?
Après que l’APCE a refusé de reconnaître la délégation azerbaïdjanaise, des questions ont été soulevées quant à ses futurs liens avec les institutions européennes.
Cependant, les déclarations du président italien pourraient signaler une nouvelle phase dans les relations entre l’Azerbaïdjan et l’Europe. Un tel soutien politique pourrait rouvrir les discussions sur le rétablissement des liens avec l’APCE. L’Italie, pays leader de l’UE, présente Bakou comme un partenaire stratégique et prône ouvertement un approfondissement de la coopération.
Cela met en lumière le dilemme européen « valeurs contre intérêts ». D’une part, l’Azerbaïdjan reste exclu du Conseil de l’Europe, avec des préoccupations persistantes en matière de droits de l’homme. D’un autre côté, elle est considérée comme un partenaire clé pour la sécurité et la stabilité énergétiques dans le Caucase du Sud.
Le soutien de l’Italie suggère qu’au moins une partie de l’UE préfère voir Bakou non pas « en marge », mais comme un membre à part entière de la famille européenne.
Le message de Mattarella à Bakou a du poids tant pour la sécurité énergétique que pour la diplomatie, et pourrait marquer une étape importante vers le renforcement des liens européens de l’Azerbaïdjan et potentiellement la restauration des relations avec l’APCE dans les années à venir.
Le dilemme de l’UE : valeurs contre intérêts
L’approche européenne à l’égard de l’Azerbaïdjan révèle un paradoxe évident. Alors que Bruxelles défend officiellement les valeurs démocratiques, les intérêts énergétiques et géopolitiques continuent de motiver une coopération plus étroite avec Bakou.
Suite à la crise énergétique de l’été 2022, la Commission européenne a signé un accord gazier avec l’Azerbaïdjan : les approvisionnements vers l’Europe devaient doubler et le corridor gazier sud s’élargir pour répondre à la demande continentale.
Bien que motivé par des préoccupations économiques, le pivot de l’UE vers Bakou a suscité des critiques. Le Parlement européen et des ONG internationales ont souligné les problèmes des droits de l’homme en Azerbaïdjan, arguant qu’une coopération énergétique à grande échelle était inappropriée.
En octobre 2024, le Parlement européen a appelé à réduire la dépendance au gaz azerbaïdjanais et à suspendre le mémorandum de 2022. Cela reflète une division au sein de l’UE : les organismes chargés de la sécurité énergétique s’affrontent avec ceux qui donnent la priorité aux droits de l’homme.
Dans le même temps, les dirigeants européens n’ont pas toujours soutenu sans ambiguïté Bakou. Début 2024, le président Ilham Aliyev a laissé entendre que l’Azerbaïdjan pourrait prendre des mesures plus strictes si l’Arménie ne respectait pas ses obligations en matière de délimitation de la frontière. Josep Borrell a condamné ces déclarations, avertissant que la force unilatérale pourrait entraîner de « graves conséquences », allant de sanctions politiques et diplomatiques à des limites à la coopération. Le ministère azerbaïdjanais des Affaires étrangères a accusé Borrell de « déformer grossièrement les faits ».
Ces différends illustrent la double approche de l’Europe : promouvoir les conditions de la paix tout en proposant un partenariat stratégique à l’Azerbaïdjan. L’UE tente de concilier les principes démocratiques et les exigences de réforme avec les intérêts pratiques en matière d’énergie et de commerce.
En conséquence, cette politique est souvent considérée comme « à double visage » : l’APCE et le Parlement européen critiquent les pressions exercées sur la société civile, tandis que des pays comme l’Italie et la Hongrie mettent l’accent sur la coopération stratégique avec Bakou.
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Un nouveau modèle diplomatique et ses conséquences
L’Azerbaïdjan a récemment adopté une approche diplomatique multi-vecteurs dans ses relations avec l’Occident. L’activité de Bakou augmente à l’ONU, à la conférence sur le climat COP29 et dans les organisations régionales, tandis que l’attention s’est déplacée des institutions européennes vers la coopération intergouvernementale directe.
Les analystes notent que « les relations UE-Azerbaïdjan sont moins motivées par un alignement politique formel que par une interdépendance géoéconomique ». Jusqu’à présent, l’Azerbaïdjan a officiellement déclaré qu’il n’avait pas l’intention de rejoindre l’Union européenne. La coopération se limite largement aux projets stratégiques dans les domaines de l’énergie, des transports et du commerce.
Au cours des 15 dernières années, l’UE est devenue le plus grand partenaire commercial de l’Azerbaïdjan, représentant plus de 50 % du commerce total, ce qui rend Bakou encore plus dépendante de l’Europe que certains voisins formellement intégrés, dont la Géorgie.
Certains résultats de cette approche sont déjà visibles. L’Azerbaïdjan a renforcé sa position internationale, élargi ses partenariats stratégiques avec la Chine et les États-Unis et accueilli des sommets avec des pays turcophones ainsi que des réunions Turquie-Pakistan. En Europe, la visite du Premier ministre estonien Kaja Kallas cette année a démontré la reconnaissance par Bruxelles de Bakou en tant que partenaire stratégique en matière d’énergie et de sécurité. Des projets tels que le Southern Gas Corridor et le Middle Corridor attirent également les investisseurs européens ; Lors du sommet UE-Asie centrale, 12 milliards d’euros ont été alloués au développement du Corridor du Milieu, créant ainsi une base pour le renouvellement des infrastructures.
En même temps, ce modèle comporte des risques. En s’éloignant des valeurs occidentales, l’Azerbaïdjan pourrait à l’avenir faire face à des pressions de la part des institutions occidentales. Le Parlement européen a déjà appelé à réduire la dépendance au gaz azerbaïdjanais, et des groupes de défense des droits de l’homme ont fait appel aux organes de l’ONU concernant les prisonniers politiques. Tout en affirmant son leadership régional, Bakou doit équilibrer les relations entre les grandes puissances mondiales.
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