VIII) L'intégration à la société française des immigrations politiques géorgiennes
mardi 19 mars 2013, par Mirian Méloua
Huitième partie du Dossier : les émigrations géorgiennes vers la France au XXème et au XXIème siècles (2012)
Les générations nées en Géorgie
Si traditionnellement les métiers de la terre ont permis aux premiers immigrés en France de subvenir à leurs besoins sur le court terme, d'autres métiers sont investis : taxis, épiceries, restaurants, fabrication et commerce de yaourts, mécanique automobile, ... Les plus jeunes, et les plus entreprenants, se forment à de nouveaux métiers, techniques ou d'encadrement, ou renouvellent leur formation militaire : ils deviennent -de fait- des vecteurs d'intégration.
Voir :
Les Géorgiens de la Route de Leuville.
La liste des chaufeurs de taxi serait longue à établir. Certains s'illustreront ensuite comme chauffeur de maître (comme Gogui Kalandarachvili au volant de sa luxueuse Cadillac), d'autres auraient inspiré -avant Patrick Modiano-des héros de roman (comme Simon Abachidzé, pour le romancier Jacques Laurent), la plupart cherchent d'abord une vie honnête et paisible.
Le commerce, la restauration
Les familles Méliava, Pataridzé, Tzéréthéli, entre autres, tiennent des épiceries, Hélène et Micha Tsagarelli également.
Des restaurants géorgiens s'ouvrent à Paris, à Cannes, à Juan-lès-Pins, à Leuville-sur-Orge. Le plus célèbre reste "La Toison d'Or" des frères Antadzé qui fait courir le tout Paris dans le XVème arrondissement.
Voir :
Les restaurants géorgiens en France
Le yaourt géorgien en France.
La mécanique automobile
Les constructeurs automobiles recherchent du personnel : les usines Peugeot, Citroën et plus tard Simca, accueillent des Géorgiens. Lado Bakradzé, ancien responsable de la mission diplomatique géorgienne en Pologne, négocie avec Peugeot une convention qui permet aux jeunes Géorgiens de se former aux métiers de la construction automobile et d'être embauché : plusieurs centaines le sont -surtout après 1924- et une « colonie bis » se forme dans la région de Sochaux - Montbéliard.
Voir : photographie de travailleurs géorgiens dans les Etablissements Peugeot Frères (1930) :
http://www.samchoblo.org/agf_sochaux.htm.
L'encadrement
Michel Khoundadzé, envoyé en Europe en 1918 pour y poursuivre ses études, obtient un doctorat de droit et accède au management supérieur de Citroën. Artchil Zourabichvili, envoyé en France en 1919 pour poursuivre ses études, obtient un diplôme d'ingénieur électricien à Grenoble : il conduira une carrière chez Rolls Royce, Alsthom et à l'UNESCO.
Lévan Zourabichvili obtient un diplôme d'ingénieur des mines et accède au management supérieur de Simca Chrysler France. Nicolas Tsertsvadzé obtient un diplôme d'ingénieur et œuvre dans les ponts et chaussées. Micha Macarachvili obtient un diplôme d'ingénieur à Grenoble et deviendra directeur d'une filiale de Peugeot. Bagrate Tchantouria devient ingénieur-dessinateur au bureau d'études de la Société métallurgique de Normandie.
Voir :
Géorgie et France : Michel Khoundadzé (1898-1983), directeur à l'international des établissements Citroën
Lévan Zourabichvili (1906-1975), ancien président de l'Association géorgienne en France.
Les entrepreneurs
Chalva Skamkotchaïchvili obtient un diplôme d'ingénieur électricien et crée sa propre entreprise de montage de postes radio (TSF à lampes). Serge Tarassachvili fonde une entreprise d'électrification des chemins de fer (« La Compagnie havraise d'entreprise » et emploie nombre de ses compatriotes. Quelques émigrés formés en Géorgie, s'investissent dans leur propre entreprise comme Joseph Eligoulachvili (textile).
Voir :
Chalva Skamkotchaïchvili (1904-1949), ancien président de l'Association géorgienne en France
Géorgie et France : Joseph Eligoulachvili (1890-1952), figure de la communauté juive.
Les professions libérales
D'autres émigrés, également formés en Géorgie, repassent leur diplôme en France comme le docteur en médecine Jacques Khotcholava, le docteur vétérinaire M. Mguébérichvili ou l'avocat international Ilamaz Dadéchkéliani. Georges Zourabichvili (1898-1944), envoyé à Berlin pour engager des études de droit, rejoint plus tard la communauté géorgienne en France.
Voir :
Jacques Khotcholava (1889-19XX), docteur en médecine en Géorgie et en France.
Les artistes
Après des hauts et des bas, Félix Varlamichvili et Vera Pagava connaîssent le développement d'une carrière de peintre de premier plan.
Voir :
Géorgie et France : Vera Pagava (1907 -1988), peintre
Géorgie et France : Félix Varlamichvili (1903-1986), peintre.
Les militaires
Les Ecoles militaires françaises (Saint Cyr et Ecoles d'application de Saint Maixent) attirent un certain nombre de Géorgiens, dont d'anciens cadets de l'armée nationale.
Voir :
Géorgie et France : Dimitri Amilakvari (1906-1942), Lieutenant-colonel de la Légion étrangère
Géorgie et France : Alexandre Kintzourichvili (1900-1976), officier de la Légion étrangère
Géorgie et France : Georges Odichélidzé (1899-1970), officier de la Légion étrangère
Géorgie et France : Alexis Tchenkéli (1904-1985), officier de la Légion étrangère
Géorgie et France : Nicolas Tokadzé (1901-1975), officier de la Légion étrangère
Géorgie et France : Jean Vatchnadzé (1899-1976), officier de la Légion étrangère .
D'autres militaires géorgiens suivent des Ecoles d'application, Saumur pour Toukneff Saîd Soultanoff (Lieutenant de l'armée géorgienne).
Des dizaines d'autres s'engagent dans la Légion étrangère comme Michel Pridon Tsouloukidzé (qui y retrouvera un grade d'officier) et Akaz Andronikachvili (dit Andronikof).
Avec parfois des revers de situation
Georges Togonidzé raconte dans son livre, "Larmes d'exil", comment un certain nombre d"émigrés géorgiens des années 1920, mobilisés dans l'armée française en 1939/1940, ont du revenir provisoirement aux métiers agricoles après la fermeture des usines automobiles où ils travaillaient.
Voir :
Bibliographie : les brochures d'un exilé géorgien, Georges Togonidzé.
Les émigrés, arrivés enfants
Les plus jeunes, arrivés enfants, bénéficient de la scolarité à la française et accède à la vie professionnelle, l'architecte Achille Tsitsichvili, le directeur des Affaires sanitaires et sociales à la Santé publique Roland Assathiany, l'attachée de presse Kéthévane Chédeau (Barnovi), le chef des ventes Victor Homériki, la comédienne Maria Mériko (Alikhanachvili), le docteur (médecine) Akaki Ramichvili, l'interprète Constantin Andronikachvili, les personnalités comme Nathéla Jordania et Nina Ramichvili, le psychiatre Serge Tsouladzé ... ainsi que des dizaines d'autres !
Voir :
Constantin Andronikachvili (1916-1997), dit Andronikof, interprète du général de Gaulle, d'origine géorgienne
Roland Assathiany (1910-2008), militant au service de l'éducation spécialisée, d'origine géorgienne
Géorgie et France : Kéthévane Chédeau - Barnovi, attachée de presse
Victor Homériki (1910-1994), ancien président de l'Association géorgienne en France
Géorgie et France : Nathéla Jordania, présidente du Foyer géorgien de Leuville-sur-Orge
Géorgie et France : Maria Mériko (1920-1994), née Alikhanachvili, comédienne
Géorgie et France : Nina Ramichvili (1920-2011)
Géorgie et France : Achille Tsitsichvili de Panaskhet (1916-2010), architecte
Géorgie, France et URSS : Serge Tsouladzé (1916-1977), psychiatre et traducteur
Géorgie et France : Nelly Vodé (1916-2012), née Mdivani.
Les descendants de première génération, nés en France, apatrides ou Français
Eduqués et formés à la française, ils s'intègrent sans difficulté, parfois issus de mariage mixte. Cette génération donne à la France l'académicienne Hélène Carrère d'Encausse (Zourabichvili), l'animateur de mouvements associatifs Laurent Assathiany, l'archiprêtre Artchil Davrichachvili, les architectes Georges Davrichéwy, Alexis Kobakhidzé, Ramine Naskidachvili et Mérab Odichélidzé, l'artisan Alexandre Liadzé, l'avocat Guivi Béguiachvili, la chef de collection Hélène Méloua, les chefs d'entreprise Arsène Liadzé, Guia Sardjvéladzé et Charles Takaïchvili, le chef des ventes Alain Khoundadzé, la collaboratrice du CIO Marie-Hélène Roukhadzé, le compositeur Nicolas Zourabichvili, les conseils en entreprise Natacha Méliava, Thamaz Naskidachvili et Nodar Odichélidzé, la danseuse étoile Ethery Pagava, le contrôleur de gestion Michel Vodé, le diacre selon la religion catholique Laurent Kitiaschvili, les diplomates Claude de Kemoularia et Salomé Zourabichvili, le directeur administratif Georges Kirtava, le directeur de l'organisation et de l'informatique Mirian Méloua, le directeur financier Othar Pataridzé, la docteur (dentiste) Catherine Chasseloup (Liadzé), les docteurs (médecine) Thémouraz Abdouchéli, Rémy Assathiany, Stéphane Havard (Guédévanichvili), Révaz Nicoladzé, Elisso Tarassachvili et Othar Zourabichvili, le docteur (physique) Guivi Guélachvili, l'écrivain Vassili Karist (Karistchirachvili), l'éditeur Pascal Assathiany (à Montréal), l'élu Paul Chenguélia, les fonctionnaires internationales Mireille Moreau (Assathiany) et Milly Zourabichvili, les hauts fonctionnaires Othar Amilakvari, Roland Assathiany et Lia Vodé, les ingénieurs Tariel Zourabichvili (travaux publics), Michel (agronomie) et Serge (physique/chimie) Méliava, les journalistes Guy Kédia, Goulnara Pataridzé et Luc Méloua, la kinésithérapeute Nina Monos (Liadzé), le maître d'art (verrerie) Guy Méliava, les musiciens Irakli Davrichéwy, Sandrik Davrichéwy, Eliane Roukhadzé et Tamara Sombart (Khoundadzé), les peintres Agnan Kroichvili, Henri Matchavariani, Ivlita Moudjiri et Mohandas Roukhadzé, les responsables de relations presse Christine Pagava (Boulez) et Nicolas Tchavtchavadzé, la responsable d'ONG Thamar Bourand (Charachidzé), les sculpteurs Darédjane Bérékachvili et Nathéla Villecourt (Nikoladzé), le sportif de haut niveau Michel Yachvili, l'universitaire linguiste Georges Charachidzé, l'un de ses gardes du corps du général de Gaulle Georges Diani (Akhvlédiani) … et des centaines d'autres dont la liste reste à établir !
Voir :
Thémouraz Abdouchéli (1924-2006), d'origine géorgienne
Gogui Akhvlédiani (1933-1998), dit Georges Diani, garde du corps du général de Gaulle, d'origine géorgienne
Darédjane Bérékachvili, sculpteur d'origine géorgienne
Hélène Carrère d'Encausse, secrétaire perpétuel de l'Académie française, d'origine géorgienne
Georges Charachidzé (1930-2010), linguiste et historien du Caucase, d'origine géorgienne
France, Géorgie et France : Artchil Davrichachvili, archiprêtre de la Paroisse Sainte Nino de Paris depuis 1993
Irakli Davrichewy, jazzman et historiologue du jazz, d'origine géorgienne
Vassili Karist, professeur de lettres, écrivain et auteur dramatique, d'origine géorgienne
Guy Kédia, journaliste, d'origine géorgienne
Claude de Kémoularia, ancien ambassadeur de France, d'origine géorgienne
Thina Kéressélidzé (1951-2009), d'origine géorgienne
Laurent Kitiaschvili, d'origine géorgienne, ordonné diacre selon la religion catholique
Henri Matchavariani, peintre d'origine géorgienne
Serge Méliava (1937-2011), ancien président de l'Association géorgienne en France
Hélène Méloua, chef de collection, d'origine géorgienne
Luc Méloua (1936-2010), motoriste, auteur et journaliste, d'origine géorgienne
Mirian Méloua, ingénieur et journaliste, d'origine géorgienne
Thamaz Naskidachvili, président de l'Association géorgienne en France de 1981 à 1986
Nodar Odichélidzé, président de l'Association géorgienne en France de 1994 à 1997
Ethery Pagava, danseuse étoile et chef de ballet, d'origine géorgienne
Christine Pagava Boulez, vice-présidente de l'Institut Noé Jordania, d'origine géorgienne
Goulnara Pataridzé (1943-2003), journaliste, d'origine géorgienne
Othar Pataridzé, président de l'Association géorgienne en France de 1986 à 1989
Marie-Hélène Roukhadze, écrivain d'origine géorgienne
Guia Sardjvéladzé, président de l'Association géorgienne en France de 2003 à 2006
Charles Takaichvili (1932-1998), témoin du massacre de Tbilissi (9 avril 1989)
Nicolas Tchavtchavadzé, chef de service de presse, d'origine géorgienne
Irène Tsitsichvili de Panaskhet, d'origine géorgienne
Lia Vodé, présidente de l'Association géorgienne en France de 1992 à 1994
Les Yachvili, rugbymen français, d'origine géorgienne
Nicolas Zourabichvili, compositeur, d'origine géorgienne
Othar Zourabichvili, président de l'Association géorgienne en France depuis 2006
France, Géorgie et France : Salomé Zourabichvili, ancienne ministre géorgienne
Tariel Zourabichvili, président de l'Association géorgienne en France de 1997 à 2003.
Les descendants de deuxième génération, nés Français
Nés sur le territoire français, de parents intégrés à la société française, ils sont eux-mêmes complètement intégrés, mais restent souvent attachés à certaines traditions. Cette génération donnent à la France l'architecte Martine Monestier (Homériki), l'avocate Kéthévane Méliava, le chef cuisinier Vakhtang Méliava, la cinéaste Mery Zourabichvili, la comédienne et chanteuse Nathéla Davrichewy, le conseil en communication Laurent Assathiany, la conseil en entreprise Leïla Naskidachvili, les docteurs (médecine) Nathalie Baudot (Abdouchéli) et Elisabeth Dejours (Abdouchéli), la docteur (pharmacie) Tsiala Bénard (Tzéréthéli), le docteur (vétérinaire) Laurent Naskidachvili, l'écrivain Kéthévane Davrichéwy, la grammairienne Dominique Gauthier (Eligoulachvil), la journaliste Kéthévane Gorjestani (Gougouchvili), la maître des Ecoles Tamara Méliava, le philosophe François Zourabichvili, la pianiste Elizabeth Sombart (Khoundadzé), les professionnels de nouvelles technologies Guillaume et Stéphane Takaichvili, la sophro-relaxologue Nathéla Naskidachvili, les sportifs de haut niveau Grégoire, Dimitri et Charles-Edouard Yachvili ...pour ne citer que ceux-là !
Voir
Tsiala Bénard, chercheur en pharmacie, d'origine géorgienne
Kéthévane Davrichewy, écrivain et journaliste d'origine géorgienne
Mery Zourabichvili, jeune cinéaste d'origine géorgienne.
Une intégration réussie
Le facteur temps, comme pour les autres immigrations de cette époque en provenance d'Europe de l'Est, est un facteur d'intégration.
Les immigrés géorgiens (pour la plupart nés citoyens de l'Empire russe, devenus citoyens de Géorgie en 1918, puis apatrides afin de ne pas porter la citoyenneté soviétique) meurent apatrides ou demandent la naturalisation française.
Les descendants de première génération, nés en France, déclarés apatrides ou Français, convergent vers une citoyenneté française pleine. Les classes d'hommes nés durant les années 1930 et 1940 sont appelées dans l'armée française au titre du service militaire obligatoire, souvent en Allemagne ou en Afrique du Nord. Ces Français d'origine géorgienne servent la France comme les autres Français.
Pour les descendants de deuxième génération la question de l'intégration ne se pose plus.
Il est probable que la guerre froide (et "l'espoir perdu d'un retour en Géorgie"), la croissance économique (les "Trente glorieuses"), l'enracinement des enfants nés en France et la tradition géorgienne des études (recherche du savoir, "ganatleba") ont contribué à accélérer cette intégration ... même si parfois les prénoms et les noms ne permettaient pas de masquer les origines !
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